Noor : ainsi soit-elle

24 mars 2005 - 14h58 - Culture - Ecrit par :

Coqueluche de la « jet-set » casablancaise, cette splendide danseuse du ventre est bel et bien un homme. Qui assume pleinement son statut particulier.

Décembre 2004, le producteur de musique Eddie Barclay donne une soirée au Palais Gharnata à Marrakech : le public, fasciné, ne quitte pas des yeux la danseuse orientale à la longue chevelure de jais qui ondule avec une grâce des plus sensuelles. Grande, mince, majestueuse dans sa tenue chatoyante, elle fait virevolter ses voiles... C’est pourtant bel et bien un homme qui exécute cette chorégraphie tout en finesse et en harmonie. Plus féminin qu’une femme.

Noor, enregistré à l’état civil en tant qu’individu de sexe masculin, a progressivement réussi à imposer l’utilisation exclusive du genre féminin lorsqu’on s’adresse à lui ou qu’on parle de lui. Ainsi soit-elle... « Elle » est la coqueluche de la jet-set casablancaise, qui l’invite désormais à toutes ses soirées, spectacles et autres galas de bienfaisance.

Née en 1970 à Agadir, au sein d’une famille modeste, Noor « monte » à Paris à l’âge de 29 ans où elle tâte pendant deux ans du mannequinat et du stylisme chez Pierre Cardin avant de retourner au pays. Là, elle se découvre une vocation de « danseuse » du ventre. Cela surprend d’abord, détonne ensuite, séduit enfin. « C’est spécial et novateur. J’ai beaucoup travaillé pour donner une dimension haut de gamme à mes exhibitions », déclare la Shéhérazade marocaine. Ses chorégraphies créatives l’ont amenée à se produire avec sa troupe sur les scènes européennes et arabes (spectacle à Dubaï, Gala du jasmin à Paris) et lui ont valu d’être nommée ambassadrice de la danse orientale au Caire.

Au fil des ans, Noor est devenue une figure majeure de la scène artistique : en 2001, elle fait une apparition dans le film du réalisateur Nabyl Ayouch, Une minute de soleil en moins, tandis qu’un reportage lui est consacré par la chaîne Arte. Sa présence a été remarquée lors de l’édition 2004 du Festival international du film de Marrakech. Plus récemment, on a pu la voir dans Marrakech dernière, une émission diffusée le 4 février 2005 sur la chaîne câblée Paris première.

Son pseudonyme, Noor - contraction de Noureddine -, n’est pas anodin : il est unisexe et signifie « lumière » en arabe. La danseuse aime à brouiller les pistes et cultive volontiers l’ambiguïté. Et elle y réussit parfaitement : on ne sait comment le (ou la ?) désigner, tant il (ou elle ?) est difficile à situer. Homme ou femme, mi-homme, mi-femme ? « Ni homme ni femme, MOI tout simplement ! Un artiste avant tout », élude Noor, rendant la question aussi insoluble que celle du sexe des anges. Les propos de cette grande narcissique - qui vit entourée de ses propres photos sur lesquelles elle arbore les tenues orientales les plus improbables - ne sont jamais limpides.

Ce qui est clair, en revanche, c’est que Noor assume pleinement son statut particulier. Bien plus, elle revendique sa différence : « Je ne veux ressembler à personne », affirme-t-elle. Bien intégrée dans la société marocaine, du moins dans la frange occidentalisée du microcosme de la bourgeoisie casablancaise, elle est donc tout sauf une « exclue ». Lors de chacune de ses apparitions, ses costumes, son maquillage et sa coiffure suscitent des commentaires admiratifs. Noor est particulièrement fière de l’une de ses chorégraphies sur le thème de la savane africaine, dans laquelle elle interprète une déesse, au rythme des percussions d’un groupe sénégalais.

Grâce à sa maîtrise de l’art du travestissement, elle peut cultiver son personnage caméléon. Son androgynie lui permet de glisser avec aisance de son identité diurne, « neutre », à une facette nocturne outrancièrement féminine. « Je suis une multitude de Noor, le changement est vital chez moi. »

Polymorphe et atypique, elle ne se considère pas comme une icône. Lucide, Noor ne prétend pas diffuser un message autre qu’artistique : elle enseigne la danse orientale et vit de son art. Mais quel drôle d’oiseau, aux yeux des Marocains curieux et amusés, non sans, parfois, quelque condescendance...

Yasmina Lahlou - lintelligent.com

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