Maroc : gendarme du détroit de Gibraltar

21 octobre 2003 - 14h42 - France - Ecrit par :

Les ministres de l’Intérieur du "Groupe des cinq" (G5) des pays les plus importants de l’Union européenne se sont réunis dimanche et lundi à La Baule en France pour débattre de l’immigration clandestine et du terrorisme. La réunion, qui a été consacrée à l’évaluation de l’évolution de la lutte contre ces deux problèmes, a permis aux participants de proposer de nouvelles stratégies pour assurer une meilleure sécularisation de la zone occidentale de la Méditerranée.

Nicolas Sarkozy (France), Angel Acebes (Espagne), David Blunkett (Grande-Bretagne), Giuseppe Pisanu (Italie) et Otto Schily (Allemagne) se retrouvaient ainsi pour la seconde fois, après leur réunion de Jerez de la Frontera (Espagne), le 18 mai et devront se réunir à nouveau au mois de février prochain en Allemagne. Trois réunions en l’espace de huit mois sans prendre en compte les réunions qu’ils tiennent en marge d’autres rencontres. D’ailleurs, quatre de ces cinq pays, la France, l’Espagne, le Portugal, et l’Italie, en plus de Malte, se réuniront demain et après-demain au Maroc avec leurs voisins du sud à savoir l’Algérie, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie en plus du pays hôte, dans le cadre du forum "dialogue 5+5". Les travaux de cette rencontre porteront aussi sur les flux migratoires dont l’immigration illégale. Ce qui atteste de l’importance que les pays de la zone occidentale de la Méditerranée accordent à la lutte contre le terrorisme et l’immigration clandestine et l’urgence avec laquelle ils espèrent traiter ces deux dossiers. Au menu de la réunion de La Baule, les corrélations entre le terrorisme et l’immigration clandestine ont figuré au premier plan ainsi que les derniers développements dans la zone dont les attentats perpétrés à Casablanca le 16 mai dernier. "Les Cinq ont travaillé ensemble avec leurs chefs de police et de renseignement sur les suites de l’attentat de Casablanca" qui a fait 41 morts en mai, a déclaré le ministre français de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy lors d’une conférence de presse. À l’occasion de cette réunion, plusieurs propositions visant à réduire la menace terroriste et à freiner l’escalade de l’immigration clandestine ont été présentées par les participants. Ainsi, la France a fait "une proposition de synthèse sur les conditions minimales de ressources pour obtenir un visa de court séjour", sur la base d’un revenu minimum de subsistance, alors que l’Espagne a proposé un projet de directive pour obliger les transporteurs à communiquer les données relatives aux passagers qui seront fixées à six contre 39 que les Américains exigent de l’Europe. Toutefois, la proposition la plus importante et qui exprime une vision stratégique du problème dans sa globalité demeure celle de la France. L’idée présentée par Nicolas Sarkozy consiste en la création d’une "zone de sécurité sur la Méditerranée de l’Ouest, qui associerait six pays sous forme de 3 + 3". Le ministre français souhaite ainsi voir collaborer ensemble pour construire cette zone, l’Espagne, la France et l’Italie, et les trois pays du Maghreb le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. Cette nouvelle approche serait le meilleur moyen d’affronter ces deux nouvelles menaces à la sécurité de la région méditerranéenne. Car, au vu des derniers développements, les deux problèmes de l’immigration clandestine et ceux du terrorisme sont étroitement liés et sont de ce fait un problème qui concerne tous les pays riverains de la Méditerranée et la lutte contre eux ne peut être effective sans une véritable collaboration nord-sud. Toutefois, les pays du nord sont appelés à concerter les aspects de cette collaboration avec ceux du sud et ne pas se contenter de dicter des recommandations à leurs voisins maghrébins. Aussi, l’approche ne doit pas être exclusivement sécuritaire puisque le problème va au-delà de cet aspect puisque le terrorisme, l’immigration clandestine et le trafic de drogue sont des phénomènes criminels qui se développent grâce à l’existence d’un environnement socio-économique marqué par la pauvreté et la marginalisation. Une politique de co-développement serait le meilleur moyen de contrecarrer le développement des circuits de l’immigration clandestine, le trafic de dogue et l’intégrisme qui est à l’origine du terrorisme. S’agissant des corrélations entre les trois, il a été prouvé lors de l’enquête menée au lendemain des attentats de Casablanca que plusieurs terroristes impliqués avaient prévu d’utiliser les circuits de l’immigration clandestine pour quitter le territoire national. Certains réussiront d’ailleurs. Aussi, doit-on rappeler que les membres de la cellule dormante d’Al Qaïda qui a été démantelée l’année dernière avaient préconisé d’utiliser les circuits maritimes des pateras pour s’attaquer aux navires de l’OTAN naviguant dans le détroit de Gibraltar. Côté sécurité, les pays du nord devraient soutenir financièrement et techniquement les pays du sud pour qu’ils puissent lutter contre l’immigration clandestine. Le cas du Maroc est très significatif dans ce cadre. Débordé par les Subsahariens qui affluent de toute l’Afrique occidentale en passant par l’Algérie et la Mauritanie, il lui est impossible de lutter individuellement et avec ses propres moyens contre ce phénomène. La longueur de ses frontières terrestres et maritimes rend impossible une vigilance parfaite. Et des contraintes techniques et financières l’empêchent de répondre favorablement à l’exigence espagnole d’accepter le rapatriement vers son territoire des Subsahariens arrêtés en Europe. Enfin, il est évident qu’une approche basée sur la coopération et la concertation demeure l’unique voie qui permettrait aux membres de l’UE et aux pays du Maghreb de faire face à une situation qui devient de plus en plus alarmante.

Source : Aujourd’hui le Maroc

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