Reconstruire les liens avec les diasporas

20 juillet 2006 - 10h58 - Maroc - Ecrit par :

« Nous sommes tous faits de deux eaux (... nous devons...) rétablir la légitimité de la relation entre les Etats-nations et leurs diasporas », a déclaré André Azoulay, conseiller du Souverain, devant le Sommet des intellectuels de l’Afrique et de la Diaspora qui vient de se tenir au Brésil (du 12 au 15 juillet), à l’initiative du président brésilien Lula et en partenariat avec l’Union africaine.

Plus de 1.500 personnes dont plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement (Brésil, Sénégal, Ghana, Tanzanie, Botswana, Guinée Equatoriale, Cap-Vert, Jamaïque, etc.) étaient présentes. Le sommet de Salvador de Bahia, après celui de Dakar en 2004, était consacré aux conditions de la renaissance politique de l’Afrique et au rôle des diasporas afro-américaines et afro-européennes.

Une vieille méfiance à surmonter

Il faut « un pacte économique et social rénové entre l’Afrique et ses diasporas », a déclaré, en plénière, André Azoulay : « les nations, après s’être longtemps méfiées de leurs diasporas, étaient en train de prendre conscience des atouts et de la force d’une réalité historique, démographique et politique qui s’impose désormais aux décideurs en Afrique, en Europe, dans les Amériques et en Asie ».

« Pour le continent africain en quête d’unité, de développement et d’écoute au sein de la Communauté des nations, les diasporas riches de leurs histoires, de leurs influences, de leurs expertises et de leurs fidélités peuvent apporter une accélération décisive », a souligné le conseiller de SM le Roi avant de rappeler le rôle central et historique joué par le Maroc aux côtés des mouvements nationaux de libération et pour l’émergence de l’unité africaine. Sans doute un message politique destiné au continent et qu’il faut replacer dans la reprise d’initiative marocaine vis-à-vis de l’Afrique. D’ailleurs, le conseiller a invité l’assistance à « résister aux tentations de l’amnésie et aux incertitudes d’une histoire sélective ». Pour lui, « le retour de l’Afrique sur la scène internationale sera celui d’une Afrique guérie des mirages de la balkanisation, d’une Afrique réconciliée avec ses valeurs traditionnelles et forte de ses diasporas mobilisées pour l’aider à retrouver la place qui lui revient ».

Dans l’ordre international du XXIe siècle, « il y a des mondialisateurs et des mondialisés », a-t-il estimé, soulignant que dans un » univers unipolaire sur le plan stratégique et globalisé sur le plan économique », l’Afrique humaniste peut contribuer à donner du sens à une communauté traversée par tous les doutes et toutes les peurs, « une communauté de nations qui malheureusement renoue avec des archaïsmes » (choc des civilisations). Pour terminer, André Azoulay a cité le festival d’Essaouira, qui a accueilli des centaines de milliers de personnes, « y compris ceux qui sont les plus différents ». Le Maroc « ouvert et pluriel » est engagé « avec détermination et conviction » dans la reconstruction politique et économique du continent africain ».

La Conférence qui s’est achevée par l’adoption d’une déclaration solennelle appelant à faire de « la renaissance africaine l’une des priorités du XXIe siècle », a été marquée par une forte participation marocaine.
Outre le conseiller, le Maroc était en effet représenté par Farida Jaïda, ambassadeur de SM le Roi au Brésil, et Khalid Naciri, directeur de l’Institut supérieur de l’Administration, Mohamed Lamouri, professeur à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Rabat, Mohamed Aujar, ancien ministre des Droits de l’Homme, et Mohamed Bekouchi, sociologue, auteur de « La Diaspora marocaine ».

Intervenant sur la lutte contre la pauvreté, le racisme, la xénophobie et les autres formes de discrimination, le Pr Lamouri a souligné que la pauvreté en Afrique n’est pas une fatalité. « L’aide internationale, comme certains le prétendent, n’est pas uniquement la panacée pour venir à bout de ce fléau. Elle suppose un combat à l’échelle nationale pour en faire disparaître les différentes causes : disparités régionales, marginalisation de la campagne, discrimination à l’égard des femmes ». Pour sa part, le Pr Naciri a mis l’accent sur « l’ambivalence de l’état des lieux », marqué par la « coexistence de facteurs de régression, parallèlement aux vecteurs de progrès et de développement ».

Sur le fond, il a souligné qu’il était vital de passer de « l’histoire subie » à « l’histoire assumée », pour dépasser la « fatalité de la marginalité et du sous-développement ». S’agissant des composantes de la renaissance, il a notamment mis en exergue la gouvernance, l’éducation et la solidarité, lançant un appel pour l’élaboration d’une « utopie mobilisatrice » impliquant les peuples. « Aucune démagogie ne saurait être admise : l’intégration africaine passe par le respect mutuel et des groupements régionaux viables ».

Mohamed Aujar a exposé, pour sa part, la singularité et les caractéristiques de l’expérience de démocratisation menée avec sagesse et courage par SM le Roi. Il a notamment rappelé les réalisations du Maroc en matière des droits de l’Homme en mettant principalement l’accent sur le caractère historique et avant-gardiste de l’Instance Equité et Réconciliation et le Code de la famille qui a démontré la capacité du droit musulman à recevoir les valeurs universelles.

Le Pr Mohamed Bekouchi, quant à lui, est intervenu sur le thème : « Connaissance mutuelle entre l’Afrique et la Diaspora : Identité et Coopération ». En mettant en exergue l’importance de la théorie des trois C : Culture-Connaissance-Communication, Bekouchi a souligné la nécessité d’une forte volonté politique, de part et d’autre, pour réaliser une meilleure circulation du savoir et de connaissances entre l’Afrique et sa diaspora. Il a également relaté l’expérience marocaine en mettant l’accent sur l’intérêt porté à la Communauté marocaine à l’étranger et aux diverses compétences dont disposent ses membres.

Fin d’un tabou ?

Tous les intervenants s’accordent pour affirmer qu’un tabou de taille est tombé, remarque le Pr Bekouchi : « finies peur et crainte chez la diaspora et réciproquement, plus de suspicion ni de méthodes musclées de la part des gouvernants ». Dorénavant, la diaspora est considérée comme une « région d’Afrique », une région virtuelle qui s’institutionnalise et se structure en entité ayant une reconnaissance morale et les moyens matériels pour jouer pleinement ses rôles : participation dynamique dans la démocratisation et développement économique, en même temps, la constitution de groupes de pression et de lobbies s’intégrant dans une nouvelle stratégie de coopération diplomatique africaine.
Pour transformer les souhaits en « programmes gagnants », dit Bekouchi, il faut que les décideurs politiques africains soient prêts, qu’ils travaillent à clarifier leurs objectifs et leurs modalités d’actions, et ce qu’ils attendent de la diaspora.

Pour L’Economiste,
correspondances particulières

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