La Méditerranée charrie toujours plus de cadavres sur la route de l’Europe

31 octobre 2007 - 01h31 - Monde - Ecrit par : L.A

Dans la nuit de dimanche, deux embarcations chargées d’immigrés ont fait naufrage sur les côtes italiennes, causant la mort d’au moins dix-sept clandestins. En Sicile, huit personnes sont portées disparues. A Roccella Jonica, en Calabre, un chalutier qui transportait cent vingt personnes s’est brisé à proximité de la rive, dans une mer force 8 ; il y aurait une trentaine de disparus.

L’immigration clandestine sur les côtes italiennes augmente-t-elle ?

Selon les sources du ministère de l’Intérieur italien, le nombre de clandestins débarqués s’est élevé à 14 968 du début de l’année jusqu’au 17 septembre. Sur la même période, ils étaient 16 093 en 2006. Cette légère diminution (- 7 %) cache néanmoins deux autres données préoccupantes. Le nombre de débarquements constatés est à l’inverse en forte augmentation. Il aurait même doublé entre 2005 et 2006. En clair, il y a plus de bateaux transportant chacun un nombre plus limité de passagers. Pour les experts, cela signifie que le trafic d’êtres humains a changé de nature. Autrefois, les passeurs embarquaient les immigrés sur de grands bateaux et les conduisaient jusqu’en Europe. Pour éviter d’être arrêtés par les garde-côtes et de voir leurs navires saisis, ils mettent désormais les clandestins sur des petites embarcations de fortune (70 % font moins de 8 mètres de longueur). Les trafiquants n’effectuent plus la traversée, se contentant de confier le timon à l’un des migrants auxquels ils fournissent quelques rudiments de navigation. Ces conditions extrêmement précaires expliquent l’augmentation des naufrages. De fait, les victimes sur les côtes européennes sont de plus en plus nombreuses : près de 1 100 depuis le début de l’année. Au moins 11 000 personnes sont mortes depuis le milieu des années 90.

L’origine des immigrants et les routes vers l’Italie ont-elles changé ?

Recueilli à Roccella Jonica, un jeune garçon a assuré dimanche aux garde-côtes italiens qu’il était âgé de 14 ans et provenait de Ramallah, en Cisjordanie. Les autorités calabraises ont immédiatement entrepris des vérifications. Depuis l’accord de réadmission entre Rome et Le Caire, nombre d’Egyptiens déclinent une identité palestinienne pour obtenir le statut de réfugié politique et affirment être mineurs. Mario Morcone, directeur du département immigration du ministère de l’Intérieur précise néanmoins que, de manière générale, « l’arrivée de femmes et d’enfants ainsi que de demandeurs d’asile constitue l’élément nouveau ». Outre les Egyptiens, nombre de Kurdes, d’Afghans, de Pakistanais, de Palestiniens et de Sri-Lankais tentent, à partir de la Turquie et de l’Egypte, de rejoindre les rives calabraises en contournant la Grèce, qui a érigé un « mur » sur ses côtes. Des milliers de clandestins, marocains pour la plupart, tentent également la traversée depuis la Libye ou la frontière tunisienne en direction de la Sicile – mais aussi depuis peu vers la Sardaigne, dans le but d’échapper aux garde-côtes italiens.

L’Italie envisage-t-elle de modifier sa politique d’immigration ?

Arrivée au pouvoir au printemps 2006, la majorité de centre gauche de Romano Prodi a promis d’abroger la très restrictive loi sur l’immigration adoptée par le gouvernement de Silvio Berlusconi. Au mois d’avril, le Conseil des ministres a approuvé un nouveau texte facilitant l’accueil des immigrés, même en l’absence d’un permis de travail et de « sponsors » qui se portent garants des étrangers. Reste que le texte n’a pas encore été approuvé par le Parlement. Dimanche, le ministre communiste de la Solidarité sociale, Paolo Ferrero, a dénoncé la loi encore en vigueur qui « ne fait qu’alimenter la clandestinité ». Fin août, le ministre de l’Intérieur, Giuliano Amato, avait de son côté indiqué : « La Méditerranée est toujours plus une mer de cadavres. Nous finirons par assumer de graves responsabilités si nous n’adoptons pas toutes les initiatives nécessaires pour trouver des formes plus efficaces de contrôle et de surveillance des lieux de départ. »

Libération - Eric Jozsef

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