Stupéfiante audace de Chirac sur l’immigration

24 octobre 2002 - 09h24 - France - Ecrit par :

Droit de vote, double peine, lutte contre la discrimination. Ce ne sont pas là des revendications d’associations ou des questions qu’un gouvernement de gauche promet d’étudier, mais tout simplement les sujets que la majorité de droite française tente de traiter.

D’habitude la revendication du droit de vote aux émigrés, l’opposition à cette inique injustice que constitue la double peine et qui consiste en l’exil de personnes d’origine étrangère condamnées par la justice française après l’application de la peine sont des thèmes que la gauche en général et la française en particulier abordaient beaucoup même si ces débats-là n’ont jamais vraiment abouti à des mesures concrètes.

Aujourd’hui, ce sont des députés de la majorité de droite (UMP) qui abordent ces questions.

A l’origine de ces initiatives, il y a la proposition faite par M. Jacques Chirac lui-même. Le président français a appelé la semaine dernière à la création d’un "contrat d’intégration" qui introduirait de nouveaux droits pour les émigrés.

Un supporter du président français vient d’entamer le débat sur ces éventuels contrats en publiant un texte qui fait une série de propositions pour rendre réalisable le droit de vote des émigrés au niveau local, auquel le député Yves Jégo se dit favorable.

Véritable serpent de mer de la politique française, ce fameux droit de vote est d’actualité depuis le début des années 80 quand les socialistes ont émis et défendu cette idée de vote pour les élections locales. La droite est, depuis cette époque-là, opposée à cette mesure. C’est donc un changement d’attitude qui n’est cependant pas forcément partagé par l’ensemble des députés de droite de l’Union de la majorité présidentielle, loin s’en faut.

On peut même dire que le député qui manifeste son engagement en faveur de ce droit de vote est un exemple rare à l’UMP.

Suite de la première

Mais il n’y a pas que cette question-là. Nicolas Sarkozy, lui-même, le ministre français de l’Intérieur, sur une autre question qui est malheureusement souvent liée, au débat sur l’émigration, à savoir la sécurité des quartiers, préconisait des mesures coercitives contre la violence.

Il vient de créer la surprise en refusant jeudi dernier l’expulsion d’un certain Chérif Bouchelaleg. Cet homme, père de six enfants français, était menacé d’expulsion vers l’Algérie dans le cadre de l’application de la double peine.

Au lieu de cela, le ministre a préféré décider d’assigner à résidence Chérif. Et comme pour enfoncer le clou, un autre député UMP, Etienne Pinte s’est élevé contre cet "intolérable" principe de la double peine dans un texte qu’il a envoyé au président Chirac.

Là encore, on est face à un changement de comportement de la part d’une partie de la droite, au moins.

Le principe de la double peine est une invention d’un ministre de l’Intérieur de droite, Charles Pasqua. Mais étant inscrite dans les lois, elle était mise en application par les gouvernements qui se sont succédé depuis le milieu des années 80 jusqu’à aujourd’hui avec une accélération du processus ces dernières années.

Il faut ajouter à ces initiatives les déclarations du président français lui-même qui, après avoir plaidé en faveur de son "contrat d’intégration", a plaidé le 14 octobre dernier en faveur de la création d’une autorité indépendante pour lutter contre toutes les formes de discrimination.

Cas isolés, initiatives annonciatrices de projets concrets où simples manoeuvres dans un paysage marqué par les problèmes de visibilité dans le domaine social donc des banlieues de l’émigration doublée de la violence dans les quartiers aggravés par un contexte internationalncertain ? Il est clair que le sujet est très actuel. Il est aussi évident que pour le moment, les initiatives prises n’en sont qu’aux débats, sauf peut-être la mesure concrète qui a permis à Chérif, l’Algérien de ne pas être expulsé. Mais l’engagement aussi bien du président Chirac que de certains des députés de droite sonne quand même comme une immixtion sur les "terrains" traditionnels de la gauche.

Et c’est d’autant plus surprenant que nombre de problèmes qui concernent concrètement l’émigration ne sont pas réglés. L’un de ces problèmes et pas des moindres, les sans-papiers, dont le problème n’a jamais été vraiment réglé, s’était enlisé ces dernières années dans une sorte de blocage qui a permis de ne plus revenir sur le sujet et de l’évacuer sans le régler.

Là encore, le comportement de la droite étonne. Les associations des droits de l’Homme ont salué la rapidité de réaction de M. Sarkozy qui les a reçues. On n’est pas encore dans le règlement du problème mais un résultat concret a été obtenu, celui du réexamen des dossiers des sans-papiers.

Dans quelle mesure ces manoeuvres autour de l’émigration aboutiront-elles ? Seule la suite démontrera si la droite a vraiment évolué sur ce sujet.

libération

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