Sombre affaire pour la Suisse que celle qui se trame en ce moment à Marrakech, au Maroc. Selon nos informations, un Fribourgeois, établi dans cette ville depuis plusieurs années, a été arrêté cette semaine par la police. L’homme est suspecté d’exploitation sexuelle d’enfants à des fins commerciales. La justice marocaine, qui l’a déjà auditionné une première fois, poursuit son enquête. Pour l’instant, la présomption d’innocence reste donc entière.
Aniko Boehler, de l’association « Touche pas à mes enfants », suit le cas de près. Cette femme, dont Le Temps a dressé le portrait à l’occasion de sa série « Les Suisses dans le monde », a décidé de vouer sa vie à la lutte contre la pédophilie. Au Maroc, comme ailleurs, la tâche est immense. « Il s’agit de faire appliquer au quotidien la Convention des droits de l’enfant, ratifiée par le Maroc en 1993, apporter soutien moral et logistique aux victimes, se constituer partie civile dans les grands procès qui agitent le pays depuis 2004 et surtout, mobiliser la société face aux malheurs endurés par les mineurs et face à l’émergence d’un tourisme sexuel dévastateur », indique-t-elle.
Pour la première fois depuis qu’elle est à Marrakech, la Suissesse pourrait bientôt être confrontée à un compatriote. La partie s’annonce serrée. L’homme, 46 ans, s’est entouré d’une armée d’avocats. Issu d’une famille de notables fribourgeois, marié à deux reprises, il semble avoir de drôles de pratiques.
Lundi, la police marocaine l’a arrêté. Auditionné, il a ensuite comparu devant le procureur du roi. Ce dernier a décidé de renvoyer le dossier à la police judiciaire pour complément d’enquête. Jean-Paul* a donc été remis en liberté conditionnelle. Son passeport lui a toutefois été retiré, et il lui est l’interdit de quitter le territoire marocain.
Drogue et marché du sexe
Les chefs d’accusation pourraient être très graves. Le Fribourgeois aurait avoué avoir eu des relations sexuelles avec des mineurs lors de son interrogatoire par la police judiciaire. Il serait aussi question de cocaïne, drogue et autres médicaments qu’il aurait administrés aux enfants. Pis, il aurait accueilli en ses murs d’autres touristes sexuels, mettant de ce fait en place un sordide marché du sexe avec des mineurs.
« Si des mineurs sont effectivement impliqués dans cette affaire, l’association « Touche pas à mes enfants », présidée par Najia Adib, se portera partie civile », relève Aniko Boehler.
Jean-Paul était apparemment dans le collimateur de la police marocaine depuis dix-huit mois. A Marrakech, celle-ci s’appuie sur un réseau d’informateurs qui sont actifs notamment dans le quartier historique de la Médina. Mais leur lutte est difficile. Souvent, les pédophiles peuvent se sortir d’affaire, ou sont condamnés à des peines légères, grâce à la corruption.
Karolina Frischkopf, responsable du Service spécialisé de l’ECPAT Switzerland, l’Association suisse pour la protection de l’enfant, témoigne : « Il est rare que l’on parvienne à condamner quelqu’un pour exploitation sexuelle d’enfants dans un pays d’Afrique. Les accusés peuvent souvent s’en sortir grâce à leur argent. »
A ce stade de l’enquête, ni le Département fédéral des affaires étrangères, ni l’Office fédéral de la police (Fedpol) « ne disposent d’information officielle au sujet de l’arrestation du Fribourgeois de Marrakech », selon Guido Balmer, porte-parole de Fedpol. Lequel précise toutefois que le bureau central d’Interpol en Suisse est en train de collecter des renseignements à ce propos. Affaire à suivre, donc.
Source : Le Temps - François Mauron
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