Paiement par carte : La mayonnaise prend

19 octobre 2007 - 17h14 - Economie - Ecrit par : L.A

Ce n’est pas un hasard si Bank al-Maghrib réserve une quarantaine de pages au paiement électronique dans son tout nouveau rapport sur les moyens de paiement. Le Maroc est le premier pays africain, hormis l’Afrique du Sud, en termes d’indicateurs monétiques. Un chiffre, 3 millions. C’est le nombre de cartes de paiement en circulation, fin juin 2007. À elles seules, Attijariwafa bank, BCP et BMCE Bank en ont émis plus de la moitié (56%). L’ensemble du parc croît d’environ 30% chaque année, selon les données du Centre monétique interbancaire (CMI). « Une évolution remarquable mais qu’il faut relativiser », prévient Daniel Paltrinieri, directeur régional pour Visa International. Il explique : « les pays de l’Est, qui étaient au point mort il y a quelques années, ont atteint en 4 fois moins de temps le niveau actuel du Maroc ».

Avec une population de porteurs de cartes représentant 60% des bancarisés, on est bien loin d’un pays comme la Croatie. Pour 3 millions d’habitants, on y dénombre 4 millions et demi de cartes. C’est dire que notre pays a du chemin à faire… Même la fréquence d’usage des cartes reste insuffisante. Pour les six premiers mois de l’année, les porteurs marocains ont effectué en moyenne moins d’une opération par carte (pour 1,5 milliard de DH). Leurs homologues français en effectuent 107 annuellement !

En fait, pour tout pays, le développement de la monétique se fait par phases. Dans un premier temps, les commerçants se montrent réticents à recourir au paiement électronique. Ils sont, notamment, rebutés par les commissions qu’ils ont à supporter. Par la suite, lorsque le nombre de porteurs réclamant de payer par carte croît, le commerçant ne peut que suivre. « C’est un déclic qui se fait à un moment donné et qui débloque la situation », résume Paltrinieri.

Au Maroc, pourtant, les commerçants n’auront pas fait de la résistance. Exemple du quartier de Derb Omar à Casablanca. Les terminaux de paiement électronique (TPE) y ont fait leur entrée à la fin des années 1990, entre autres modernisations. Mais les vendeurs ont vite déchanté. « Les incidents de paiement étaient courants et ne pouvaient êtres constatés qu’à la fin du mois », explique ce vendeur. Sans compter les vols de carte. « Je devais me rendre chaque matin à la banque pour récupérer la liste des cartes volées », explique cet autre gérant d’une chaîne de magasins. Les mauvaises expériences devenant de plus en plus fréquentes, nombre de commerçants ont choisi de restituer leurs TPE, à partir de 2000. BCP, BMCE et Wafabank disposaient chacune d’un centre monétique à l’époque.

Elles se concurrençaient au niveau des commissions, et il n’était pas rare que les commerçants se retrouvent avec 2 ou 3 TPE sur leur comptoir. « Le véritable tournant de l’activité a eu lieu en 2002, après la décision des banques de créer le Centre monétique interbancaire (CMI) et de lui confier la gestion du paiement par carte », explique Rachida Benabdallah, directrice générale du Centre. « Il est vrai qu’unifier les réseaux simplifie la gestion », note Paltrinieri.

Parallèlement, le CMI a initié une campagne de séduction auprès des commerçants. Cette opération intéresse tour à tour différents secteurs. « Au 2e trimestre 2007, le CMI avait ciblé les secteurs de la santé et des stations-service en recourant aux campagnes presse, au marketing direct et aux visites terrain », explique Benabdallah. La mayonnaise a en tout cas pris pour certains d’entre eux. Parallèlement aux vendeurs pas encore convaincus ou restés sur une note négative, d’autres sont acquis au paiement électronique. Et ils seraient actuellement, selon le CMI, près de 15.000 (en croissance annuelle de 20%) à offrir la possibilité à leur clientèle de payer par carte. À l’image de nombre de commerces du quartier Maârif, à Casablanca.

Certes, le cash y est toujours préféré à tout autre moyen de paiement. Mais les vendeurs admettent de plus en plus le paiement par carte, étant incités par la clientèle. Plus d’un acheteur sur trois demande à payer par carte, est-il constaté dans le quartier. « Les clients paient le plus par carte durant le week-end où ils ont pour réflexe de toujours vouloir garder du liquide sur eux », explique un gérant de franchise. Il faut dire que même l’appartenance sociale influence le rapport au paiement électronique. « Payer par carte est beaucoup plus dans les mœurs des classes aisées », relève Paltrinieri.

Ce qui n’est pas pour plaire aux opérateurs de la filière. Ceux-ci œuvrent à une banalisation du paiement par carte. Un objectif qui reste largement tributaire de l’élargissement de la population bancarisée, estimée à l’heure actuelle à 25% (32% en incluant Poste Maroc).

Des retombées sur le PNB…

Une étude de Global Insight, traitant de l’impact du paiement électronique sur la croissance économique, a établi que le produit national brut gagne 1 point chaque fois que le paiement par carte remplace à hauteur de 10% les transactions au comptant. De même, le recours à ce mode de paiement permet d’économiser sur les charges de fabrication, de transport et de destruction de la monnaie fiduciaire. Sans compter que le paiement électronique limite le développement de l’économie informelle. L’exemple de la Corée du Sud, dont l’économie informelle a diminué de 4% sous le seul effet de l’usage des cartes de paiement, est souvent mis en avant.

Des pistes de développement

Visa International a mené une étude sur les dépenses des Marocains en 2005, tous moyens de paiement confondus. L’objectif était de déterminer des secteurs de développement prioritaires pour le paiement électronique. Il en ressort que les Marocains ont déboursé le plus en impôts avec 2,5 milliards de dollars US (19,8 milliards de DH). Les dépenses au titre des consultations médicales arrivent en seconde position avec près de 1,8 milliard (14,3 milliards de DH). L’équipement ménager et l’habillement absorbent des niveaux de revenu similaires, avec près de 1,4 milliard (11,1 milliards de DH). Plus de 1 milliard $ (9,6 milliards de DH) est dépensé dans les restaurants. Le carburant pèse quant à lui pour plus de 0,5 milliard (près de 4 milliards de DH) dans les budgets marocains.

L’Economiste - Réda Harmak

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