Femmes seules : Une vie pas facile

5 février 2007 - 16h09 - Maroc - Ecrit par : L.A

Plusieurs milliers de femmes vivent seules à Casablanca. Nombre d’entre elles ont quitté leur famille pour gagner leur vie. Comment vivent-elles et comment sont-elles perçues par la société ?

Il fut un temps où les femmes vivant seules étaient mal vues. A Casablanca, des milliers de femmes vivent seules. Nous en avons rencontré quelques-unes dans la rue ou sur leurs lieux de travail.

Nawal, 28 ans, vit seule dans un studio au centre-ville. Elle est originaire de Tétouan et travaille, depuis une année, comme employée dans une agence bancaire à Casablanca. « J’ai souffert avant de dénicher cette garçonnière. Etre célibataire et vivre seule n’inspirent pas toujours confiance ; les gens se méfient », déclare-t-elle.

Nawal entretient avec ses collègues de bonnes relations professionnelles, mais, nous dit-elle, « ils sont prévenants et gentils, c’est pourquoi j’ai tenu à habiter tout près de mon lieu de travail. Je me sens ainsi plus en sécurité », ajoute-t-elle.

Nawal a toujours aimé Casablanca et trouve que les Casablancais sont gentils. Mais avec son accent nordique qu’elle n’arrive pas à camoufler, ces derniers la considèrent presque comme une étrangère : « il m’arrive d’éviter de parler pour ne pas attirer l’attention ; ce n’est pas que les gens me rejettent, mais c’est le contraire, ils veulent m’aider, me prendre parfois en charge », affirme-t-elle avec beaucoup d’allant.

Le soir, quand Nawal rentre chez-elle , elle est se sent tellement fatiguée qu’elle se voit obligée de refuser poliment l’invitation de sa voisine, une gentille dame, dit-elle, à prendre un verre de thé avec elle. Alors découlent de ce refus un tas d’hypothèses : « Les uns se demandent, explique-t-elle, ce que je cache, ce qu’est mon mystère ; les autres en tirent la conclusion que je dois être de mauvaise foi, du fait que je vis seule, d’autres inventent un tas de scénarios aussi amusants les uns que les autres ». Entre autres, certains disent qu’elle aurait fui son mari, renié ses enfants, souffert le martyre avec son ex-époux avant de changer de lieu de résidence. Fatima Zohra est une autre femme célibataire qui vit seule à Casablanca. Agée de 35 ans, elle travaille comme ingénieur-informaticienne dans une société de télécommunications. Elle a dû faire maintes tentatives infructueuses avant de trouver un logement à Mers Sultan. Elle est toujours dynamique et se distingue par sa forte personnalité. Elle a le sentiment d’être condamnée à rester seule sa vie durant. Pour elle, c’est très dur lorsqu’on est femme : « Je dois supporter beaucoup de choses, entre autres les mauvais tours du concierge de l’immeuble. Je me fais souvent avoir par lui. Il est derrière les coupures d’eau que j’endure de temps en temps. Je dois lui glisser chaque fois que je le rencontre un billet de vingt dirhams pour éviter l’irréparable », nous confie-t-elle.

Nous nous sommes rendus dans le centre-ville où habitent généralement les femmes célibataires. Nous avons rencontré Hassan, 30 ans, gérant d’un immeuble sis à la rue Omar Slaoui. La plupart des appartements de cette résidence sont des garçonnières louées par de jeunes filles qui viennent d’autres régions. « Je ne loue pas aux jeunes célibataires issus de Casablanca. Pourquoi ? Tout simplement parce que je ne voudrai pas voir cet immeuble se transformer en maison close ou en quelque chose de similaire », précise Hassan avant d’ajouter : « Nous avons une bonne réputation que nous comptons maintenir. Il nous arrive de faire des mécontents, mais c’est la tranquillité de nos locataires qui prime », insiste-t-il.

Nous sommes rendus au foyer de jeunes filles à Mers Sultan où nous avons rencontré Hajja Khadija. Elle gère elle-même un immeuble qu’elle a hérité de son père. Le prix de location de la chambre varie entre 1.200 et 2000 dirhams, suivant l’espace et le nombre de filles qui se partagent la pièce.

Hajja Khadija est connue pour la rigueur dont elle fait montre dans le choix de ses locataires. « Toute fille désirant habiter le foyer doit d’abord me fournir une copie de sa carte d’identité (CIN). Ensuite, elle doit justifier sa présence à Casablanca, soit par une attestation d’inscription dans une école, une faculté ou un institut, soit une attestation de stage ou un document prouvant qu’elle travaille de manière régulière et officielle dans l’une ou l’autre des entreprises de la ville », précise-t-elle.
Hors ces conditions « draconiennes », il n’y a pas de salut. Hajja Khadija conseille aux femmes vivant seules d’avoir du caractère pour parvenir à faire face aux aléas de la vie : « Vous savez, il s’agit de Casablanca ; il faut être forte pour y vivre et y travailler », conclut-elle avec paternalisme. Or, la plupart de ses locatrices avouent être démunies devant la solitude. Elles disent qu’elle leur pèse énormément et qu’elle est fort difficile à supporter.

Aujourd’hui le Maroc - Najat Faïssal

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Mariage forcé - Harcèlement sexuel - Femme marocaine

Ces articles devraient vous intéresser :

Youssra Zouaghi, Maroco-néerlandaise, raconte l’inceste dans un livre

Victime d’abus sexuels et de négligence émotionnelle pendant son enfance, Youssra Zouaghi, 31 ans, raconte son histoire dans son ouvrage titré « Freed from Silence ». Une manière pour elle d’encourager d’autres victimes à briser le silence.

Vers une révolution des droits des femmes au Maroc ?

Le gouvernement marocain s’apprête à modifier le Code de la famille ou Moudawana pour promouvoir une égalité entre l’homme et la femme et davantage garantir les droits des femmes et des enfants.

Rapport inquiétant sur les violences faites aux femmes marocaines

Au Maroc, les femmes continuent de subir toutes sortes de violence dont les cas enregistrés ne cessent d’augmenter au point d’inquiéter.

Maroc : crise du célibat féminin

Au Maroc, le nombre de femmes célibataires ne cesse d’accroître, avec pour conséquence la chute du taux de natalité. Quelles en sont les causes ?

Maroc : un « passeport » pour les nouveaux mariés

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) appelle à la mise en place d’un « passeport » ou « guide » pour le mariage, dans lequel seront mentionnées les données personnelles des futurs mariés, ainsi que toutes les informations sur leurs...

Maroc : les femmes divorcées réclament des droits

Au Maroc, les appels à la réforme du Code de la famille (Moudawana) continuent. Une association milite pour que la tutelle légale des enfants, qui actuellement revient de droit au père, soit également accordée aux femmes en cas de divorce.

Femmes ingénieures : le Maroc en avance sur la France

Au Maroc, la plupart des jeunes filles optent pour des études scientifiques. Contrairement à la France, elles sont nombreuses à intégrer les écoles d’ingénieurs.

Ramadan et menstrues : le tabou du jeûne brisé

Chaque Ramadan, la question du jeûne pendant les menstrues revient hanter les femmes musulmanes. La réponse n’est jamais claire, noyée dans un tabou tenace.

Maroc : Les femmes toujours "piégées" malgré des avancées

Le Maroc fait partie des pays de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord qui travaillent à mettre fin aux restrictions à la mobilité des femmes, mais certaines pratiques discriminatoires à l’égard des femmes ont encore la peau dure. C’est ce...

Le droit des femmes à l’héritage, une question encore taboue au Maroc

Le droit à l’égalité dans l’héritage reste une équation à résoudre dans le cadre de la réforme du Code de la famille au Maroc. Les modernistes et les conservateurs s’opposent sur la reconnaissance de ce droit aux femmes.