Le déclic a été la mort de son père en 2023. Un moment difficile qui l’a reconnecté à ses racines. Il a tenu à réaliser ses deux dernières volontés : faire creuser un puits et reconstruire la maison familiale à Beni Sidel, son village natal.
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En voyant la nouvelle maison, moderne et équipée, remplacer celle de son enfance faite de boue et de paille, il a pris conscience du fossé entre ses deux vies. « Le contraste entre les conditions dans lesquelles je vivais alors et celles d’aujourd’hui est très douloureux », confie-t-il.
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Son livre raconte une enfance marquée par la pauvreté, mais aussi par la dureté. Il parle ouvertement des violences subies à l’école coranique ou des conditions de vie dans un internat qu’il décrit comme un « endroit horrible ».
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Mais loin de s’apitoyer, il explique comment cette période difficile l’a forgé. C’est là qu’il a compris l’importance de l’éducation pour s’en sortir et du partage, même quand on n’a rien. Des valeurs qui, dit-il, guident encore ses choix aujourd’hui.
Une fois maire, les vrais problèmes commencent
Son arrivée à la tête de Rotterdam en 2009 a été un événement : il était le premier maire d’origine marocaine en Europe occidentale. Mais tout n’a pas été rose. Il raconte que ses origines sont restées un « argument politique » durant tout son mandat.
La tension avec le parti local Leefbaar Rotterdam en est le meilleur exemple. Il n’a jamais oublié leur “cadeau” de bienvenue : une enveloppe encadrée pour qu’il renvoie son passeport marocain. Un geste qu’il a trouvé « choquant ». C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre sa fameuse sortie « Foutez le camp ! » après l’attentat de Charlie Hebdo. Une phrase choc adressée aux extrémistes, qui lui vaut aujourd’hui, selon lui, d’être vu comme un « visionnaire » par ceux-là mêmes qui le critiquaient.
Pourquoi a-t-il arrêté ? Il ne se sentait tout simplement plus à sa place. « L’hôtel de ville de Rotterdam ne me semblait plus un foyer, et mon parti non plus une maison », écrit-il. Il reproche aux partis traditionnels d’être déconnectés de la réalité des gens.
Son avis sur la politique nationale est sans filtre : il la juge « toxique ». Pour lui, le pays manque de vrais leaders, de gens courageux qui osent prendre des décisions difficiles, même si elles sont impopulaires.
Aujourd’hui, il continue de s’engager, notamment pour la protection de la jeunesse, mais loin des jeux de pouvoir. Quand on lui demande où il se sent « chez lui », il n’a pas une seule réponse. Il préfère citer le philosophe Érasme : « Le monde entier est ma patrie. »