A Khouribga, au coeur d’une région rurale du centre du Maroc habituée au retour estival des émigrés, beaucoup d’entre eux se retrouvent le week-end au marché pour y vendre de l’électroménager ou des vêtements d’occasion venant d’Espagne ou d’Italie.
« Cet endroit est plein maintenant le vendredi et le samedi et presque tous les marchands sont arrivés récemment d’Europe », témoigne Abdsamad Zoukeh, lui-même vendeur au « souk Talian » (marché italien).
« Je n’ai pas l’intention de traîner à Khouribga. Je vais vendre de quoi tenir jusqu’à ce quelqu’un m’embauche à nouveau en Espagne », explique l’un de ces marchands, Mourad, 32 ans.
Le Maroc, dont le marché du travail ne répond pas à la pression démographique, compte plus trois millions d’expatriés. L’argent qu’ils font parvenir à leurs familles représente une part importante de l’économie nationale et contribue à équilibrer des comptes marqués par la dépendance énergétique.
Khouribga doit une bonne part de son développement à cette manne en provenance d’Europe. La zone, lourdement endeuillée par les naufrages des clandestins qui tentent la traversée vers l’Europe, a été baptisée « triangle de la mort ».
« La vie est plus facile ici »
Mourad Safi, 26 ans, y est lui aussi retourné après avoir perdu un poste d’intérimaire dans la métallurgie italienne.
« L’été, c’était le temps des vacances au Maroc, des cadeaux pour la famille et les amis. Maintenant, c’est le temps du travail », dit-il.
« La vie est plus facile ici qu’en Italie maintenant. Je n’ai jamais vu autant de gens affamés qu’en Italie. Il n’y a plus de travail là-bas, même pour un étranger avec un permis de séjour », poursuit-il.
« En Italie, j’ai vu des gens, en particulier des Marocains, proches de la famine. Ils passent leurs journées dans les mosquées sans manger, à fumer et à boire », renchérit Abdelkader Sultan, qui vend de la robinetterie et des pièces détachées.
Saïd, 36 ans, qui a été licencié en Espagne, ne parvenait plus à subvenir aux besoins de sa femme et de ses enfants.
« On a décidé de rentrer au Maroc et de travailler ici, mais on garde nos permis de séjour dans l’espoir que ça s’arrange en 2010 », explique-t-il.
Ces retours commencent à peser sur Khouribga, où l’insécurité est en hausse, souligne Khalil Jemmah, qui gère des projets de développement. « Aujourd’hui, on voit des crimes très étranges comme des vols de voiture sous la menace d’armes blanches ou des cambriolages bien organisés », déplore-t-il.
A Rabat, on exclut l’hypothèse d’un retour massif lourd de conséquences. Mohammed Ameur, ministre des Expatriés, a estimé le mois dernier que les incitations au retour adoptées par les autorités espagnoles avaient été un échec.
Seuls 4.000 immigrés ont eu recours à ce dispositif, alors que Madrid visait 100.000 rapatriements, a-t-il précisé.
Source : Al Bayane - Zakia Abdennebi