Ces Américains qui reconstruisent Al Hoceima

3 janvier 2007 - 02h58 - Maroc - Ecrit par : L.A

Près de trois ans après le tremblement de terre d’Al Hoceima,
les reconstructions se poursuivent. Parmi les bâtisseurs,
les volontaires de l’ONG américaine Gateway Medical Alliance.

En ce dimanche de la mi-décembre 2006, la capitale du Rif et ses caillouteux douars alentour, nichés au creux des froides et verdoyantes vallées, semblent avoir encore du mal à émerger du douloureux brouillard dans lequel ils ont été plongés au beau milieu de la nuit, à 2 heures 27 GMT, le 24 février 2004. Un tremblement de terre foudroyant, d’une amplitude de 6,5 sur l’échelle de Richter, qui surprendra dans leur sommeil des milliers d’habitants. Frappant aveuglément femmes, vieillards, hommes et enfants, provoquant la mort de plus de 600 personnes, blessant plus de 1.000 autres. Les secousses, dont l’épicentre se trouvait à proximité d’Aït-Kamra, entraîneront en l’espace de quelques minutes l’effondrement de 12.000 maisons, majoritairement dans le milieu rural, laissant quelque 50.000 âmes sans abri.

Malgré le grand élan de solidarité nationale, aussi bien de la part des Marocains vivant au Maroc que ceux résidant à l’étranger et les efforts gouvernementaux, il est évident, aujourd’hui, qu’à la veille de la commémoration du 3ème anniversaire du séisme d’Al Hoceima, les séquelles de la catastrophe sont encore là, bien visibles. Ici, les nuits d’hiver sont froides, glaciales même. De nombreuses familles continuent de vivre sous des abris de fortune, des tentes pour les plus chanceux, des toitures en plastique et un peu de bois pour les autres. Malika, mère de famille de condition fort modeste, épouse d’un fumeur de haschich invétéré, affiche une mine radieuse.

Quand on a connu la peur, sourde et paralysante, celle de voir la mort écraser ses proches, les prunelles de ses yeux, dans un fracas de pierres, plus rien ne vous atteint. Ses enfants, trois petits diablotins turbulents, rient aux éclats en se courant après autour de la petite maison de 64 mètres carrés “avec cuisine et salle d’eau” construite par les volontaires de l’ONG américaine Gateway Medical Alliance (GMA).

Cette dernière est née en 1996 sous l’impulsion de l’association nord-américaine chrétienne Northwest Medical Teams International, sise à Portland (Oregon), et la Fondation Hassan II pour les Handicapés. Depuis plus de 10 ans, Gateway Medical Alliance sert exclusivement le Maroc. Elle bénéficie notamment du soutien du ministère marocain de la Santé.

Le tremblement de terre d’Al Hoceima n’est qu’une des nombreuses missions humanitaires de cette association reconnue d’utilité publique, qui a déjà livré des dizaines de conteneurs de fournitures et d’équipements médicaux aux hôpitaux et ONG marocaines à partir de Tacoma (Washington), sous la direction de Dr. Michael Spiger, médecin retraité de Puyallup et coordinateur de GMA pour l’Afrique du Nord.

En plus de centres médico-sociaux ou encore de salles de classe, Gateway a déjà reconstruit une cinquantaine de maisons dans la région d’Al Hoceima depuis le tremblement de terre de 2004 et projette d’en édifier plus de 300 au total. Tous les matins, armés de leurs pelles et de leurs pioches et d’une bonne dose de courage, bravant l’hostilité du relief et du climat montagnard, les bénévoles de GMA, pour certains venus d’Irlande ou d’Angleterre, assistés par les habitants des douars concernés et en collaboration avec les autorités locales, bâtissent des demeures en dur pour les sans-abri, se rendant jusque dans les bourgades les plus reculées. A la tête de ces bâtisseurs, main de fer dans un gant de velours et entrain jamais démenti, Willy Easley, contremaître du projet de reconstruction de l’ONG nord-américaine.

L’an dernier, à Aït Zekri, l’un des douars les plus gravement affectés par le séisme, ils ont reçu la visite enthousiaste et émue de l’ambassadeur des Etats-Unis au Maroc, Thomas Riley et son épouse Nancy, qui n’ont pas hésité à retrousser leurs diplomatiques manches pour leur donner un petit coup de pouce symbolique.

Les caméras et les journalistes de la chaîne qatarie Al Jazeera sont également passés par là, filmant et interviewant les représentants de GMA à l’œuvre. S’interrogeant subtilement sur le désengagement de l’Etat et de la société civile marocaine. Fustigeant d’une manière sous-entendue la stratégie marketing d’une administration Bush souillée par le bourbier oriental, qui chercherait à tout prix à se refaire une virginité auprès des masses populaires arabes.

Certains voient dans cette présence étrangère plus marquée que la présence marocaine une énième preuve de “désamour” national pour le Rif ou encore la main d’évangélistes envoyés en mission secrète par l’Oncle Sam. Mais a-t-on réellement du temps à perdre dans de creuses spéculations ? C’est que la misère humaine se moque éperdument des considérations politiques, raciales ou régionalistes. Adepte de Jésus ou Mohammed, Jonathan ou Daoud, américain, britannique ou marocain, arabe ou berbère, les bénévoles de GMA travaillent d’arrache-pied. Leur credo : persévérance et proximité. Gateway affiche aussi clairement sa volonté de contribuer au développement des relations culturelles entre les Etats-Unis et le Maroc. Raison pour laquelle ses volontaires apprennent tous le berbère ou l’arabe et vivent dans des conditions similaires à celles des autres villageois. Pour être encore au plus près des préoccupations quotidiennes et des mœurs des populations secourues.

Dans la ville dévastée d’Al Hoceima, à chaque jour suffit sa peine. Des peines que Willy Ould Isly et tous ces GI new wave, essaient tant bien que mal de soulager... armés jusqu’aux dents de leur seul sourire éclatant répondant au rire cristallin enfin retrouvé des enfants du bled.

Maroc Hebdo - Mouna Izddine

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