Anniversaire de la révolution du Roi et du peuple

29 décembre 2008 - 12h16 - 1996 - Ecrit par : L.A

"Louange à Dieu,

Que la paix et la bénédiction soient sur le Prophète Sa famille et Ses compagnons.

Cher peuple,

Le Maroc célèbre aujourd’hui l’anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple. Cette Révolution n’a pas pris fin le 20 août 1953, ni après notre retour d’exil ou encore après le recouvrement par notre Auguste père - que Dieu l’ait en Sa Sainte miséricorde - de son Trône et le recouvrement par le peuple de sa liberté, de son indépendance et de sa souveraineté.

Notre révolution ne s’est pas arrêtée non plus les seize dix-sept et dix-huit novembre 1955. Bien au contraire elle s’est poursuivie plutôt tout comme sa célébration par le peuple et ce pour une seule raison à savoir que notre regretté Père a fait de cette expression de son ancêtre - sur Lui paix et bénédiction, "Nous voilà sortis du petit Jihad pour entamer le grand Jihad", l’essence de sa sagesse, l’esprit de son discours et le fondement de sa conduite. Il avait la conviction -que Dieu l’ait en Sa sainte miséricorde- que toute œuvre d’édification, toute démarche bénéfique, tout nouveau jalon sur la voie de l’édification est également une révolution. Il nous a tous éduqués dans cet esprit. Par tous, Je n’entends pas uniquement ses fils, mais l’en semble des Marocains, hommes et femmes. C’est sur cette voie que nous avons persévéré et c’est dans cet esprit que nous avons toujours agi.

En célébrant aujourd’hui cet anniversaire sacré, Nous t’annonçons, cher peuple, que Nous te soumettrons conformément à ce que Nous avions annoncé un projet de nouveaux amendements de la Constitution. Dieu sait que l’objectif recherché derrière chaque terme, chaque formulation, chaque paragraphe et chaque article n’est autre que l’intérêt général et la contribution effective à une réforme progressive et efficiente qui va de pair avec les exigences de l’époque et qui soit conforme aux composantes humaines intellectuelles et politiques de notre pays.

En quoi cette Constitution apporte-t-elle du nouveau ? Comme Je te l’ai dit précédemment, cher peuple, le tiers des représentants élus au suffrage indirect au Parlement actuel ne représente pas en vérité ce qu’il doit représenter. Ce tiers représente la force vive de notre peuple, la force nourricière celle qui œuvre quotidiennement au service de son pays. Il s’agit en l’occurrence des Chambres professionnelles des salariés et des Collectivités locales. Telle est la force active et dynamique qui œuvre quotidiennement. Elle était en réalité lésée par le fait qu’elle n’était représentée que par le tiers des députés au Parlement. Et ce sans compter certaines critiques qui estiment que ce système d’élections en deux phases est peut-être dépassé. Je dis bien peut-être, car selon ces critiques Il y avait vice de forme puisqu’un certain nombre de sièges (occupés par des élus au suffrage indirect) devaient normalement revenir aux députés élus au suffrage direct.

La troisième raison est que nous avons souligné dans le dernier ou l’avant dernier projet de la Constitution, la nécessité de doter le Maroc de régions pour consolider la décentralisation, d’une part, et, pour garantir l’efficacité et le développement local, d’autre part. Compte-tenu de toutes ces considérations, Nous avons décidé de doter le Maroc d’une seconde Chambre que Nous avons baptisée la Chambre des Conseillers.

Il ne s’agit pas bien entendu d’une Chambre consultative, mais plutôt, comme tu vas le constater, cher peuple, d’une Chambre ayant un pouvoir délibératif au sens propre du terme. Elle sera la deuxième composante du Parlement. Dans les Constitutions dont Nous avons pris connaissance, Nous constatons, cher peuple, qu’en général, la seconde Chambre a moins de poids et moins d’attributions que la première. Aussi afin de rendre cette Chambre plus attrayante et plus convoitée par les postulants, avons-Nous décidé d’en faire une Chambre qui se distingue de ses semblables dans d’autres Constitutions.

Ce faisant, nous aurons démontré que le Maroc ne se limite pas à s’inspirer des autres expériences en la matière, mais plutôt un pays qui puise dans les sources des autres modèles et idées pour les adapter à ses propre réalités.

Quelles sont donc les caractéristiques de cette seconde Chambre ? La première est qu’elle sera composée sur la base d’une triple élection. C’est ainsi que les Collectivités locales organiseront leurs propres élections ; les salariés organiseront les leurs et les Chambres professionnelles feront de même. Le tout donnera lieu à la région qui élira les élus devant siéger à la seconde Chambre. Ce sont ces trois composantes : Collectivités locales, Chambres professionnelles et salariés qui constitueront la région qui elle élira ses représentants dans la seconde Chambre à partir de ces trois composantes.

La seconde caractéristique de cette Chambre est qu’elle pourra auditionner les membres du gouvernement de manière régulière à l’instar de la première Chambre. Elle pourra également, et c’est la troisième caractéristique, proposer des lois. La seconde Chambre peut, d’autre part, constituer, le cas échéant, des commissions d’enquête sur des questions jugées importantes. Elle a en fait plusieurs caractéristiques dont la plus importante, et qui en fait une instance déterminante dans la gestion et le contrôle, est qu’elle peut renverser le gouvernement.

Sur ce point, il y a une différence entre les deux Chambres, s’agissant de la procédure à suivre. La première Chambre peut retirer sa confiance au gouvernement et le faire tomber dès lors que le nombre de voix prévu à cet effet par la Constitution est réuni. La seconde Chambre jouit également de cette prérogative en suivant toutefois une autre procédure.

Pourquoi une telle prérogative ? Parce que dans certains cas, le gouvernement n’accorde généralement de l’importance qu’à la première Chambre estimant que la seconde Chambre ne peut le renverser. Il la néglige donc ou ne lui accorde que peu d’intérêt. Prenons un exemple : Le gouvernement présente un texte de loi à la première Chambre qui l’adopte. Il est ensuite soumis à la seconde Chambre qui le rejette ou y introduit des amendements. Le gouvernement ne prend pas en considération ces amendements ou les accueille avec tiédeur et soumet à nouveau le texte à la première Chambre avant d ’être renvoyé à la Chambre des Conseillers puis à la première et ainsi de suite.

La Chambre des Conseillers peut constater que dans cette pratique législative le gouvernement fait preuve d une certaine discrimination en accordant plus de considération aux députés élus au suffrage direct qu’à ceux élus au suffrage indirect, et partant, néglige ou sous-estime cette seconde Chambre. La Chambre des Conseillers que nous prévoyons, peut dans ce cas adresser au gouvernement un avertissement écrit. La Constitution parle expressément d’avertissement. L’avertissement signifie que les membres de la seconde Chambre sont extrêmement mécontents du comportement du gouvernement qui n’a pas pris en compte leurs conseils et points de vue et qu’il doit donc présenter devant eux en tant que gouvernement ou en la personne du Premier ministre pour s’expliquer. Si les deux parties parviennent au cours de leur débat à une solution de leur différend, le dossier est clos et c’est ce que Nous souhaitons. Si au contraire la Chambre des Conseillers et le gouvernement ne parviennent pas à une solution qui donne satisfaction à la Chambre des Conseillers, celle-ci peut après avoir adressé l’avertissement écrit et après avoir écouté le gouvernement, le faire tomber par un vote des deux tiers de ses membres. Elle en a le droit. Telle est la caractéristique originale réelle et essentielle de cette seconde Chambre.

Donc, contrairement à ce qu’on peut penser, cette seconde Chambre n’est ni une Chambre de sages ni une Chambre de sénateurs, mais plutôt une Chambre où siègent des gens qui écoutent, décident, approuvent, critiquent ou, s’il le faut, renversent le gouvernement. Ce sont là autant de prérogatives qui ont été dévolues à cette Chambre pour en faire une Chambre responsable, attrayante pour tous et pour lui permettre de suivre au jour le jour l’œuvre économique et sociale du pays.

Tu vas pouvoir te rendre compte, cher peuple, des bienfaits innombrables de cette seconde Chambre. Mais il est certain que tout est tributaire du niveau des élus et de l’esprit d’émulation dont ils feront preuve.

Qu’attendons-nous concrètement de cette seconde Chambre ? Prenons un exemple qui peut paraître simple, mais qui en réalité est un exemple éloquent. Durant les deux derniers mois, Nous avons constaté la présence à Rabat de groupes de jeunes ayant des diplômes supérieurs et qui revendiquent un emploi. Le gouvernement a fait ce qu’il était de son devoir de faire en veillant, avec sérieux et détermination à satisfaire leurs requêtes soit dans l’immédiat ou selon un calendrier bien établi. Que se serait-il passé si cette Chambre existait ? Et bien le gouvernement les aurait convoqués les uns après les autres et leur aurait demandé de quelle région ils viennent et aurait enfin contacté les communes régionales élues pour coopérer avec elles en vue de trouver un emploi à ces chômeurs.

La capitale ne peut être au fait de tout, alors que la région, les communes locales régionales, les chambres professionnelles régionales, la classe ouvrière dans la région peuvent former des commissions pour se pencher sur la question et tenter de trouver à chaque diplômé un emploi qui convient à sa formation et répond aux besoins de sa région.

C’est là, cher peuple, un simple exemple. Il y en a certes de nombreux autres. Les solutions peuvent être trouvées non par les autorités, non pas par l’improvisation et la précipitation, mais parce qu’il y a des organes élus qui ont concrètement des attributions et des responsabilités sensibles aux plans social et économique. Quelles sont ces attributions et ces responsabilités ? En réalité, la Constitution ne les précise pas.

Ainsi donc, nous passons du domaine constitutionnel au domaine organisationnel pour assoir les bases de ce processus : Le nombre des régions, leurs limites géographiques, les attributions de la région et ses responsabilités. Une autre donnée réside dans le fait que la population du Maroc a augmenté depuis les dernières élections. Il s’agira probablement de revoir l’organisation au niveau des Collectivités locales, urbaines et rurales et peut-être même revoir leur nombre. Tout cela nécessitera des lois qui seront le fruit d’un consensus. L’organisation de la Région, ses attributions, ses responsabilités et la manière dont seront élues ses trois composantes seront déterminées par des lois.

Mais qui votera ces lois ? Elles seront votées par l’actuel Parlement qui y consacrera sa prochaine session. Car, il faut bien qu’un Parlement vote ces lois. Nous avons donc devant nous, cher peuple, un projet de Constitution et si tu l’approuves, le gouvernement soumettra à l’actuel Parlement des projets de textes relatifs à la Région, aux lois électorales pour les consultations locales ainsi qu’à la nouvelle loi électorale pour les élections générales.

Le Maroc qui a évolué, qui a accompli des progrès et franchi des pas importants, a besoin d’une nouvelle loi électorale pour atteindre l’objectif escompté, à savoir la participation de tous pour un meilleur choix. Pour l’adoption d’une telle loi, l’on ne peut tenir compte de la majorité ou de la minorité, le groupe faisant partie du gouvernement ou celui qui est dans l’opposition. La vertu patriotique et le devenir de la patrie exigent que cette loi soit adoptée par consensus. Les partis politiques siégeant au Parlement ainsi que tous les groupes parlementaires, qui ont tous - J’en suis convaincu - le même sens de patriotisme, doivent faire preuve d’esprit de dialogue et adopter une attitude positive, pour doter le pays d’une nouvelle loi électorale qui tienne compte de la réalité marocaine et de la mentalité des Marocains. Il ne doit y avoir sur ce point ni majorité, ni minorité, mais un groupe d’élus qui débattent pour parvenir à un consensus qui leur fait honneur et qui fait honneur au Maroc.

Cher peuple,

Peut-être n’ai-Je pas suffisamment expliqué ce que J’attends de ce nouveau projet de Constitution, car sa philosophie, est sans limites. Elle est celle de la décentralisation et de la démocratie locale. Elle ne saurait être appréhendée en un ou deux cours. Elle mérite d’être traitée dans un ouvrage qu’un professeur peut enseigner tout au long d’une année universitaire. Je ne peux donc entrouvrir toutes les portes et aborder tous les domaines qui s’ouvrent pour le Maroc en franchissant ce pas, ni brosser un tableau exhaustif avec tous les avantages que peut en tirer progressivement notre pays dans l’immédiat et à long terme. Il est avéré que la décentralisation et la régionalisation tout comme la démocratie, ne constituent pas un trésor à extraire du cœur d’un roc au moyen d’engins appropriés. La démocratie, la décentralisation sont tel un trésor dans une mine. Tout mineur qui maîtrise son métier doit savoir exploiter valablement le filon et s’assurer un nouveau trésor. Si la démocratie et la décentralisation sont une école qui nécessite une longue période d’apprentissage, leur rendement l’est également pour une période aussi longue. Elles sont tel un puits qui ne tarit jamais. La démocratie véritable, la régionalisation et la décentralisation et la régionalisation sont tel un fleuve ou un puits pérenne. Plus l’homme y puise, plus il y trouve de quoi étancher sa soif.

Sans nul doute, cher peuple, Je n’ai pas assez explicité tous les rouages de cette deuxième Chambre, son intérêt, les avantages qu’elle procure et ce que nous attendons d’elle ainsi que des régions. Mais, en tout état de cause, Je te soumettrai le projet de Constitution dans les cinq jours à venir et J’attendrai à ce que tu te prononces à son sujet le vendredi 13 septembre prochain. J’espère, cher peuple, avec foi et en toute confiance, que tu diras "OUI" à ce nouveau pas dans notre vie démocratique, un pas dont la vertu n’est connue que de celui qui croit vraiment en le destin de son pays et qui est au fait de la marche des affaires dans les autres pays.

Je sais qu’ils sont nombreux ceux parmi vous qui sont parfaitement au fait des réalités en la matière. Je suis convaincu, cher peuple, que dès que tu seras informé des attributions de cette Chambre, et des mécanismes locaux et décentralisés qu’elle offre, tu diras "Oui" à cette Constitution. Si tu dis "Oui" - et tu le diras par la grâce de Dieu - nous aurons à nous pencher aussitôt sur les lois relatives à la Région, à ses composantes ainsi qu’aux nouvelles lois électorales, sur la base du consensus. Ces lois doivent répondre aux exigences de l’époque comme elles doivent être conformes à la mentalité des Marocains.

Après l’adoption de ces lois, le Parlement sera dissout. Les élections devront alors avoir lieu, par la grâce de Dieu, dans les plus brefs délais, car nous devons clore le dossier des élections législatives directes et indirectes, des élections locales et professionnelles, concernant aussi bien les chambres professionnelles que les salariés, dans un délai ne dépassant pas les quatre mois.

Pourquoi, cher peuple ? Pour l’unique raison que quelles que soient les capacités de travail de ton humble Serviteur et de son aptitude à œuvrer pour ton intérêt, Je ne peux en aucun cas me substituer à tous et combler tous les vides. Les problèmes que connaît actuellement le monde sont divers et complexes, de sorte qu’aucun être humain ne peut prétendre à lui seul les appréhender totalement. Ce pays ne peut en aucun cas vivre sans ses élus. Ton humble Serviteur à qui tu as confié, après Dieu, ta destinée et qui, de son côté, t’a confié la sienne, ne peut œuvrer avec sérénité pendant une période de trois ou quatre mois - ou plus - sans que le Maroc soit doté d’un Parlement.

Le Roi du Maroc, ton Serviteur, ne peut œuvrer seul sans avoir à ses côtés des mandataires du peuple qui prendront les décisions avec lui, épauleront son action, le conseilleront, lui éclaireront la voie et qui seront à l’écoute de ce qu’il ne peut entendre lui-même. Il pourra voir à travers eux ce qu’il ne peut voir lui-même comme il prendra en considération ce qu’ils auront exprimé.

Ainsi, cher peuple, Je pense que d’ici avril-mai 1997, le dispositif sera parachevé et ses composantes bien définies. L’image sera alors complète, grâce à Dieu, au printemps prochain. Rendez-vous donc, cher peuple, au 13 septembre, le jour où tu diras, par la volonté de Dieu, "Oui" à cette Constitution. Tu le diras avec enthousiasme et foi, car ce "Oui" sera un "oui" pour la raison, pour l’avenir, pour le siècle prochain, pour les générations à venir qu’il faudra fondre dans le moule de la responsabilité. Nous devons prendre soin de ces générations, de cette jeunesse qui peuple le Maroc, de Tanger à Lagouira, d’Oujda à Agadir, et que nous ne connaissons pas assez. Ces potentialités existent et nous nous devons de leur ouvrir les portes, de les libérer, car les jeunes potentialités aspirent à être libérées. Il nous appartient de les libérer et de leur permettre d’accéder à l’école de formation professionnelle. Cette nouvelle vague de responsables commettra certes des erreurs, mais qui peut prétendre être infaillible ? En effet, le succès se mesure à l’aune des erreurs commises, et pour que les erreurs soient dans la limite du supportable, nous nous devons de permettre aux générations mon tantes d’accéder aux écoles professionnelles pour qu’elles apprennent à gérer les affaires publiques.

Sache, cher peuple, que la gestion des affaires publiques n’est pas une chose aisée. Elle exige que le responsable soit toujours en quête de ses sources de référence, qu’il s’interroge chaque jour pour savoir si sa référence d’hier est encore valable aujourd’hui ou s’il doit trouver une autre référence pour suivre l’essor, les nouvelles lois et l’évolution des rapports dans le monde. La plupart du temps, il n’y a d’autre réponse que celle que l’on obtient par la concertation, le dialogue, et en s’informant sur la réalité des choses, Je ne voudrais pas m’étendre davantage sur ce sujet, cher peuple, car Je crois que tu as compris ce à quoi nous aspirons ensemble. Tu n’ignores pas non plus que Je ne saurais t’entretenir d’un tel sujet, si Je n’avais pas foi en ce que Je soumets à ton choix et si Je n’étais confiant en ta décision. Après ce discours, nous ne pourrons qu’implorer le Très-Haut en récitant ces versets du Saint Coran."

20/08/1996

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