Fès, l’impériale : « Infiniment vieille et infiniment sainte »

17 avril 2003 - 16h05 - Maroc - Ecrit par :

Fès la séculaire est un peu à l’écart des grands circuits touristiques marocains. Le voyageur qui fera l’effort de la découvrir sera largement récompensé tant elle est restée authentique et fourmille de trésors et tant la spiritualité du Maroc ancestral y est présente à chaque tournant des ruelles de sa célèbre médina.

Fès, sur les traces de deux écrivains français des deux siècles écoulés que l’entrée dans le troisième millénaire n’a pas effacées, tant sont vivaces les traditions dans cette ville moins prisée par le tourisme de masse que sa rivale Marrakech ou qu’Agadir, qui incitent d’avantage au farniente balnéaire.

Pierre Loti et la grande Colette ont chanté les louanges de cette perle de la couronne des villes impériales. Le premier y avait été mandé en 1889 par Jules Patenôtre, nouveau ministre de France à Tanger, pour rehausser l’éclat de la délégation l’accompagnant à Fès, où il devait présenter ses lettres de créances au sultan Moulay-Hassan. « Infiniment vieille et infiniment sainte » lui apparut la cité fondée en 789 de notre ère par Idriss Ier, dont il fait une description pittoresque et précieuse dans « Au Maroc », bien plus qu’un simple journal de voyage. La seconde y séjourna à l’invitation du Glaoui, pacha de Marrakech, qui lui laissa la jouissance, entre autres résidences marocaines, de son somptueux palais fezzan. Elle y retourna en 1938, « non point pour connaître mieux Fès - connaît-on jamais Fès ? », mais pour suivre pour « Paris-Soir » le procès d’Oum-el-Hassen, tenancière d’une maison de prostitution et très liée aux militaires français du Protectorat, accusée de diverses morts et disparitions de ses pensionnaires.

Un dédale de 9 000 rues
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Un dédale de 9 000 ruelles(Photo P.Hamon)

Tous deux décrivent une ville impénétrable, infiniment mystérieuse et spirituelle, et toute une vie grouillante dans la vieille ville, aujourd’hui plus salubre mais au parfum moyenâgeux toujours aussi vivace. Fès el-Bali, la plus grande des médinas du monde islamique, située dans une cuvette qui lui donne une géographie si singulière, est un dédale de quelque 9 000 rues couvertes, obscures, qui serpentent, s’enchevêtrent en tous sens entre de grandes murailles noires. S’aventurer dans les ruelles au tracé inextricable est une plongée dans le temps et, si les mosquées restent inaccessibles, il y a énormément à découvrir : les échoppes des bazars, parfois à peine plus grandes qu’une niche, organisées par spécialités ; les riads, ces maisons à jardins intérieurs, qui, au printemps, exhalent leur suave odeur de fleur d’oranger, parfois transformées en hôtels de charme ; et les medersas, écoles ancêtres de nos internats qui, grâce à des initiatives et à des fonds souvent privés, recouvrent une à une leur lustre d’antan.
Dans les souks, il est possible de voir travailler les tisserands, les brocardiers, espèce en voie de disparition qui tissent les fils d’or au sein de riches étoffes destinées aux habits d’apparat, les potiers au tour de main expert et infaillible, tous les métiers du bois et de la laine. Et les tanneurs : d’une terrasse, on peut les voir plonger, piétiner et pétrir les peaux de moutons selon des techniques séculaires, dans des cuves remplies de teintures de couleurs changeant avec la demande du marché jusqu’à les mener à l’état du célèbre maroquin, reliure de nos livres les plus précieux. Sans oublier cet apothicaire, propre à démoraliser le corps médical dans sa totalité, qui, sur une petite table, propose du henné au safran, du rassoul à la cardamome, la parade à toutes les maladies réputées incurables ! Inutile de préciser son adresse, n’importe quel guide vous y conduira et son don du commerce égalant au moins son génie curateur, on vous met au défi d’en ressortir les mains vides.
Si les ruelles ne sont plus parcourues par des cavaliers, le nerf du transport urbain reste les ânes, « qui espèrent toujours succomber sous leur charge et ne succombent point » (Colette, « Prisons et Paradis »). Chargés autant du transport de marchandises, bouteilles de gaz ou de Coca-Cola, que des ordures ménagères ou des gravats des travaux de construction, ils déboulent annoncés par l’imprécation Bâlek ! (Gare !). Rudoyés par leurs conducteurs, ils sont cependant protégés de la maltraitance par une législation locale.
Fès el-Jedid, la ville nouvelle, abrite le gigantesque palais royal et le Mellah, l’ancien quartier juif déserté par ses habitants fondateurs et siège d’un intense commerce, plus contemporain que celui de la médina. Il vaut aussi la visite pour son architecture arabo-andalouse, ses maisons à balcons en fer forgé qui le font ressembler à une petite Séville, ses synagogues et son cimetière. La ville moderne que l’on traverse sur le chemin de l’aéroport n’aura d’intérêt que pour qui recherche les souvenirs du Protectorat. En revanche, au nord des remparts, la zone des tombeaux des Mérénides offre une vue stupéfiante sur la médina, particulièrement au crépuscule.

Hospitalité

L’hospitalité marocaine est célèbre et la ville regorge d’hôtels au service impeccable et abrités par des maisons ou des palais. Manque encore le logement chez l’habitant, dont le succès va croissant en Europe ; il est à l’étude. Parmi les possibilités hôtelières, le Sofitel Palais Jamaï est ce que l’on peut rêver de mieux : le charme d’une ancienne demeure de vizir au XIXe siècle avec son jardin andalou, ses trois restaurants (le restaurant marocain est d’un raffinement difficile à égaler), son piano-bar repaire des noctambules de la ville, et la terrasse où l’agrément de la piscine et des tennis cède le pas à celui d’une vue qui embrasse la vieille ville, les plaines avoisinantes et les premiers contreforts de l’Atlas, probablement une des plus inoubliables au monde.
Pour qui préfère séjourner intra-muros, plusieurs riads offrent l’authenticité de leur cadre et la saveur de leur cuisine, comme L’Arabesque, à deux pas du Dar Jamaï, le Palais Mnebhi et le Shéhérazade, un des cadres les plus enchanteurs pour un dîner romantique.
Des excursions sont possibles au départ de Fès. Meknès, autre ville impériale, le « Versailles marocain », n’est guère éloignée, tout comme les ruines latino-berbères de Volubilis, les thermes de Moulay Yacoub aux eaux sulfureuses, spécialisés dans le traitement de la peau et des rhumatismes.
Si le visiteur d’aujourd’hui ne doit plus subir « les trois jours de quarantaine et de purification imposés toujours aux étrangers qui ont eu la faveur d’entrer à Fès » qu’aurait dû subir Loti s’il ne les avait transgressés, il faut bien ce minimum pour entrer dans la magie et appréhender les sortilèges d’une ville qui ne laisse entr’apercevoir ses charmes qu’au voyageur peu pressé et enclin à se débarrasser en entrant de ses préjugés.

Olivier BRUNEL pour http://www.quotimed.com

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