Les contes de Halima Hamdane

26 novembre 2007 - 12h27 - Culture - Ecrit par : L.A

Avec de grands gestes, une voix tour à tour douce ou ferme et de longs silences chargés de mystère, Halima Hamdane égrenne ses contes. Des histoires qui commencent par un invariable “kane ya ma kane”, et où il est toujours question de sultans, de jeunes filles belles comme la lune et de monstres terrifiants. Des histoires de grand-mère, que l’on croyait oubliées et qui font renaître en chacun cette part enfouie
d’enfance.

Dans la salle comble de la médiathèque de l’Institut français de Rabat, l’auditoire retient son souffle. Les adultes sont plus nombreux que les enfants, assis au premier rang. Mais dans les regards, l’émerveillement est le même. Avec un talent rare, la conteuse chasse les temps morts, captive l’attention de son auditoire en le poussant à participer à ses récits. Au fil des mots, l’imaginaire reprend ses droits : une pomme de grossesse portée à la cheville d’un homme peut donner naissance à une fillette, les animaux prennent la parole, les ruisseaux chantent et une princesse peut exiger une rose bleue à son prétendant.

Turban autour de la tête et long qmiss sombre, Halima Hamdane, assise en tailleur, retrouve la posture et les mots de sa grand-mère, qui lui contait ces mêmes histoires. Désormais, c’est à son tour de les transmettre. Native de Sidi Kacem, dans les années cinquante, Halima Hamdane a quitté le Maroc vers la France, il y a 20 ans, laissant derrière elle un poste de professeur de français aux lycées Hassan II et Moulay Youssef à Rabat. À Paris, elle est chargée de travaux dirigés en méthodologie à l’Université Val d’Essonne, avant de se consacrer au conte et à l’écriture. Le déclic a lieu à Paris, dans un atelier de la parole dirigé par Henry Gougaud, célèbre romancier, parolier et conteur, que Halima intègre en 2001. Un espace dédié aux professionnels du conte, où elle apprend à faire appel à sa mémoire et à son enfance marocaine. Alors que les autres participants s’étaient assis sur des tabourets, Halima s’était instinctivement installée à même le sol, sur un coussin, retrouvant la gestuelle et les paroles de sa grand-mère. “Tout m’était revenu en douceur, me réconciliant avec ma langue et mes origines”, se rappelle-t-elle. Car dans ses contes, Halima alterne langue marocaine et française, jonglant habilement avec sa double identité.

De l’oralité à l’écriture

Dès lors, Halima n’a de cesse de dépoussiérer les histoires de son enfance pour les remettre au goût du jour. “Dans cette démarche, je tiens à respecter la tradition orale, qui consiste à transmettre sans passer par l’écrit. Il ne faut pas oublier que le conte reste un art intimiste, encore présent dans les foyers marocains ou sur quelques places publiques, comme Jamaâ El Fna”. Après avoir fait le tour des récits de son aïeule et dépouillé de nombreux ouvrages consacrés au conte marocain, Halima entreprend un véritable retour aux sources. Elle effectue plusieurs séjours dans différentes régions du Maroc, pour recueillir des récits dont se souviennent encore quelques vieilles femmes.

Des histoires que Halima raconte chaque vendredi sur les ondes de Radio France Internationale (RFI) dans l’émission “Reines d’Afrique”. Au mois de ramadan dernier, elle avait également pris place sur la grille de la radio publique marocaine, avec l’émission quotidienne “kane ya ma kane”. Et depuis un mois, elle dirige un atelier d’initiation au conte pour enfants, au sein du Musée du Quai Branly consacré aux arts africains. De son amour de conter est aussi né celui d’écrire.

Après avoir signé “Sarraouinia”, un ouvrage pour enfants dédié à une reine du Niger, Halima a écrit son premier roman, intitulé “Laissez-moi parler” (Editions le Grand souffle, en coédition avec la Maison marocaine des Arts, des sciences et des lettres). Dans ce livre, dont Dada Itou est l’héroïne, une multitude de personnages, tous féminins, racontent des pans de leur existence. Des tranches de vie croisées, qui plongent le lecteur dans un quotidien féminin où la parole permet de sortir de la plainte pour se reconstruire. Entre écriture et oralité, Halima a su trouver un juste équilibre. “La différence entre les deux exercices ? L’oralité permet d’être en contact avec un public, tandis que l’impact d’un livre est plus difficile à appréhender”, explique-t-elle, avant de conclure : “Mais les deux ont un même but : créer une communion entre les esprits”.

TelQuel - Abla Ababou

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