Les effets de la guerre sur le Maghreb

17 mars 2003 - 03h05 - Monde - Ecrit par :

La guerre annoncée en Irak aura des effets négatifs sensibles pour le Maroc, moindres pour la Tunisie. L’Algérie et la Libye verraient leurs recettes dopées par la flambée des cours du pétrole. Le malheur des uns fera le bonheur des autres, indique une étude du Standard and Poor’s.

Dans son dernier numéro, la revue Arabies s’est penchée sur les retombés d’une guerre, qui se dessine de plus en plus, de l’Amérique et ses alliés contre l’Irak, sur les pays du Maghreb. Citant une analyse de l’agence de notation financière Standard and Poor’s, la revue rapporte que « la confiance installée, non sans difficulté, ces dernières années pourrait être ébranlée du fait du choc et le coût de crédit aurait tendance à augmenter. De plus, il faut craindre la fuite des capitaux privés de ces pays ».

Globalement, le climat de guerre instaurera un environnement des plus incertain dans la région du Maghreb. Chose qui entravera « la croissance », notamment pour la Tunisie et le Maroc. Ces deux pays, explique-t-on, ont déjà du mal à se remettre des attentats du 11 septembre, « qui a eu de fortes répercutions sur le tourisme et sur l’attrait des investissements directs étrangers (IDE) ». Toutefois, et de par une éventuelle envolée des prix du pétrole, les retombées de cette guerre seront tout autres pour l’Algérie et la Libye. « Le boom pétrolier aidera l’Algérie à réduire sa dette extérieure et la Libye à consolider ses finances », lit-on à ce propos.

Le Maroc, estiment les analystes, serait le pays qui souffrira le plus d’une attaque américaine contre l’Irak. Si, sur le plan politique, le royaume marocain à toutes les chances de contenir les manifestations et mobilisations de la population en se montrant compréhensif, pour des raisons de stabilité, sur le plan socio-économique, les choses seraient tout autres, surtout si la guerre dure longtemps. Explications : si le prix du pétrole enregistre une hausse dépassant les 15 dollars le baril, « la caisse de compensations ne sera pas en mesure de combler la différence de prix ». Le ralentissement de l’économie marocaine, poursuit la revue, « retardera les projets en cours (logements, infrastructure, éducation, santé...), d’autant plus qu’il reportera l’afflux des IDE ». Et ce sont tous ces éléments qui remettront en cause les équilibres macro-économiques du Maroc. Socialement, cela se traduira par l’aggravation des tensions, « alors que le gouvernement peine à faire baisser d’un point le taux du chômage et à calmer la grogne grandissante au sein des couches les plus défavorisées ».

Les rapports des chancelleries, selon Arabies, indiquent que dans ce cas, ces couches défavorisées « n’hésiteront pas à basculer dans la violence si leurs revendications sont, encore une fois, reportées ». Afin d’éviter ce scénario, le Maroc, poursuit-on, mise sur les aides de Washington. Des « investissements que peut consentir la première puissance mondiale, ne serait-ce que pour avoir l’appui « politique » de Rabat dans le cadre du processus de paix au Proche-Orient.

Du côté tunisien, le gouvernement semble bien armé contre les retombées de la guerre. En fait, pour contrecarrer la baisse de ses revenus en devises, engendrés essentiellement grâce au tourisme, « qui ont connu en baisse de 13% après le 11 septembre », les Tunisiens ont d’ores et déjà tablé sur les exportations en devises qu’ils comptent doubler. Toutefois, ce pays se doit, également, de prendre en charge le manque à gagner des échanges commerciaux entre la Tunisie et l’Irak, dépassant aujourd’hui un milliard de dollars. En matière d’investissements, les experts occidentaux prévoient un net recul de ceux provenant de l’Arabie Saoudite et du Koweït. Sur ce plan, la Tunisie comptera sur les capitaux algériens, espagnols et libyens.

Dans la région du Maghreb, l’Algé-rie pourrait être le pays qui tirera le plus de profit d’une guerre contre l’Irak, en raison de la hausse des prix du pétrole. Chose qui « réduira davantage la dette extérieure de l’Algérie, le service de la dette ainsi que le déficit budgétaire. Elle permettra également au gouvernement de poursuivre les projets mis en place dans le cadre du plan de relance économique initié par Bouteflika », rapporte la même revue, d’autant plus, rappelle-t-on, que l’économie algérienne n’est pas concentrée sur le tourisme et les services. Aussi, pour les investissements étrangers, il n’y a aucun risque, puisqu’ils sont concentrés dans les secteurs des hydrocarbures. Toutefois, les experts indiquent que le seul point noir est « le report du programme de privatisation après le retrait forcé du projet de loi sur les hydrocarbures en janvier 2003 et la réticence des partenaires à intégrer le marché financier ». On n’en saura pas davantage sur ce point.

La Libye sera le pays qui sera le moins touché par la guerre annoncée contre l’Irak, selon le bureau d’étude cité. En fait, il est le seul pays « à ne pas être endetté envers les institutions internationales, dont le budget de l’Etat est excédentaire depuis 1995 et qui ne cesse de cumuler les rentrées des hydrocarbures ». Ainsi, une hausse d’environ 10 dollars le baril augmentera les revenus de ce pays de 40%. « Ce qui ne fait que consolider la position du régime qui opte pour un virage économique très mesuré, tout en réduisant ses dépenses », explique-t-on.

L’on conclut en substance que, sur le plan politique, la seule déstabilisation pour les régimes au pouvoir ne pourra venir que « de la condensation des problèmes internes spécifiques à ces pays ». C’est dire que ce n’est pas une guerre contre l’Irak qui risque de changer l’ordre établi.

Ghania Amriout
Le Quotidien d’Oran - !7 mars 2003

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