Intégralité du discours du Roi Mohammed VI à l’ONU

27 septembre 2014 - 13h54 - Maroc - Ecrit par : Bladi.net

Le Roi Mohammed VI, qui devait initialement prononcer un discours lors de la 69è session de l’Assemblée Générale de l’ONU, a finalement chargé le Chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, de le lire. Voici le discours intégral.

« Louange à Dieu, Paix et salut sur le Prophète, Sa Famille et Ses Compagnons.

Monsieur le Président de l’Assemblée générale des Nations unies, Majestés, Excellences, Altesses, Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de prendre part à la 69e session de l’Assemblée générale des Nations unies, pour laquelle vous avez proposé, Monsieur le Président, comme thème focal, la question du développement humain durable, pour l’après 2015. C’est un choix pertinent qui s’inscrit au cœur des priorités de notre organisation, et qui constitue un point de rencontre où convergent les considérations économiques, sociales, environnementales, sécuritaires et politiques. Il m’a donc paru opportun de consacrer Mon allocution à ce sujet important. Quant aux autres points inscrits à l’ordre du jour de cette session, les positions du Royaume du Maroc y afférentes seront exposées lors des réunions des commissions de l’Assemblée générale, ou dans le cadre des rencontres ministérielles qui auront lieu en marge de l’Assemblée.

La réalisation du développement durable constitue l’un des défis les plus pressants pour l’humanité entière, surtout qu’il s’agit de trouver le nécessaire équilibre entre les impératifs du progrès économique et social et l’exigence de protection de l’environnement ainsi que la nécessité de préserver les droits des générations à venir. Conscient du caractère impérieux de ces défis, nous nous employons à construire un modèle de développement particulier fondé sur les valeurs civilisationnelles et les spécificités du peuple marocain, en interaction positive avec les principes et les objectifs internationaux en la matière.

Ainsi, le Maroc est arrivé à mettre au point une initiative nationale pionnière pour la promotion du développement humain, parallèlement à des programmes ambitieux dans le domaine des énergies renouvelables, notamment solaire et éolienne, tenues pour être des piliers du développement durable. Mais Je ne suis pas ici aujourd’hui pour vous faire un exposé sur l’expérience et les réalisations de Mon pays. Je suis venu porteur d’un appel à l’équité pour les pays en développement, surtout en Afrique, un appel pour une approche objective de la problématique du développement dans ce continent.

Comme vous le savez, le développement durable ne se décrète pas par des décisions ou des recettes toutes prêtes, pas plus qu’il n’existe un seul et unique modèle en la matière. En effet, chaque pays a un parcours qui lui est propre, selon son évolution historique, son patrimoine civilisationnel et ses ressources humaines et naturelles, outre ses particularités politiques et ses choix économiques, ainsi que les écueils et les défis qu’il vient à affronter. C’est dire que ce qui s’applique au Maroc ne doit pas être retenu comme unique paramètre pour juger de l’efficacité de tout autre modèle de développement, pas plus qu’il ne devrait y avoir de comparaison entre les États, quelle que soit la similitude des circonstances, et indépendamment de l’appartenance au même espace géographique.

Par conséquent, le premier appel que Je lance du haut de cette tribune est un appel pour le respect des spécificités de chaque pays, dans son itinéraire national, et de la volonté qui est la sienne d’édifier son propre modèle de développement. Cela vaut surtout pour les pays en voie de développement qui pâtissent encore des effets de la colonisation. Le colonialisme a causé de grands préjudices aux États qui en ont subi la tutelle. Le colonisateur y a entravé le processus de développement pendant de longues années. Il a exploité leurs richesses et les potentialités de leurs enfants, tout en altérant en profondeur les coutumes et les cultures respectives de leurs peuples. Il a instillé les ferments de la division entre les composantes d’un même peuple et planté les germes du conflit et de la discorde entre les États du voisinage.

Même si de nombreuses années se sont écoulées depuis, il n’en demeure pas moins que les États coloniaux portent une responsabilité historique pour la situation difficile, parfois dramatique, que vivent certains États du Sud, surtout en Afrique. Aujourd’hui, après tous ces effets pervers, ces États n’ont pas le droit d’exiger des pays du Sud un changement radical et rapide selon un schéma étranger à leurs cultures, leurs principes et leurs atouts propres, comme si le développement ne pouvait se réaliser qu’à l’aune d’un modèle unique : le modèle occidental.

Après ce constat, J’en arrive au deuxième appel que J’adresse à la communauté internationale : il faut davantage de réalisme et de sagesse dans les rapports avec ces États, dont il faut comprendre les circonstances ayant marqué leurs parcours respectifs vers la démocratie et le développement. Mais certains États occidentaux, qui n’ont demandé l’autorisation de personne pour coloniser les pays du Sud, au lieu d’apporter le soutien nécessaire aux peuples de ces pays, s’obstinent à leur imposer des conditions drastiques qui entravent leur évolution naturelle vers le progrès.

Mieux encore ! les États occidentaux et les institutions qui en dépendent ne savent que donner des leçons, à profusion, et dans le meilleur des cas prodiguer quelques conseils. Quant au soutien qu’ils concèdent, il est très faible et systématiquement soumis à conditions. Plus encore ! Ils exigent des États du Sud qu’ils réalisent la stabilité et le développement dans des délais très limités, selon des modalités déterminées qui leur sont imposées sans tenir compte des parcours respectifs et des particularités nationales de ces États.

La stabilité ne peut se réaliser sans développement, et le développement n’est possible que dans la stabilité. Mais ils sont, l’un et l’autre, liés au respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États, des cultures et des coutumes de leurs peuples et aux conditions qui leurs sont assurées pour mener une vie libre et décente. De même, l’opération de notation et de classement de ces États selon les paramètres en vigueur actuellement suscite de nombreuses interrogations. Ces critères ont montré leurs limites et, souvent, leur décalage par rapport à la réalité des États du Sud, ainsi que leur incapacité à présenter une image objective du niveau de développement humain dans ces pays. Or ces aides, déjà faibles malheureusement, sont accordées souvent sur la base de ces classements, et à des conditions intenables.
Nous préconisons donc que le capital immatériel figure désormais parmi les principaux critères de mesure et de classement de la richesse des États. Comme l’affirment les études effectuées par la Banque mondiale, le capital immatériel repose sur une série de données liées au vécu des populations, telles que la sécurité et la stabilité, les ressources humaines ainsi que le niveau des institutions, et la qualité de la vie et de l’environnement. Ces données ont assurément un grand impact sur l’élaboration des politiques publiques. C’est dire que l’évolution des États ne devrait être assujettie à aucune notation ou classement. En revanche, elle devrait être perçue et traitée comme un processus historique, se fondant sur les accumulations positives de chaque pays, dans le respect de ses spécificités.

Évoquer les effets négatifs du passé colonial ne revient pas à intenter un procès contre qui que ce soit. Il s’agit plutôt d’un appel sincère à rendre justice aux États du Sud, en revoyant la manière de les aborder et en les soutenant dans leur évolution graduelle vers le progrès. J’ai déjà affirmé, dans mon discours à Abidjan, en février dernier, que l’Afrique n’avait pas tant besoin d’aides humanitaires que de partenariats mutuellement bénéfiques. J’ai également insisté sur la nécessité pour l’Afrique de s’affranchir de son passé et de ses problèmes politiques, économiques et sociaux, en comptant essentiellement sur ses capacités propres pour réaliser son développement.

Le Maroc en a donné une illustration tangible en signant des accords importants avec un certain nombre de pays africains frères. Je citerai à cet égard, en particulier, l’accord stratégique entre le Maroc et le Gabon dans le domaine de la production des engrais et leur acheminement vers les pays africains. C’est un arrangement qui est de nature à conforter le processus de développement, et à garantir la sécurité alimentaire dans le continent, d’autant plus que l’Afrique dispose d’une grande réserve de terres non exploitées, représentant 60% des terres en friche à l’échelle mondiale. C’est un modèle original de coopération entre pays du Sud, qui met en relief la capacité de nos États à faire avancer l’Afrique, en faisant en sorte qu’elle puisse compter sur elle-même et mettre en valeur les ressources naturelles de ses pays.

Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, le développement ne se réduit pas à de simples projets et crédits financiers, pas plus que le sous-développement n’est consubstantiel aux États du Sud. En effet, le problème n’est pas inhérent à la nature ou aux aptitudes de l’homme africain, qui a déjà fait la démonstration de sa capacité à donner et à créer, dès lors qu’il trouve les conditions appropriées et qu’il se libère du lourd passif légué par le colonisateur. De même, le problème du développement en Afrique n’est pas lié à la nature de la terre ni au climat, malgré ses rigueurs dans certaines régions. Il est plutôt imputable à une dépendance économique enracinée, et à la faiblesse des soutiens et des sources de financement, ainsi qu’à l’absence d’un modèle de développement durable.

Par conséquent, l’assistance apportée à ces États n’est ni un choix facultatif, ni une faveur ou un acte de générosité. C’est plutôt une nécessité, voire un devoir, bien que ce dont les peuples ont besoin en réalité, c’est plutôt d’une coopération fructueuse, fondée sur le respect mutuel. Il s’agit donc de créer, au niveau de la pensée et de la pratique, les conditions propices pour opérer le passage d’une étape à une autre dans les processus de démocratie et de développement, sans ingérence dans les affaires intérieures des États, à charge pour eux de souscrire aux principes de bonne gouvernance.

Monsieur le Président, Majestés, Altesses, Excellences,
Le monde aujourd’hui est à la croisée des chemins : soit la communauté internationale apporte son appui aux pays en développement, pour qu’ils puissent avancer et assurer la sécurité et la stabilité dans leurs régions respectives, soit nous aurons tous à supporter les conséquences de la montée des démons de l’extrémisme, de la violence et du terrorisme, qu’alimente le sentiment d’injustice et d’exclusion, et auxquels aucun endroit au monde ne pourra échapper.

Je suis convaincu que la prise de conscience croissante par la communauté internationale des menaces transfrontalières que connaît le monde, en raison de la faiblesse du développement humain et durable, conjuguée à la foi des peuples dans la communauté de leur destin, auront un grand impact sur le réveil de la conscience universelle, en faveur d’un monde plus sûr, plus équitable, plus humain.
Wassalamou alaikoum wa rahmatoullahi wa barakatouh. »

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Sujets associés : Mohammed VI - ONU - Abdelilah Benkirane

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