Le premier ministre français, Lionel Jospin, estime qu’"il faut faire une place normale et digne à l’islam, la deuxième religion de France par le nombre", dans un entretien au mensuel Pote à pote, le journal des quartiers, publié mardi 9 avril. "Pour pouvoir exercer librement leur culte, les croyants ont besoin de structures, d’édifices religieux de qualité. Les musulmans doivent avoir des mosquées. Cette question a longtemps été un tabou, mais je constate qu’il est en train de tomber", déclare le premier ministre-candidat.
Jospin souligne que son gouvernement a "engagé, depuis plus de deux ans, une large consultation afin de créer des instances représentatives de l’islam de France". Cette "avancée" permettra que "l’islam se dote d’interlocuteurs représentatifs auprès de l’ensemble des pouvoirs publics, tant au niveau national que local", poursuit le candidat socialiste en soulignant que "l’islam et les musulmans ont toute leur place dans le paysage culturel de notre République".
Les premières élections constitutives du Conseil français du culte musulman se tiendront le 26 mai prochain. La consultation sur l’islam de France (deuxième religion en France selon le nombre de fidèles – de un à quatre millions) a été mise en place début 2000 par le gouvernement, pour organiser l’élection d’une instance représentative de l’islam de France, qui n’existe pas encore. La France compte environ 1 600 salles de culte musulman, que ce soit des grandes mosquées ou des locaux minuscules. Plus de 70 % d’entre elles ont été admises à nommer des délégués pour participer à l’élection de ce premier Conseil français du culte musulman. Les associations gestionnaires sont extrêmement diverses : certaines se sont explicitement constituées sur des bases nationales (Algérie, Maroc, Tunisie, Turquie, Afrique noire, île Maurice), d’autres sont rattachées à des mouvements religieux (Tabligh) ou à des fédérations.
Contre la double peine dans certaines situations
Dans le même entretien, Lionel Jospin se déclare favorable à la suppression de la double peine "dans certaines situations". L’interdiction du territoire français, dite "double peine", est une sanction qui peut être prononcée contre un étranger après une condamnation pénale. "La double peine pose des problèmes de respect des droits de l’homme, dès lors que la personne qui n’a pas la nationalité française a sa vie en France", déclare le premier ministre-candidat.
S’appuyant sur les conclusions de la commission de réflexion mise en place par le gouvernement en 1999, M. Jospin "propose qu’il ne soit plus possible de prononcer une interdiction du territoire ou une expulsion" pour les "personnes entrées avant l’âge de 10 ans en France et y séjournant depuis", et les "personnes séjournant depuis plus de quinze ans et y ayant leurs attaches familiales", "sauf en cas de terrorisme ou de crimes particulièrement graves". Le candidat socialiste souligne qu’"une nouvelle politique de l’immigration a été mise en place dès 1997", grâce à laquelle "de nombreux étrangers (près de 80 000) qui avaient été déstabilisés, en particulier des familles, ont trouvé la sécurité juridique dont ils avaient besoin pour mener une vie normale et sortir de la clandestinité à laquelle ils avaient été contraints".