Le Maroc au coeur de la problématique de l’attractivité économique

14 avril 2008 - 16h45 - Economie - Ecrit par : L.A

Il semble que le capital étranger demeure insuffisant pour soutenir la croissance et la diversification nécessaire de l’économie marocaine comme le confirme l’examen de la politique de l’investissement au Maroc élaboré par la CNUCED en 2007. D’où la nécessité de s’interroger sur les caractéristiques des facteurs d’attractivité de l’économie marocaine ainsi que sur les recommandations nécessaires pour attirer durablement l’investisseur étranger.

Nombreux sont les pays en développement dont l’attitude à l’égard des investisseurs étrangers a longtemps été marquée par une grande méfiance. À partir des années 90, une tendance nouvelle s’est annoncée en faveur des stratégies d’accueil des capitaux étrangers. Ce changement radical est au cœur de la problématique de l’attractivité. Il coïncide avec l’apparition d’une guerre acharnée entre les pays pour attirer le capital étranger. Comment séduire les firmes multinationales est devenue une question centrale dans les politiques économiques des pays en développement. Pourquoi ces pays s’efforcent-ils d’attirer les entreprises étrangères ? D’une manière générale, l’arrivée massive du capital étranger est considérée comme une solution efficace des pays ayant des difficultés macro-économiques telles qu’une large insuffisance de l’épargne intérieure, des taux de chômage élevés, une grande pauvreté et une incapacité d’acquisition des nouvelles technologies.

Dans le cas marocain, la contribution des Investissements Directs Etrangers (IDE) à l’investissement global s’est améliorée, passant d’une moyenne annuelle de 1,36% entre 1970 et 1990 à 12,39% entre 1991 et 2005. Quant à la part des IDE dans la richesse nationale, le Maroc a réalisé une progression importante entre 1990 et 2006. Le stock d’IDE accueillis par le Maroc rapporté au PIB s’élevait en 2006 à 52% contre seulement 9,7 % en 1990. De ce point de vue, si le Maroc dépasse largement l’Algérie (8,9% du PIB) et l’Egypte (36,4 % du PIB), il souffre encore d’un certain retard face à des pays comme la Tunisie (71% du PIB). En effet, il semble que le capital étranger demeure insuffisant pour soutenir la croissance et la diversification nécessaire de l’économie marocaine comme le confirme l’examen de la politique de l’investissement au Maroc élaboré par la CNUCED en 2007. D’où la nécessité de s’interroger sur les caractéristiques des facteurs d’attractivité de l’économie marocaine ainsi que sur les recommandations nécessaires pour attirer durablement l’investisseur étranger.

De nombreux facteurs influencent l’investisseur

L’attractivité est une question complexe. L’investisseur étranger peut être influencé par un ensemble de facteurs : le coût et la qualité de la main-d’œuvre ; la taille du marché et son degré d’ouverture, la qualité des infrastructures et des institutions ; la productivité du travail et le coût de transport ; la politique fiscale et de change et enfin une bonne définition ainsi que le respect des droits de propriété. Qu’en est-il du cas marocain ? Tout d’abord, il est bien établi que les IDE à destination du Maroc sont très dépendants des opérations de privatisation. Des études ont montré que les investisseurs étrangers attirés uniquement par la politique de privatisation et également par les mesures d’incitation fiscale et financière sont irréguliers, volatils et non durables. Ces caractéristiques bien qu’essentielles, ne sont pas suffisantes au décollage économique du Maroc. Dans ce sens, le Maroc devrait accroître le niveau d’IDE au-delà des simples privatisations d’entreprises publiques.

Quant aux autres facteurs d’attractivité, l’analyse de la structure industrielle du Maroc entre 1990 et 2004 montre que le faible coût du travail a un effet positif sur le potentiel d’attractivité du Maroc. En plus, la présence d’une main-d’œuvre – de plus en plus – qualifiée est également un facteur d’investissement, notamment dans les industries à haute intensité technologique comme l’aéronautique et l’électronique. Ce résultat nous permet de déduire que les politiques d’investissement dans le capital humain ont un impact positif et doivent être renforcées. Ces politiques auront un double effet dans la mesure où elles permettront d’attirer les IDE et également de maximiser leurs retombées positives.

Pour les entreprises étrangères exportatrices, la réduction des coûts de transport et l’ouverture de l’économie marocaine sont des atouts d’implantation considérables. À ces éléments s’ajoute le rôle joué par le taux de change. Dans ce cadre, un euro fort est un élément très favorable pour attirer les entreprises exportatrices européennes. Par ailleurs, les entreprises étrangères, telles Bel et Danone dans l’agroalimentaire ou encore Aventis dans la pharmacie, investiront d’autant plus pour le marché local que le pouvoir d’achat marocain augmentera. La densité industrielle qui se définit par l’existence de grands groupes multinationaux comme Philips, SHELL, CIOR, Renault semble également jouer un rôle majeur pour le renforcement de l’attractivité. En outre, les entrepreneurs sont également très sensibles à la qualité de l’infrastructure. Les coupures de courant et la cherté des coûts de l’énergie sont souvent citées comme des facteurs qui menacent le développement du tissu industriel et économique du Maroc. Au-delà de ces facteurs sectoriels, il convient de souligner l’importance des institutions dans l’amélioration du climat d’investissement. La mauvaise qualité des institutions, les difficultés d’accès au foncier et la complexité des procédures représentent un frein à l’IDE. Les études ont montré qu’une économie rentière corrompue, fermée et mal-gouvernée, est caractérisée par des coûts administratifs plus élevés, ce qui réduit inévitablement son attractivité.

La bureaucratie continue d’être un handicap majeur qui nuit négativement à l’attractivité du Maroc. L’Economiste (2008) indique que l’entreprise Promod menace de quitter le Maroc pour cause de non respect des délais de livraison. En outre, le rapport « Doing Business au Maroc », réalisé par la Banque Mondiale en 2008 pour étudier les réglementations qui favorisent l’activité économique et celles qui la limitent, montre que l’octroi de licences ainsi que l’exécution des contrats au Maroc nécessitent respectivement 163 et 615 jours contre une durée de 93 et 565 en Tunisie. Le Maroc devrait être en mesure de réduire le nombre de jours nécessaires pour le déroulement des affaires. Le même rapport indique qu’Agadir est la région qui enregistre la meilleure performance et qu’il y a un très fort besoin de réformes dans toutes les régions du pays. La multiplication des tribunaux de commerce ou des guichets uniques pour les immatriculations d’entreprise ou les permis de construire améliorera le classement mondial du Maroc. Des efforts restent ainsi à accomplir pour attirer durablement le capital étranger.

Source : Un Monde Libre - Khadija El Issaoui, docteur-chercheur au Centre d’Economie et de Finances Internationales, en France

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