Déficit budgétaire : 3% est-il tenable ?

14 novembre 2007 - 00h10 - Economie - Ecrit par : L.A

« Nous sommes en mesure de préserver les équilibres financiers et macroéconomiques avec un déficit budgétaire de 3%. Le différentiel entre ce chiffre et le niveau actuel de déficit (1,9%, ndlr) peut bien être affecté à l’investissement ». Le ministre de l’Economie et des Finances, Salaheddine Mezouar, s’est permis d’augmenter les dépenses d’investissement en dépit de la hausse soutenue des charges de compensation. Résultat des courses : le déficit budgétaire qui est passé de 1,9 à 3% ou 20 milliards de DH.

Le déficit commercial résorbéepar les transferts des MRE

Cela ne devrait pas plaire à Bank Al-Maghrib qui s’inquiète régulièrement de la tentation qu’a l’Etat de virer au-dessus de ces moyens.
Pour le nouvel argentier du Royaume, tout est sous contrôle. La croissance, l’inflation, le budget… et même le déficit commercial, dont l’aggravation est résorbée, pour le moment, par les transferts des MRE et les recettes touristiques. Pourquoi ne pas se permettre plus d’investissement pour dynamiser l’économie ?

Mais attention. Les prévisions sur lesquelles reposent les équilibres sont fragiles. Les cours des matières premières aussi bien énergétiques qu’agricoles sont très volatils. Tout décalage aura des répercussions directes sur les équilibres macroéconomiques. En tout cas, Mezouar laisse entendre dans ces déclarations qu’il assumera ses choix jusqu’au bout.

Record des investissements

Les chiffres du projet de loi de Finances traduisent cette orientation. En effet, les ressources progressent à un rythme légèrement supérieur aux dépenses. Les charges ressortent à 228 milliards de DH, en hausse de 10,13% alors que les produits augmentent de 12,22% à 212,6 milliards de DH(1). Le décalage entre les emplois et les ressources ressort ainsi à 12,4 milliards de DH.

La situation du budget général de l’Etat évolue aux mêmes conditions que la balance totale. Les dépenses y croient de 7,05% à 208,3 milliards de DH alors que les recettes progressent de 9,27% à 195,7 milliards.
Les dépenses de fonctionnement s’élèvent à 124,3 milliards de DH, en hausse de 13,45%. Plus de la moitié de cette somme (+ 6,7% à 67 milliards de DH) ira aux fonctionnaires.

L’emballement des charges communes de fonctionnement (+29,35% à 34 milliards de DH) est dû aux dépenses de compensation qui ressortent à 20 milliards de DH. Le reste résulte, en majeure partie, à la contribution patronale de l’Etat à la caisse marocaine de retraites (10,9 milliards de DH).

Le projet du budget 2008 prévoit 20,5 milliards de DH pour les dépenses de matériel et dépenses diverses. Cela inclut les redevances d’eau, d’électricité et de téléphone (1,2 milliard de DH), les subventions aux établissements publics et aux Segma (7,2 milliards) et les autres dépenses du matériel (11,7 milliards).

Pour couvrir les provisions et les dépenses imprévues, l’Etat a ouvert 3,16 milliards de DH. Cette somme est dédiée au programme d’apurement des arriérés et aux dépenses imprévues qui peuvent apparaître en cours d’année. Nombreux sont les créanciers de l’Etat qui vont être remboursés.

Les engagements d’investissement atteignent un nouveau record dans le projet de loi de Finances 2008. Ils dépassent pour la première fois 100 millions de DH pour s’établir à 107 milliards de DH. Le budget de l’Etat contribue à hauteur de 36,1 milliards de DH. Cette somme est scindée en engagements pour des projets prévus pour la loi de Finances 2009 (16,6 milliards de DH) et les reports de crédits engagés dans le budget de cette année (9 milliards de DH).

Le reste des dépenses émane du Fonds Hassan II (3 milliards de DH) des Segma (300 millions de DH) et des collectivités locales. La part des investissements programmés dans le cadre des comptes spéciaux du Trésor s’élève à 6,95 milliards de DH.

La répartition sectorielle des dépenses publiques révèle de nouvelles donnes. Pour consolider « le pacte » que promet Abbas El Fassi, l’Etat consacre 50% de son budget aux secteurs dit, sociaux. Ainsi, le budget de l’éducation croîtra de 9,2% en vue de « réduire la déperdition scolaire ». Des objectifs annoncés perpétuellement, mais sans jamais être atteint. Les engagements alloués à la couverture médicale augmenteront de 10,4% pour la mise en place des programmes AMO, Ramed et Inaya. Quant à l’habitat social, il bénéficiera d’un investissement de 1,8 milliard de DH, alloué notamment au nouveau produit dont le prix sera inférieur à 140.000 DH.

La préoccupation sécuritaire apparaît clairement dans le projet de budget 2008 qui accorde 29,5% d’engagement en plus à ce poste, soit 45,6 milliards de DH. Cette hausse est peut-être liée au contrat des avions F 16 mais aussi à la revalorisation des salaires du personnel de la Sûreté nationale. Pour accompagner les chantiers d’infrastructure, l’Etat consacre 4,75% de ses dépenses hors dette (7,6 milliards de DH). Mezouar a indiqué lors de la présentation du projet de loi de Finances que cette somme sera dédiée aux autoroutes, à la rocade méditerranéenne et à l’augmentation de la cadence de réalisation des routes rurales.

Côté dette, la cadence de remboursement est toujours aussi soutenue. Ainsi, les charges de la dette extérieure progressent de 22,47% à 11,7 milliards de DH. Cette hausse est liée à un remboursement accentué du principal (+29,24% à 9 milliards de DH). L’apurement de la dette envers le club de Paris a permis de diminuer le rythme d’augmentation des charges d’intérêt (+5,6% à 2,8 milliards de DH).

En parallèle, les arrivées à échéance de la dette intérieure bondissent de 39% à 20 milliards de DH. En termes d’intérêt, le Trésor a profité de la baisse tendancielle des taux obligataires pour diminuer la hausse des intérêts à 2,9% pour un montant de 16,3 milliards de DH.

Grâce à ce contexte favorable, aussi bien au niveau de la dette intérieure qu’extérieure, la valeur de ce poste de dépenses a baissé de 18,85% par rapport à la loi de Finances 2007 pour se stabiliser à moins de 48 millions de DH. Suite à cette baisse, la dette ne représente que 55,7% du PIB.

L’Etat ne se limite pas à payer ses dettes. Il profite de la baisse des taux à l’international pour lever de nouvelles dettes à des conditions plus avantageuses. Mais il continue à être timide sur le marché de la dette intérieure, au grand dam des investisseurs en valeurs du Trésor. En chiffres, les prévisions de recettes de la dette extérieure augmentent de 12,62% à 9,3 milliards de DH alors que celles de la dette intérieure ne croissent que de 8,35% à 37 milliards de DH.

Le reste des recettes est réparti entre les produits de monopole (7 milliards de DH), les produits et revenus de domaines (286 millions de DH), la privatisation (3 milliards de DH) et les autres recettes (3,1 milliards de DH).

IS : La baisse coûtera 1,3 milliard de DH

D’une année à l’autre, les recettes fiscales ne font que progresser, et à des rythmes de plus en plus soutenus. Cela en dépit de la moins-value, liée à la baisse de l’IS de 35 à 30%, estimée à 1,3 milliard de DH.
Ainsi, le produit de l’IS s’améliore de 27,4% à 21,64 milliard de DH. Celui de l’IR augmentera de 14,47% à 29,35 milliards de DH.

La TVA et autres impôts indirects augmentent dans un rythme similaire (17,87% à 52,1 milliards de DH). La composante la plus importante de ce poste est la TVA à l’intérieur prise en charge par le fisc qui draine 15,3 milliards de DH (+27%). A noter que la taxe sur les produits énergétiques génère 275 milliards de DH. Celles appliquées au tabac et à la bière ressortent à 6,2 milliard et 570 millions de DH respectivement.
Le rythme d’augmentation des droits de douane ne cesse de baisser sous l’effet de la libéralisation. Les recettes de ce poste s’élèvent à 11,2 milliards de DH en hausse de 2,14% seulement. La redevance du gazoduc reliant l’Algérie et l’Espagne a même baissé de 8,13% à 1,5 milliard de DH. Cette recette est vouée à se tarir suite à l’ouverture du nouveau pipeline qui reliera les deux pays via la mer Méditerranée.

L’Economiste - Nouaim Sqalli

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Sujets associés : Politique économique - Capitaux - PIB - Budget - Ramed

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