Grand banditisme : la chute d’El Nene

2 janvier 2009 - 01h15 - Espagne - Ecrit par : L.A

A 33 ans, Mohamed Taïeb el-Ouazzani, dit El Nene, est considéré comme l’un des plus gros trafiquants de haschisch au monde. Arrêté en Espagne après des mois de cavale, il attend son extradition vers le Maroc. Portrait.

La vidéo circule sur Dailymotion. On y voit le pilote d’un Zodiac bourré de hasch regarder la caméra avec un sourire en forme de bras d’honneur à la police. L’homme n’est pas un vulgaire passeur, mais El Nene (« le Gosse »), l’un des plus gros trafiquants de cannabis au monde. Un Pablo Escobar du shit, moins riche que ne l’était son collègue colombien, mais tout aussi légendaire sur les deux bords de la Méditerranée.

Arrêté dans l’enclave espagnole de Sebta, en avril 2008, grâce à un mandat d’arrêt international, l’insaisissable El Nene, 33 ans, est, depuis, réclamé par le Maroc, où il s’est évadé quatre mois plus tôt de la centrale de Kénitra. Sa double nationalité et ses deux patronymes (Mohamed Taïeb Ahmed pour l’Espagne, el-Ouazzani pour le Maroc) ont permis à ses avocats de contester qu’il s’agissait du même homme et de retarder ainsi son extradition. Mais la justice espagnole, à laquelle Interpol a adressé ses empreintes digitales, vient de trancher et de donner son feu vert. Son sort est désormais entre les mains du gouvernement, seul habilité à statuer sur les extraditions.

En Espagne, les fumeurs disent qu’un joint sur dix consommés dans la péninsule est fourni par « le Gosse ». Et la police estime sa fortune à 30 millions d’euros. Ce que l’intéressé a confirmé à la presse espagnole avec un certain sens de la formule : « J’ai plus de millions que d’années. » El Nene possèderait de nombreuses propriétés au Maroc et en Espagne, notamment à Playa Benitez, le coin chic de Sebta. Non loin de Jado, où il a grandi. Un quartier de logements sociaux avec vue sur le détroit de Gibraltar, et surtout une pépinière de mauvais garçons.

El Nene a commencé, comme les autres, à jouer les petites mains, puis il s’est hissé à coups de poing et d’audace dans la hiérarchie du trafic. A 14 ans, il aurait travaillé pour Mohamed Echeeri, dit El Indio, le plus grand narcotrafiquant marocain. El Nene traversait alors les 14 kilomètres du détroit sur des scooters de mer volés et chargés de shit. Deux ans plus tard, il pilotait lui-même des Gomas, ces Zodiac dotés de quatre moteurs de 250 chevaux, capables de filer à 50 noeuds, pour livrer les tonnes de fumette sur les plages espagnoles.

En 1998, à 23 ans, El Nene est considéré par les autorités espagnoles comme le plus gros convoyeur de haschisch, avec plus de 50 tonnes par an. Il est surtout devenu son propre patron, à la tête d’une flottille de Gomas. A Sebta, il est une légende, paradant au volant de bolides rutilants et distribuant les billets de 200 euros aux gamins de Jado.

Gorilles, prostituées et petits plats cuisinés en cellule

Mais, en 2003, c’est la chute. Il est condamné à huit ans de prison et incarcéré à la centrale de haute sécurité de Kénitra. Loin du régime sordide des geôles marocaines, El Nene occupe trois cellules tout confort : écran plat, lecteur de DVD, connexion à Internet, air conditionné...

Toujours entouré de ses gardes du corps, il est choyé par les gardiens, qui lui font parvenir de l’extérieur plats cuisinés et filles de joie. Bref, comme on dit au Maroc, il « achète la prison ». Jusqu’à pouvoir s’offrir des « permissions » d’une nuit, voire de plusieurs jours, qu’il passe dans les boîtes de nuit et les villas de Mehdia, la station balnéaire située à 10 kilomètres de Kénitra.

C’est lors d’une de ces virées qu’El Nene prend le large, en décembre 2007, après quatre ans de détention. Dans la foulée, les poursuites pour meurtre engagées contre lui en Espagne sont abandonnées. Selon la rumeur, « le Gosse » aurait payé la famille de la victime. Peu avant, il aurait vendu l’une de ses deux villas marocaines et fait refaire sa carte d’identité espagnole. Son évasion n’a été signalée qu’au bout de huit jours par un coup de fil anonyme aux autorités. Depuis, six gardiens de Kénitra ont été condamnés pour complicité d’évasion... Qu’il soit extradé au Maroc ou qu’il purge sa peine dans une prison espagnole, El Nene le « narco » n’a pas fini de faire rêver les gamins de Jado.

Source : Le Point - Jérôme Pierrat

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Sujets associés : Espagne - Drogues - Ceuta (Sebta) - Procès - Kenitra - Extradition - Prison - El Nene

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