Marocains du monde, une cash-machine

29 juillet 2007 - 02h34 - Economie - Ecrit par : L.A

Ils vont faire et feront l’actualité pendant tout l’été. Ils, ce sont les MRE, « Marocains du monde » ou « Marocains sans frontières » comme les ont rebaptisés habilement les stratèges marketing de nos banques. Estimée à 3 millions de personnes, cette population représente plus qu’une incontestable force économique au travers de son poids financier.

D’après les chiffres officiels, les envois de fonds des « Marocains sans frontières » se sont élevés à 47 milliards de dirhams en 2006, à peu près 4,4 milliards d’euros dont 1,9 milliard provenant de France, le plus gros foyer de l’émigration marocaine. En moyenne, chaque « Marocain du monde » aura donc transféré 1.400 euros vers le Maroc.

Une double lecture est généralement faite de l’importance de ces transferts : l’attachement des émigrés à leur pays d’origine -avec quelques écarts cependant selon les générations- et la solidité de la solidarité familiale. Ce que confirment les constats des banquiers marocains : 70% des fonds envoyés par les MRE relèvent de l’aide familiale. L’obligation sociale et familiale gouverne massivement le comportement des immigrés, qu’ils soient en situation régulière, ou sans papiers d’ailleurs, soulignent des experts français dans les arbitrages économiques : « Réduction maximale des dépenses courantes, limitation de la capacité d’épargne formalisée et donc, projets d’investissements, même modestes dans le pays d’accueil ». Au départ de la France, le volume des sommes transférées par migrant est en moyenne de 2.000 à 2.500 euros (22.000 à 27.500 dirhams) pour les ressortissants du Maghreb.

45% des flux touristiques

L’épargne des MRE, comme on les appelle familièrement, représentent 25% des dépôts du système bancaire (à peu près 90 milliards de dirhams, source Attijariwafa bank) alors que les transferts annuels contribuent pour 1/4 dans les recettes de la balance des paiements et amortissent considérablement l’impact du déficit structurel de la balance commerciale.

Pour le tourisme, les MRE représentent aussi un formidable réservoir d’activité. Sur les 6 millions de touristes internationaux qui visitent le Royaume, près de 45% sont des Marocains installés à l’étranger. La querelle sur la qualification des MRE en touristes relève de l’histoire, et bien d’hôteliers sont heureux de faire fonctionner leurs établissements en période estivale grâce à cette clientèle.

Avec le tourisme, l’argent des Marocains de l’étranger est l’une des principales sources d’alimentation du pouvoir d’achat à l’extérieur (réserves de change) de l’économie. C’est confirmé aussi, l’essentiel des investissements privés est financé par l’épargne des MRE que gèrent les banques. Rien d’étonnant donc à voir s’exacerber la concurrence entre les établissements bancaires pour capter cette clientèle. Et désormais, les compétiteurs dépassent le cercle maroco-marocain, les banques des pays d’accueil multipliant des offres « alléchantes » à destination des migrants.

De l’Espagne à la France en passant par la Belgique et la Hollande, les hostilités sont ouvertes. Leader historique, le groupe Banques Populaires, qui capte le 1/3 des flux monétaires des MRE vers le Maroc avec 670.000 clients en portefeuille, doit composer avec ce nouvel environnement. De par sa position, il est naturellement le plus menacé. Il va sans dire que ses challengers marocains ne lui feront aucun cadeau. La plupart d’entre eux ont annoncé, ou appliquent déjà la gratuité sur les transferts.

Une étude sur l’intégration économique des migrants publiée il y a quelques mois en France fait beaucoup de bruit de ce côté de la Méditerranée. Les banquiers marocains ont particulièrement décortiqué une de ses conclusions, selon laquelle le poids important des transferts de fonds était un obstacle à l’intégration des migrants. Les auteurs insistant par ailleurs sur la nécessité pour les banques de tout mettre en œuvre pour intégrer les populations immigrées dans les circuits financiers.

Sur la place casablancaise, les banquiers considèrent le rapport Milhaud (le patron du groupe Caisse d’Epargne avait supervisé les travaux) comme une nouvelle menace. Et ils ont intensifié les efforts pour préserver leurs positions et en gagner de nouvelles sur ce qui apparaît comme une véritable manne. Toutes les banques déploient désormais le principe de la double intégration, c’est-à-dire un compte ouvert à l’étranger est automatiquement suivi d’une ouverture d’un autre au Maroc. Cela suffira-t-il à contrer les grandes majors européennes ?

L’Economiste - Abashi Shamamba

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