Textile, le vrai danger viendra de l’Egypte et de la Tunisie et non de la Chine

27 février 2008 - 00h05 - Economie - Ecrit par : L.A

En 2005, en raison du démantèlement des quotas sur les produits chinois, le secteur textile avait plongé dans une grave crise qui avait particulièrement affecté les confectionneurs. Le retour temporaire des quotas décidé par l’Union européenne et les USA a permis, durant les deux années 2006-2007, à cette industrie de se rétablir. La reprise a effectivement été au rendez-vous : 30 milliards de DH d’exportations en 2006 puis 31,3 milliards en 2007. Aujourd’hui, tout semble aller pour le mieux dans cette industrie qui représente le tiers des exportations marocaines. Mais la levée des quotas, dès janvier 2008, ne risque-t-elle pas de changer la donne ?

Interrogés, les industriels du secteur ont été nombreux à afficher leur optimisme quant aux perspectives de 2008, qui semble du moins avoir bien démarré. Et l’activité durant les trois derniers mois de l’année 2007, selon cette même source, confirme cela puisque les entreprises exportatrices ont fait le plein de commandes et ont du travail jusqu’à la fin du mois de mars. Celles-ci ont été nombreuses à ramener les périodes de congé de l’Aïd El Kébir, qui s’étalent habituellement sur dix à quinze jours, à deux jours de repos seulement. Importance des commandes et délais de livraison obligent !

L’effet Chine sera atténué

Une chose est sûre : la levée des quotas n’aura pas les mêmes effets qu’en 2005 étant donné que le Maroc n’est plus dans la logique d’il y a deux ans. C’est ce que disent en substance plusieurs exportateurs. Ils estiment que « le Maroc a changé de positionnement et qu’il n’est plus sur les mêmes créneaux que les pays du Sud-Est asiatique. L’industrie marocaine a délaissé les produits de masse pour se positionner sur le haut de gamme et le produit à forte valeur ajoutée ».

Ce qui fait dire à Mohamed Tazi, directeur général de l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (Amith), que « le Maroc est devenu une zone de sourcing crédible et compétitive pour les grands donneurs d’ordre étrangers ».

Les textiliens sont en effet nombreux à souligner que le Maroc a opéré un tournant stratégique, durant les deux dernières années, puisque « son portefeuille clients a changé dans la mesure où il y a eu une extension des débouchés et un recentrage sur la mode rapide et le réassort ». Ce qui permettra au Maroc de « profiter de la nouvelle distribution qui a réparti la demande des donneurs d’ordre comme suit : les grandes commandes à long terme se font dans les pays asiatiques et les commandes d’actualisation et de mode vont vers des pays comme le Maroc. Il y aura certainement un glissement des volumes vers la Chine en 2008, mais il sera atténué par cette répartition. Il n’y aura pas de violente baisse comme en 2005 », pronostique Karim Tazi, directeur général de Marwa.

Un autre facteur pourrait, selon Karim Tazi, sauver le Maroc en 2008 : la restriction de la concurrence sur le marché européen suite à l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie et la baisse de la production textile dans plusieurs pays de l’Est et sa délocalisation dans plusieurs sites de production, notamment marocains. Mais, poursuit le patron de Marwa, « le Maroc devrait tenir compte du fait que le gâteau européen se réduit de plus en plus en raison de la montée de pays comme la Tunisie, la Turquie ou l’Egypte, de plus en plus réactifs ». L’analyse de Karim Tazi est partagée à l’Amith où l’on explique que « l’Egypte est devenue une grande terre de délocalisation pour plusieurs groupes étrangers en raison du niveau des prix de l’énergie et de la main-d’œuvre, 4 fois moins cher que chez nous, d’une part, et, d’autre part, en raison de la disponibilité des intrants ».

Pour un industriel exportateur, l’Egypte n’est pas la seule menace pour le Maroc, il y a également « la Turquie qui pourrait constituer en 2008 une gêne car elle dispose d’un secteur textile très intégré et déjà passé au produit fini ». Pour contrer la montée en puissance de ce pays, l’Amith pense que la seule voie est « d’aller vers les entreprises turques qui souhaitent se délocaliser car cela nous permettra de développer notre filière amont et d’assurer une disponibilité des matières premières ». Ces délocalisations, si elles se font, aideront, dit-on dans le secteur, l’industrie du textile et de l’habillement à basculer vers la co-traitance et enfin vers le produit.

La réactivité dépend de la disponibilité des intrants

Toujours dans ce souci de développer l’amont, Karim Tazi estime que « le Maroc doit récupérer les dernières délocalisations des groupes européens. Cette occasion ne devrait pas être ratée car la Tunisie, très dynamique, est aussi dans la course ».

Les délocalisations sont donc un facteur primordial pour la compétitivité du Maroc. Elles permettront une disponibilité des intrants et donc une réactivité certaine pour faire face aux concurrents intégrés. Toutefois, il y a des mesures à mettre en place, estime Karim Tazi. Le Maroc se doit notamment de « trouver des solutions innovantes et mettre en place les mesures nécessaires notamment logistiques. A titre d’exemple, l’ouverture d’une ligne cargo Casablanca-Istanbul serait une bonne initiative car elle permettrait un approvisionnement régulier à un coût compétitif ». Cette même source pense qu’en 2008 le Maroc doit impérativement jouer la carte de la réactivité qui n’est pas, selon ses propos, « une simple question de proximité géographique mais aussi et surtout une question de disponibilité des intrants ». Aujourd’hui, la filière de la maille s’approvisionne en Turquie. Ce qui nécessite un long cycle de réalisation, de 6 à 7 semaines, alors que la moyenne sur le marché mondial est aujourd’hui de 4 semaines.

Les industriels sont conscients des limites de l’industrie textile nationale et ont une visibilité certaine sur l’avenir à moyen et long termes. Selon eux, le secteur a encore de beaux jours devant lui. Preuve en est les performances de l’année 2007.

Les statistiques à la fin de décembre 2007 laissent apparaître une hausse de 4% par rapport à 2006. Elles révèlent aussi que les exportations textiles de 2007 se sont établies à 31,3 milliard de DH, dépassant le chiffre d’affaires record de 30 milliards de DH réalisé en 2006. Cependant, la hausse n’a pas concerné de façon similaire tous les marchés d’exportation. Sur la Grande-Bretagne, troisième débouché pour la filière trame en 2006, les exportations textiles marocaines ont enregistré une baisse puisqu’elles sont passées de 5,2 à 4,5 milliards de DH en 2007. Constituant l’essentiel des exportations sur ce marché, les produits en chaîne et trame ont aussi été touchés par cette tendance baissière, atteint 2,7 milliards contre 3 en 2006.

Par ailleurs, sur le marché américain, les exportations marocaines ont accusé l’année dernière une régression de 17%, passant de 321 à 268 MDH en raison de la dépréciation du dollar par rapport à l’euro. « Cette baisse a eu un impact direct sur la compétitivité de nos entreprises exportatrices qui achètent leurs intrants en euro », indique Mohamed Tamer, président de l’Amith.

Outre ces deux faits marquants, les chiffres sectoriels du textile arrêtés au 31 décembre 2007 laissent apparaître la consolidation de la hausse de 13% des exportations sur le marché espagnol, d’une part, et, d’autre part, une progression de 18% sur le marché italien avec un chiffre d’affaires de 1,3 milliard de DH contre 1,1 milliard en 2006.

L’implantation des plateformes d’exportations de Diesel et Max Mara au Maroc atteste de l’intérêt des opérateurs italiens au moment où des pays comme la Roumanie et la Bulgarie, fournisseurs traditionnels de ce marché, connaissent un renchérissement des coûts des intrants. Mais qu’on se le dise, les vrais concurrents du Maroc pour la prochaine bataille sont assurément la Tunisie et surtout l’Egypte !.

Source : La vie éco - Aziza Belouas

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