25% de ce que consomment les marocains provient des importations

17 février 2009 - 12h48 - Economie - Ecrit par : L.A

Le débat fait son apparition au Maroc, à la faveur de la crise économique : faut-il privilégier la consommation de produits fabriqués localement ? Ahmed Lahlimi, Haut Commissaire au Plan (HCP), à l’occasion des sorties médiatiques qu’il a effectuées cette semaine, a, sans détour, appelé les Marocains à réorienter leur consommation vers les produits locaux.

Bien plus, il y a tout lieu, selon lui, de changer carrément de modèle de consommation, partant du constat que les Marocains, en particulier ceux appartenant aux couches supérieures de la société, ont un penchant exagéré pour les produits importés auxquels ils accordent un préjugé favorable en termes de qualité. Mais à supposer que, pour des raisons conjoncturelles, il faille tenter de réduire les importations, en encourageant les produits locaux, est-ce possible ? Et d’abord, quels sont les produits de consommation - puisque c’est sur cette variable qu’il y aurait lieu d’agir - qui sont importés, et combien pèsent-ils dans la balance ?

D’après les derniers chiffres de l’Office des changes, le Maroc a importé en 2008 pour un peu plus de 53 milliards de dirhams de produits finis de consommation, contre 48,9 milliards en 2007, soit une hausse de 8,5% (+4,14 milliards de dirhams). A cela, on pourrait ajouter les produits alimentaires que l’Office des changes, selon sa « nomenclature », ne classe pas dans la rubrique « produits finis de consommation ».

Blé, maïs et beurre tirent à la hausse la facture alimentaire

Ainsi, en 2008, le Maroc a importé pour 31,7 milliards de dirhams de produits alimentaires, contre 26,7 milliards en 2007, soit une progression de 18,5% (+4,9 milliards de dirhams). Au total donc, ce sont 84,7 milliards de DH de produits de consommation qui ont été importés en 2008. Quand on rapporte ce chiffre aux 341 milliards de DH que représente la consommation totale des ménages, la part des importations dans la consommation des ménages représente 25%.

Par groupement de produits, les produits finis de consommation occupent ainsi le quatrième rang, avec une part de 16,5% dans le total des importations de biens. Parmi les produits qui ont contribué le plus à cette hausse, on trouve les voitures de tourisme (+28,7% ou + 2,21 milliards de dirhams), les parties de carrosseries (+213% ou + 880,7 millions de dirhams), les médicaments (+11,8% ou + 345,4 millions de dirhams) et les réfrigérateurs domestiques (+43,2% ou + 323,5 millions de dirhams). En fait, à l’exception du tissu de coton et des articles de bonnèterie, tous les autres produits finis de consommation ont augmenté, certes à un rythme moins élevé que ceux cités précédemment.

Concernant les produits alimentaires, il faut tout de suite préciser que leur hausse résulte d’un accroissement des achats de blé, et surtout d’un renchérissement des cours internationaux de ce produit ; la détente sur ce produit n’ayant commencé que depuis l’été dernier. De sorte que les achats de blé en 2008 ont représenté 39% du total de la facture alimentaire. Parmi les hausses significatives, il y a eu aussi celles concernant le maïs (+12,4% ou + 450,8 MDH) ou encore le beurre (+104,2% ou + 517,2 MDH).

Quand on observe la structure des importations de produits finis de consommation ou de produits alimentaires, on peut se demander s’il y a vraiment une marge pour réaliser des économies. D’aucuns peuvent estimer que des produits comme le raisin sec, les bananes fraîches, l’eau minérale, le fromage, la quincaillerie de ménage... ne sont pas des produits de première nécessité et, qu’à ce titre, il n’y a pas lieu de gaspiller des devises pour les importer. C’est oublier que le Maroc est un pays touristique et que donc il doit satisfaire les clients qui viennent le visiter. Sans compter que les produits qui pèsent lourd dans la facture sont souvent, sinon toujours, des produits non disponibles localement, soit pour des raisons de sècheresse (cas du blé), soit pour insuffisance de l’offre locale (lait, sucre, beurre, etc.).

Plus généralement, ce débat sur le protectionnisme, n’a plus de sens aujourd’hui. Si, en effet, le Maroc finance la croissance de ses fournisseurs, il ne faut pas oublier non plus que ces mêmes pays fournisseurs sont aussi acheteurs du Maroc et pourvoyeurs de touristes. Par conséquent, si la croissance se porte bien chez ces partenaires, ils augmenteront à leur tour leur demande adressée au Maroc et lui enverront plus de touristes. C’est aussi cela la mondialisation...

Consommer local : les raisons qui militent pour

Consommer local ? Ce débat est déjà observé sous d’autres cieux. Au Maroc, il a sa justification d’un constat qui commence à inquiéter : le déficit du compte courant de la balance des paiements qui s’aggrave de plus en plus, après des excédents continus entre 2001 et 2006. Ce déficit a été de -0,1% du PIB en 2007, de -4,6% en 2008 et pourrait être de -5,7% en 2009 selon les prévisions du HCP.

La traduction simple de ces chiffres consisterait à dire que ce sont les revenus du Maroc en provenance de l’étranger (recettes touristiques et des investissements étrangers, envois des MRE), qui financent les déficits structurels de la balance commerciale ; et avec le recul (du moins en 2008) de ces mêmes revenus, la situation pourrait devenir intenable.

La question qui se pose maintenant est de savoir qui en est responsable : est-ce la croissance en effet très élevée des importations, ou celle, très faible, des exportations ? Certains, y compris au sein du gouvernement, ont déjà répondu à cette interrogation : le pays se développe, il est devenu un immense chantier, c’est donc bien normal que les importations augmentent à un tel rythme. « Le souci, en revanche, vient des exportations qui évoluent à un rythme très lent », estime un ministre.

Source : La vie éco - Salah Agueniou

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Importations - Automobile - Haut Commissariat au Plan (HCP) - Consommation - Office des changes - Crise économique - Alimentation - Ahmed Lahlimi Alami

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : les duty free font leur révolution

Du changement en vue pour les magasins de vente sous douane, communément appelés « Duty free shops ». L’Administration des douanes et impôts indirects (ADII) et l’Office des changes ont fixé de nouvelles règles relatives à leur gestion et fonctionnement.

Industrie automobile : Le Maroc se positionne parmi les grands constructeurs mondiaux

L’industrie marocaine, en particulier le secteur automobile, a connu ces dernières années une croissance fulgurante, propulsant le Royaume au rang des concurrents sérieux sur la scène internationale. C’est ce qu’a affirmé Ryad Mezzour, ministre de...

Les fonctionnaires marocains abusent-ils de leurs avantages ?

L’association marocaine pour la protection des biens publics invite le ministère de l’Intérieur à mettre fin à l’utilisation à des fins personnelles des véhicules de l’État par les élus et fonctionnaires publics.

Intermarché bannit la fraise marocaine

Afin de valoriser des produits de saison et du terroir français, le groupement Les Mousquetaires, qui chapeaute les enseignes Intermarché et Netto, a pris une décision radicale : bannir les fraises et les cerises de ses étals durant les mois de...

Maroc : le secteur de la location de voitures en péril

Le secteur de la location de voitures au Maroc est en crise. Les professionnels du secteur se plaignent de l’introduction d’un nouveau cahier de charges et de l’offre largement supérieure à la demande. La reprise n’est pas près de s’amorcer.

Maroc : le pain, dangereux pour la santé ?

Une députée du Parti Authenticité et Modernité (PAM) à la Chambre des représentants alerte sur la qualité du pain fabriqué dans les boulangeries informelles.

Achat de véhicules de luxe : le fisc marocain traque les fraudeurs

La Direction générale des impôts (DGI) traque les fraudeurs opérant dans des garages spécialisés dans la vente de voitures de luxe dans les régions de Casablanca-Settat et Tanger-Tétouan-Al Hoceïma.

Les Marocains de France battent des records de transfert

Les Marocains du monde ont transféré au Maroc près de 115,15 milliards de dirhams (MMDH) à fin décembre 2023, soit une hausse de 4 % par rapport à la même période de 2022 (110,72 MMDH), révèle l’Office des changes.

Maroc : Une année record pour l’industrie automobile

L’année 2023 a été exceptionnelle pour l’industrie automobile au Maroc, affichant une hausse des ventes de 30,5 % et atteignant 116,38 milliards de dirhams à fin octobre.

Tourisme au Maroc : les MRE dépensent bien plus que les touristes nationaux

Le Maroc a réalisé des recettes touristiques record en 2024. Selon l’Office des changes, ces revenus ont atteint 112,5 milliards de dirhams, soit une augmentation de 7,5 % par rapport à l’année précédente.