Al Hoceima : après le séisme, la peur de l’oubli

12 mars 2004 - 07h38 - Maroc - Ecrit par :

Vue du ciel, la région d’Al Hoceima s’est mouchetée de taches bleues et blanches. Il n’y a quasiment plus une maison ou tas de pierres qui ne soit flanqué de sa tente. Douze jours après le séisme qui a frappé le nord-est du Maroc et causé la mort de 628 personnes, les 15230 sans-abri recensés improvisent une vie nouvelle dans des bivouacs.

Les autres, dont les habitats sont restés debout, reprennent peu à peu leurs activités, mais redoutent encore de dormir sous les toits en dur. Des craintes renforcées dimanche dernier par une nouvelle réplique de forte intensité, évaluée à 5,1 sur l’échelle de Richter.
« La première phase des urgences est passée, il faut à présent préparer ceux qui le peuvent au retour », explique pourtant le docteur Sanya Kaouachi au camp d’Imezouren qui abrite 3500 personnes. C’est le plus grand des cinq camps encadrés par la Fondation Mohammed VI, une véritable ville dans la ville, la boue et les réchauds en plus. Les jeunes traversent les allées en mobylette, des échoppes ambulantes occupent les carrefours stratégiques, et les premiers resquilleurs commencent à affluer, comme cette mère et sa fille, venues depuis Rabat réclamer une tente. « On distribue des vivres, des couches, des couvertures, des jouets... On a créé un besoin et maintenant les gens affluent. Ils s’imaginent que s’ils obtiennent une tente ils auront la maison garantie ! », déplore le pharmacien de la Fondation M6 auprès de Zoulikha Nasri, la conseillère du roi, venue faire le point sur les opérations.

Mais c’est dans les montagnes que les problèmes les plus aigus se posent. Avec 2498 maisons effondrées sur un total de 2539, les habitants des zones isolées sont les grandes victimes de la catastrophe. Des villages entiers, inaccessibles en camion, ont été rasés. Au douar d’Aït Zekri dans la région d’Aït Kamra, la famille de Mohamed Zekriti, 37 ans, a miraculeusement survécu. Les trois garçons, les deux filles, les grands-mères et la maman vivent aujourd’hui sous deux tentes de fortune à côté des éboulis rougeâtres. Les chats, les poules, une brebis et Mohamed fils cohabitent au milieu des détritus. Les mouches ont envahi les maisons de plastiques attirées par les restes de nourriture. Ils sont des centaines à vivre dans ces conditions dramatiques. Et ils savent déjà qu’il faudra compter plusieurs mois avant que chacun trouve un abri.
Ce week-end les équipes de secours ont repéré les premiers cas de dermatose galleuse. Tous redoutent aussi l’apparition des serpents et des insectes, nombreux avec l’été. « Ici les gens ont peur d’être oubliés, répète Mohamed Yamin, vice-président de la commune d’Aït Kamra. Ils réclament des sanitaires, le ramassage des ordures en urgence, mais surtout des maisons au plus vite. »

Marie Lemonnier pour Nouvel Obs

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