Près de six millions de pauvres au Maroc

6 août 2002 - 14h40 - Maroc - Ecrit par :

La deuxième enquête sur la politique de population, dont nous publions une première lecture
en exclusivité, consacre le recul de la tranche des moins de 15 ans de 0,7 % en 2001, par rapport à 2000. La population totale passe de 28,7 millions à 29,17 millions d’habitants. La pauvreté, elle, continue de creuser l’écart entre la ville et la campagne, plus affectée par le fléau.

La population marocaine est passée de 28,7 millions en 2000 à 29,17 millions d’habitants en 2001. En trente ans, elle s’est accrue de quelque quinze millions de personnes. La Vie économique, qui avait donné en exclusivité les chiffres du premier rapport sur la politique de population (livraison du 9 au 15 novembre 2001), relevait que la population marocaine, en même temps qu’elle s’était urbanisée, avait également pris un coup de vieux. Cette tendance se confirme à travers la deuxième enquête du genre que vient de réaliser le ministère de la Prévision économique et du Plan. Les moins de 15 ans passent de 32,3 % de la population totale en 2000 à 31,6% en 2001 (dont 27,6 % d’urbains et 36,5 % de ruraux), alors qu’en 1971 cette même catégorie représentait pratiquement 46 % de l’ensemble.
Si la tranche des moins de 15 ans continue de rétrécir, celle des préscolaires lui emboîte le pas, du fait de la baisse de la fécondité (3 enfants en moyenne pour une femme, contre 6 à la fin des années 70).
Les chiffres du deuxième rapport national sur la population de 2001 font ressortir que les enfants de 7 à 12 ans sont passés de 3 895 000 en 1994 à 3 764 000 durant l’année 2001. Par contre, les 16-18 ans ont connu une progression en milieu urbain et rural, quand les 7-12 ans n’ont connu une augmentation de volume qu’en milieu urbain.
Le document note aussi que la population active est passée d’un peu moins de 6 millions de personnes en 1960, à 14 490 000 en 1994, pour se stabiliser à 17 801 000 en 2001 (contre 17 345 000 en 2000). A l’intérieur de cette même population, il est relevé que les actifs sont concentrés dans les zones urbaines (1,5 fois plus qu’en milieu rural), alors qu’en 1960, la campagne abritait 2,2 fois plus de personnes en âge de travailler.
Par ailleurs, la structure d’âge de la population s’est caractérisée par une augmentation sensible des personnes âgées de 60 ans et plus qui passent de 1 835 000 personnes en 1994 à 2 152 000 personnes en 2001 (soit 7,4% de la population totale contre 7,3 % en 2000).

La tranche des moins de 15 ans se rétrécit
A ce même propos, les projections du ministère de la Prévision économique et du Plan concluent que, dans les vingt années à venir, la proportion des 60 ans et plus dans la population totale du Maroc sera la même que dans les pays européens ou d’Amérique du Nord.
Le nombre de familles a, quant à lui, enregistré une légère baisse en se stabilisant à 5 352 000 millions (3 423 000 en milieu urbain et 1 929 000 en milieu rural), avec une moyenne nationale de la taille de la famille de 5,5 personnes en 2001. Un chiffre comparable à celui de 1971.
Le rapport estime que la diminution de la fécondité n’a pas eu d’impact significatif sur la taille de la famille puisque son effet a été contrebalancé par l’augmentation de l’espérance de vie et le retard de l’âge du premier mariage (17 ans en 1960, 28 ans en 2000). De plus, la famille se dirige vers la cohabitation à cause de la difficulté d’accès au logement, conséquence de la crise économique et son corollaire, le chômage. D’un autre côté, l’augmentation de la population urbaine a connu une progression plus importante que la population rurale, se situant à 55,9 % de la population totale, soit 16 307 000 millions d’habitants en 2001. Les raisons de ce phénomène tiennent, bien sûr, à l’exode rural mais aussi au taux de progression naturelle de la population habitant la ville et de l’élargissement du périmètre urbain.
Le rapport sur la politique de la population évalue, cependant, à 0,3 % (entre 1994 et 2001) le taux d’augmentation de la population rurale, estimée à 12 863 000 de personnes.
A partir de là, la deuxième enquête sur la politique de la population laisse de côté les chiffres pour constater les effets du plan d’ajustement structurel, engagé par le pays durant les années 1980 et qui a aggravé les inégalités sociales entre milieux urbain et rural. Le document du ministère de la Prévision économique et du Plan décline, entre autres, une quantification, une identification et une localisation géographique de la pauvreté au Maroc.
Pour les pays en développement, la difficulté est double puisqu’il ne s’agit pas d’approcher la pauvreté en tant que phénomène marginal tel qu’il peut être observé dans un pays développé, mais bien de définir la pauvreté dans un pays déjà pauvre. Pour cela, le Maroc utilise le concept de pauvreté monétaire absolue et celui de pauvreté alimentaire, c’est-à-dire les dépenses qui permettent de couvrir l’achat des produits et services qui assurent le minimum des protéines et des calories dont a besoin le corps humain et tels que les définissent l’OMS et la FAO.
A partir d’une dépense annuelle inférieure à 3 922 DH pour la ville et 3 037 DH pour la campagne - seuils maxima par personne, la famille moyenne se composant de 6 personnes - la pauvreté touche 12 % des familles urbaines et 27,2 % des familles rurales. Partant du constat que la pauvreté dans le pays est à prédominance rurale, les enquêteurs ont élaboré une carte de la pauvreté. Les critères ont été fixés sur la base de la question générique posée aux populations : quels sont les équipements collectifs de nature à répondre à vos besoins ? Chaque chef de famille pauvre ou à revenu réduit devait formuler dix besoins au plus. L’analyse des réponses des deux catégories questionnées a permis de dégager les besoins suivants : la construction de routes, l’électrification, les dispensaires et les centres de santé, l’approvisionnement en eau potable et l’édification d’établissements scolaires.
A partir de là, six critères ont été établis pour toutes les régions :
• le nombre de médecins du secteur public par 100 000 habitants,
• le nombre de centres de soins de santé pour le même nombre d’habitants,
• le pourcentage des bénéficiaires de raccordements au réseau électrique,
• les bénéficiaires du réseau d’eau potable,
• la proportion d’alphabétisation des habitants de 10 ans et plus,
• le pourcentage de scolarisation dans tous les cycles (pour la tranche d’âge 6-22 ans).
En suivant cette méthodologie, les rédacteurs du document ont établi une carte (voir illustration) de quatre groupes de régions : celles où le degré de réponse aux besoins exprimés est le plus fort, les régions où cette couverture est plus que moyenne, les parties du pays où les équipements demandés sont en dessous de la moyenne et, enfin, les régions les plus défavorisées pour ce qui est des infrastructures de base demandées.

Pauvreté urbaine plus prononcée à fès et à Taza
Cependant, la carte ainsi établie fait l’objet de quelques observations de la part de ceux-là mêmes qui l’ont élaborée. En effet, il faut, d’une part, se garder de la considérer comme un reflet du développement des régions puisqu’elle ne prend en compte que les équipements de base, tels que les ont exprimés les habitants. D’autre part, les critères pris en compte n’englobent nullement la qualité des services et des prestations qui y sont prodigués.
La lecture des éléments de l’enquête du département de la Prévision économique et du Plan permet de mettre le doigt sur la disparité dans la répartition régionale du phénomène de la pauvreté. Ainsi, dans les régions du Sud où la proportion des populations de la campagne affectées atteint 23,2 %, le milieu urbain n’y est touché qu’à hauteur de 0,6 %. Cela se retrouve de manière encore plus criarde dans des régions comme Tadla-Azilal, Marrakech-Tensift-Haouz et le Sud où la pauvreté touche le milieu urbain dans des proportions qui sont respectivement de 89,4 %, 83 % et 79,3 %.
La pauvreté urbaine, quant à elle, est plus prononcée à Fès-Boulemane, Taza-Al Hoceima-Taounat (24,1%), Meknès-Tafilalt (22,8 %), au moment où des régions comme Tadla-Azilal ou Casablanca n’en souffrent que dans les proportions respectives de 4,2 % et 5,4 %.

Source : la vie économique

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Sujets associés : Pauvreté - Enquête

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