Le compositeur Mohamed Rifai a assigné DJ Van en justice à cause de la chanson « Enty » interprétée par Saad Lamjarred en 2014.
Chez les jeunes de 12 à 21 ans, la tecktonik devient un véritable phénomène dans différentes villes du Maroc. Plus qu’une danse connue pour être très « électrique », elle est aussi une façon, spéciale, de paraître...
Quartier Maàrif à Casablanca. Il est 21 h et on est samedi. Deux bonnes raisons qui font que des jeunes, en majorité des adolescents, s’agglutinent devant Mc Donald. C’est là que certains parmi eux (garçons et filles) se donnent rendez-vous pour danser, en petits cercles qui vont en grossissant, la tecktonik.
Dès qu’ils entament leurs trémoussements, les danseurs sont entourés de jeunes spectateurs. Ici, on lance des « bravo Ricardo ! » enjoués à l’adresse d’un adolescent qui fait bouger tous ses membres à la fois. Là, on répète des « plus forts Joe !! » frénétiques à un autre qui sautille en bougeant les bras à la vitesse de l’éclair. « Les passants, eux, n’y voient que du vent. Au passage, certains comme Ahmed, un fonctionnaire de 45 ans, maudissent « cette folie venue de France ». Trop peu pour décourager les fous de la tecktonik !
Plus tôt dans la même journée, tout près de Casablanca, à Mohammedia, d’autres jeunes des deux sexes, âgés de 15 à 21 ans, se sont donnés rendez-vous sur une piste de danse bien sonorisée et éclairée pour la circonstance. Eux aussi arborent le même look et appartiennent donc au même mouvement.
Là également, les teams de danseurs sont reconnaissables de loin. Les plus « stylés » portent des jeans moulants dits « slim » (mince en anglais), des tee-shirts frappés d’un aigle à la couleur argentée et des baskets à damier. Leurs cheveux sont dressés en l’air avec du gel fixant. Quelques danseuses et danseurs portent même des guêtres fluos des grandes soirées. Le piercing est de règle chez de nombreux ados férus de la tecktonik. Parce que la tecktonik est aussi une façon de s’habiller et de paraître.
Dans ce club privé loué à l’occasion, explique le surnommé Da Crip Walker qui nous révèlera plus tard son vrai prénom, danseurs et spectateurs se retrouvent entre eux, loin des regards souvent insultants des « curieux non branchés ». Sous le rythme endiablé de la musique techno, la danse ressemble fort à une transe qui est on ne peut plus mouvementée.
Si les bras et les jambes peuvent parfois partir dans tous les sens, le mouvement le plus régulier consiste à avancer la main vers le cou, près de l’oreille, pour l’engager sur la nuque en direction de l’autre oreille pendant que l’avant-bras passe par-dessus la tête. C’est là, s’accordent à affirmer les danseurs de tecktonik, une imitation chorégraphique du geste consistant à s’appliquer du gel sur les cheveux.
Le reste des frétillements répond à l’appel du rythme. Les mouvements des bras, de la tête, des hanches, des jambes, en somme de tout le corps, s’enchaînent, s’accélèrent, changent ou se répètent selon l’agilité et la créativité du danseur. De quoi donner le tournis aux personnes qui préfèrent les slows.
Casablanca et Mohammedia n’ont pas l’apanage de la tecktonik puisque Rabat, Kénitra... Et bien d’autres villes connaissent la « tecktonikomania » qu’Internet fait propager dans les quartiers huppés et pauvres des villes marocaines.
Mohammedia Teck-up en démonstration
Teck-up est le nom que s’est donné un groupe pionnier dans la danse tecktonik. Ses membres sont tous de Mohammedia. Ils ont imposé leur style malgré les virulentes critiques de leur entourage...
Da Crip Walker, de son vrai prénom Omar, est à la tête de Teck-up. Une équipe (team) qui s’est regroupée autour de la danse tecktonik. Les autres tecktonik killers (c’est ainsi qu’on appelle les vrais danseurs de la tecktonik) sont Younès surnommé Pirlo, Imane surnommée Winny, Hamza surnommé Robio, Amira qui porte le surnom d’Amirita, Salima surnommée Leona et Kenza qui préfère se fait appeler Keyzi. Mis à part Omar qui est âgé de 21 ans, l’âge de ses coéquipiers et coéquipières ne dépasse pas 17 ans. Les uns avaient déjà dansé le hip-hop, les autres du break-dance, Amirita a même fait de la danse classique... Toutes et tous aujourd’hui ne jurent que par la tecktonik.
Teck-up préfère parler de la danse électro. « Depuis que l’appellation ‘tecktonik’ a été brevetée au profit d’un marchand de tee-shirt parisien qui a anticipé l’évolution de la danse qui porte ce nom, nous ne voulons plus faire de la promotion gratuite. Et puis, l’électro définit mieux notre danse. Nous militons pour que les danseurs comme nous luttent contre ce détournement marchand de notre mouvement », explique Omar. Ce jeune universitaire qui poursuit des études supérieures d’économie, espère professionnaliser son team. Il ne cache pas ses ambitions : « dès que nous avons du temps libre, nous travaillons sérieusement pour améliorer nos mouvements et en apprendre d’autres ». Younès enchaîne : « nous nous entraînions dans un jardin public avant que personne ici à Mohammedia ni même à Casablanca ne connaisse la tecktonik.
Certains passants, même des jeunes, nous insultaient parfois. Tout le monde nous prenait pour des fous. Maintenant, il y a de plus en plus de jeunes qui nous demandent de leur apprendre les mouvements ». Il conclut triomphant : « notre danse et notre look sont entrés dans les mœurs ». « Cela n’a pas été aussi simple, même avec la famille », nuance Hamza. « Pour nous autres les filles, cela a été encore plus dur, mais maintenant notre danse est admise », assure Amira. « En plus, c’est une danse propre. Pour la pratiquer et être réellement dans le mouvement, on est obligé de bien s’habiller, d’aller chez le coiffeur... », insiste Keyzi.
Par ailleurs, Omar rejette d’un revers de la main le lien qui est fait, à tort selon lui, entre tecktonik et homosexualité. « Ce n’est pas parce qu’on porte des jeans slim que l’on est homo ! », proteste-t-il. Mieux, dit-il, il faut être bon sportif pour danser à notre rythme. Et d’ajouter : « c’est pour cela que la drogue ne trouve pas de place dans notre mouvement ! »
Salima (Leona) est pour beaucoup dans l’assurance que prend Teck-up. Elle avait mis en ligne une vidéo sur Youtube à travers laquelle on peut la voir danser comme une pro. Du coup, elle a attiré à son team des louanges de connaisseurs français.
Ce samedi, Leona vient danser dans le cadre d’une « aprèm de folie ». Comme à chaque fois dans pareilles rencontres qui réunissent plusieurs tecktonik killers, il y a des « battles » (batailles) qui prennent cours. Ils opposent différents teams dont chacune tente de montrer qu’elle danse mieux que les autres. Et à chaque fois Teck-up s’en sort sous les ovations.
Aux origines de la tecktonik
Tecktonik est une danse apparue en 2000 en France. Son créateur est le Français Cyril Blanc. Lui-même définit la tecktonik comme étant le point d’impact entre la musique hardteck des pays du nord de l’Europe tels que la Belgique, les Pays Bas voire l’Allemagne, et les mouvements de tendance techno issus principalement d’Italie, constituant ainsi le mouvement musical hardstyle.
Le skyblog dancegeneration.skyblog.com traduit le terme « tecktonik killer » par « tueur de plaques » autrement dit « tueur de plaques tectoniques » à force de les frapper du pied.
Les premières soirées tecktonik au Metropolis de Rungis, près de Paris, ne faisant au départ qu’exclusivement du jumpstyle. Tecktonik est le nom raccourci des soirées Tecktonik Killer où l’on peut écouter de la techno belge et du hardstyle, proposées par la même discothèque.
Même en France, pays qui a vu naître la tecktonik, ce n’est qu’en 2006 que ce mouvement est devenu un véritable effet de mode, notamment du fait de la popularité de sa danse et du style vestimentaire qui lui est le plus souvent associé. Au Maroc, ce n’est que dernièrement que l’on a commencé à voir de plus en plus de jeunes (principalement 15-20 ans) se revendiquer "tecktonik". Internet, ajouté au petit reportage consacré récemment par 2M à ce phénomène dans le cadre du journal télévisé y est pour beaucoup, tout comme la pub d’une marque de biscuits dont des danseurs de tektonik font la promotion dans un spot télé.
Emprunts La tecktonik s’inspire de la danse hip hop. Le locking qui signifie littéralement « fermeture » est un jeu de poignets emprunté de la danse de club appartenant aux funkystyles (pop & lock). De même, le popping est un style de danse consistant à contracter ses muscles sur le rythme de la musique. Il fait partie des techniques des funkstyles.
En revanche, le toprock est emprunté à la breakdance. C’est le pas de préparation du breaker (danseur de breakdance) qu’il effectue debout, avant de descendre au sol où il effectuera le downrock. Sauf que dans la tecktonik, le danseur n’effectue pas de mouvement de corps sur le sol.
On apprend en parcourant les sites spécialisés qu’il y a également le voguing qui est une émanation de l’underground gay à Harlem dans les années 30. Ce style de danse moderne mime de manière hautement stylisée des poses inspirées de modèles dans les magazines de mode : mouvements et attitudes rigides, angulaires, d’un maintien parfait, féminins et rigoureux.
Une danse libre
Les mouvements des bras semblent codifiés. Le reste, tout le reste, laisse la marge à la créativité des danseurs. D’où de nombreux ajouts constatés à chaque fois dans les soirées tecktonik.
La tecktonik se danse en solo, affirment les spécialistes. Mais, il arrive qu’une danseuse soit juchée sur les bras de son partenaire, ou bien que les jambes de l’un enserrent la taille d’une autre, laissant son buste basculer vers le sol...
Danse en bandes et web
Au Maroc comme en France, pour danser la tecktonik, les jeunes et les ados se réunissent dans la rue, lors d’après-midi ou aprem’ (par opposition avec les soirées). C’est à partir de ces shows improvisés donnés à ciel ouvert devant des Mc Do ou des jardins publics, que des vidéos sont enregistrées, souvent au moyen de téléphones mobiles. Le tout est balancé sur internet qui représente le vecteur de propagation de la tecktomania. C’est au Net que des tecktonik killers comme Treaxxy, Vavan, Micktazz, LeCktra, Spoke, Jey-Jey, Calimero, Nemoo, Maestro etc..., doivent leur célébrité désormais planétaire.
Détournement marchand
Tecktonik est devenu, grâce au succès des soirées Tecktonik Killer, le nom d’une marque de vêtements qui a été créée avec pour logo un aigle de style germanico-romain estampillé du mot tecktonik et d’une étoile. Ce dessin, affirment des spécialistes sur différents sites internet, n’a rien à voir de précis avec le reichsalder.
Il ne représente, expliquent-ils, que sa valeur héraldique, c’est à dire un symbole de force divine et de puissance. Jusqu’à présent, le mouvement Tecktonik ne revendique aucune idéologie particulière.
Tecktonik est aussi le nom porté par une boisson énergétique et celui de plusieurs compilations de hardstyle produites par les DJs coutumiers du Metropolis à Paris.
Le Reporter - Mohamed Zainabi
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