La frontière entre l’Algérie et le Maroc a été exceptionnellement ouverte cette semaine pour permettre de rapatrier le corps d’un jeune migrant marocain de 28 ans, décédé par noyade en Algérie.
Zakya Daoud, journaliste, ancien rédacteur en chef de la revue marocaine Lamalif, signe son nouvel ouvrage, « Marocains de l’autre rive, les immigrés marocains acteurs du développement durable », paru aux éditions Tarik.
Huit ans après la sortie de son livre, « Marocains des deux rives », consacré à la naissance de l’association « Migrations et développement », Zakya Daoud prolonge son étude du mouvement caritatif et solidaire, qui lie les Marocains, de part et d’autre de la Méditerranée.
De l’usine chimique Péchiney dans les Hautes-Alpes aux montagnes de l’Anti-Atlas, la journaliste revient sur vingt années de combats, d’initiatives hasardeuses et courageuses, de tous ces Marocains, « héros anonymes du développement, de la démocratie, et du rapprochement entre les peuples ».
Ainsi, son livre nous raconte le destin de Jamal Lahoussain, délégué syndical, qui milite contre la fermeture de l’usine Péchiney de Briançon (France), où il travaille depuis 15 ans. Une fois la bataille perdue, Jamal ne baisse pas les bras, et engage les immigrés licenciés, candidats au retour, à investir leur prime de départ au Maroc. Un mouvement est né
En 1987, Jamal fonde une association, « Retour et développement », qui deviendra, par la suite, « Migrations et développement », et entreprend avec les fonds qu’il récolte, l’électrification de son village natal d’Imgoun.
Un acte pionnier, qui dépasse une simple initiative isolée, car « l’électrification n’est pas une fin en soi, ni une action humanitaire, c’est une éducation au développement, un support pédagogique concret, à partir duquel les habitants d’une région se mobilisent, et prennent leur destin en main », explique Jamal.
Au fil des rencontres, notamment avec le militant altermondialiste Hugues Le Bars, avec l’aide des immigrés, et la créativité des habitants, les villages de la province de Taroudant s’électrifient peu à peu, des dispensaires et des bibliothèques se construisent, des barrages s’édifient permettant l’irrigation de terres épuisées par la sécheresse
« Persuadés que la pauvreté de l’esprit est plus grave que la pauvreté matérielle », les membres de l’association s’impliquent pour l’éducation et la formation en zone rurale.
Enfin, relayée notamment par les femmes des villages, « non sans mal ni discussion », mais avec beaucoup d’enthousiasme, l’équipe de Jamal parie sur le développement économique, favorise la création de foires, coopératives, afin de permettre aux paysans de vendre leurs produits, à forte valeur ajoutée, ( tels l’argan et l’olive), et cherche à attirer les touristes dans l’arrière-pays marocain.
« Piqué au vif » face au phénomène associatif qui ne cesse de croître, l’Etat marocain s’investit à son tour dans le développement rural.
Et si des débats internes, et différentes difficultés (notamment financières) touchent l’association, elle n’en demeure pas moins une belle preuve « que l’on peut construire quelque chose de positif, à partir de ces migrants marocains, citoyens du monde. »
Malgré la déchirure toujours vive de l’exil et la question lancinante du retour au pays, les Marocains des deux rives de la Méditerranée s’inventent une autre manière de vivre l’immigration et jettent un pont fraternel entre deux continents.
« A leur façon, modeste, silencieuse, ils contribuent ainsi à réduire le hiatus entre les deux rives ». En leur consacrant un ouvrage, Zakya Daoud leur rend un formidable hommage.
Emilie Poirrier - Libération
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