1.200 tournages au Maroc en 2006 !

23 janvier 2007 - 07h58 - Culture - Ecrit par : L.A

Contrariée un temps par le 11 Septembre puis le 16 Mai, l’industrie cinématographique marocaine reprend du poil de la bête, grâce essentiellement aux tournages de films étrangers, scellant ainsi le lien entre le Maroc et le 7e art. Un lien qui vaut au pays d’avoir été l’invité d’honneur du Salon du cinéma, qui s’est déroulé à Paris du 12 au 14 janvier.

Un des moments palpitants de la première édition du Salon du Cinéma de Paris qui s’est tenu du 12 au 14 janvier a été, sans conteste, le passage en revue des longs métrages tournés au Maroc. L’on ne pouvait qu’être surpris d’apprendre qu’en dépit de ce que laisse suggérer leur titre, de nombreuses œuvres ont été tournées sur les terres marocaines. Ainsi en fut-il de Lawrence d’Arabie, Marie de Nazareth, Kundun, Gladiator, Astérix et Obélix : mission Cléôpatre, ou encore du Diamant du Nil et de tant et tant de films. Cette bizarrerie atteste de l’irrésistible séduction exercée par le Maroc sur les cinéastes de tous horizons. Chose qui ouvre des horizons illimités à l’industrie cinématographique marocaine, sans cesse florissante au fil des saisons, et procure une manne inespérée à quelques cités élues.

En 1887, Louis Lumière tourne au Maroc « Le chevrier marocain »

Le Maroc et le cinéma ont tissé une idylle amorcée dès la naissance du 7e art. En 1887, Louis Lumière déserte les studios français pour les grands espaces marocains où il campe son Chevrier marocain. L’exemple du maître sera suivi par Quintin et Pinchon qui troussent au Maroc un mélo nommé Mektoub, riche en ingrédients exotiques. Depuis, comédiens illustres, réalisateurs réputés et producteurs fortunés n’ont d’yeux que pour ce pays baigné d’une lumière incomparable. La sculpturale Marlène Dietrich, dans Morocco, de Joseph Von Sternberg, arrache des larmes au désert par ses chants éplorés destinés à un légionnaire infidèle. Le film s’ancre dans les alentours d’un fortin appelé Ouarzazate, qui deviendra, par la suite, le Hollywood du Maroc.

Dans le ksar de Tamnougalt, un village fortifié planté au sud-est de Ouarzazate, Henry Hathaway plante, en 1950, une Rose noire qui donnera des bourgeons prometteurs, dont le mélancolique Thé au Sahara, tourné dans le même lieu. La casbah de Tamdaght, située au nord-ouest de Ouarzazate, sera, elle, immortalisée, en 1975, par John Huston, dans L’Homme qui voulut être roi. Mais c’est le ksar des Aït Benhaddou, à quarante kilomètres de Ouarzazate, qui décroche le pompon. Mis en vedette par David Lean, dès 1962, dans son Lawrence d’Arabie, ce haut lieu architectural, occupé aujourd’hui par sept familles, constitue le décor favori des superproductions, tel que le Gladiator, de Ridley Scott, avec l’as des jeux du cirque, Russel Crowe. D’autres sites de la région de Ouarzazate ont aussi les faveurs des cinéastes. Ainsi la palmeraie de Skoura ou l’Oasis de Fint, au cœur de laquelle des centaines de films, de séries télévisées et de clips ont été tournés.

36 longs métrages et 70 spots publicitaires tournés au Maroc en 1999
Ce sont les œuvres inspirées de la Bible qui se taillent la part du lion parmi les tournages à Ouarzazate, tant les décors naturels de la région s’y prêtent, au point de tromper le spectateur. Du Jésus de Nazareth, de Franco Zefirelli à Marie de Nazareth, de Jean Dellannoy, de la sulfureuse Dernière tentation du Christ, de Martin Scorsese, en passant par les pieux destins d’Isaac, de Joseph, de David ou de Moïse, tout ce qui se rapporte au judaïsme et au christianisme y élit domicile.

Reste que Ouarzazate ne fait pas de distinction de genre. Muni d’un viatique de 50 millions d’euros, Alain Chabat y tourne, en 2001, Astérix et Obelix : mission Cléopâtre, un péplum loufoque. En 2005, le réalisateur mexicain Alejandro Gonzàlez Inàrritu y fait se rencontrer trois personnages que rien n’unissait, dans Babel, un récit à portée métaphysique. Quelques mois plus tard, Rachid Bouchareb l’envahit avec ses troupes de goumiers et de tirailleurs, héros d’un film qui tente de réparer l’injustice faite aux Indigènes, mal récompensés des loyaux services qu’ils ont rendus à la patrie française.

Mais si la plupart des cinéastes occidentaux ont une prédilection pour Ouarzazate, certains d’entre eux se démarquent par leur choix d’autres villes. C’est ainsi que Casablanca, Tanger, Marrakech et Essaouira peuvent se partager les miettes du gâteau abandonnées généreusement par le Hollywood du Maroc. Entre Marrakech et Zagora, Henri Verneuil installe le décor de son palpitant 100 000 dollars au soleil. En plein Jamaâ El Fna, le Français Louis Bernard passe de vie à trépas dans une scène qui inaugure le thriller d’Alfred Hitchcock, L’Homme qui en savait trop. Orson Welles, lui, déplace le tournage d’Othello de Venise où il était prévu à Essaouira. Pour des motifs pécuniaires. Le film sera présenté aux Oscars au nom du Maroc. Il obtiendra le trophée de la meilleure réalisation.

Depuis cinq ans, les producteurs étrangers ont injecté 192 millions d’euros dans la région de Ouarzazate

Henry Hathaway, Henri Verneuil, David Lean, Orson Welles, Albert Hitchcock, Sergio Leone, Bernardo Bertolucci, Alain Chabat, Martin Scorsese ne sont plus à présenter. Ils forment la fine fleur de la réalisation. Grâce à leur engouement pour le Maroc, l’industrie du cinéma a décollé, même si son essor a parfois été perturbé par les mauvais vents de l’Histoire. 1999 est à marquer d’une pierre blanche : 36 longs métrages, 120 courts métrages, 70 spots publicitaires et 20 clips musicaux ont été concoctés cette année-là au Maroc. Baisse de régime en 2000, où « seulement » 730 MDH ont été investis dans les tournages. Ceux-ci ne dépassent guère la trentaine et rapportent à peine 367 MDH, à cause du 11 Septembre qui fera annuler les tournages prévus pour l’automne.

Légère embellie en 2002 (435 MDH), suivie d’un ensoleillement pendant le premier semestre de 2003 (450 MDH), mais la tragédie du 16 Mai freinera les ardeurs des cinéastes. La suite sera un chemin de roses qui atteindra son point culminant en 2006, où, apprend-on par la bouche de Patrick Madelin, attaché audiovisuel à l’ambassade de France à Rabat, près de 1 200 films, tous genres confondus, ont vu le jour au Maroc. Le CCM ayant cessé de communiquer les chiffres, il nous est impossible d’en estimer les retombées financières. Un indice nous est fourni par Abdessadek El Alem, responsable de la cellule de suivi cinématographique à Ouarzazate : « Depuis 2001, les producteurs étrangers ont injecté 192 millions d’euros dans la région. Près de 100 000 habitants ont touché un salaire minimum durant cette période et 30 à 40% des recettes du secteur touristique découlent des tournages. »

Qu’est-ce qui attire les cinéastes du monde entier au Maroc ? Il y a évidemment sa lumière, exaltée déjà par Delacroix et Matisse, sa nature variée et ses paysages « époustouflants ». Mais aussi des attraits plus tangibles. Tels que les avantages fiscaux accordés, la mise à disposition de l’armée, depuis 1995, les tarifs hôteliers préférentiels et, surtout, le faible coût de la main-d’œuvre : 2 000 à 20 000 DH par jour pour les comédiens locaux, selon l’importance de leur rôle ; 4 000 à 12 000 DH par semaine pour les techniciens, suivant leur rang ; 150 DH par jour pour les figurants.

Les tournages de films étrangers représentent un marché juteux dont des entrepreneurs entendent toucher les dividendes. En 1983, Mohamed Beleghmi, propriétaire de la chaîne hôtelière Karam, fonde la compagnie de cinéma Atlas Corporation, à six kilomètres de Ouarzazate. En vingt ans, il a mis en chantier une trentaine de longs métrages. Aujourd’hui, plusieurs concurrents pointent leur nez. Déjà, en 2001, le producteur Sarim Fassi-Fihri avait érigé, à une vingtaine de kilomètres au nord de Casablanca, une suite de studios ultra-modernes portant l’enseigne de Cinédina. En 2005, à Marrakech, le producteur Dino de Laurentis, les studios italiens de Cinecitta et Saïd Allag, homme d’affaires marocain, ont investi 7 millions d’euros dans Cla Studios, couvrant 32 ha de plateaux et 160 ha de terrain. On annonce aussi la création, dans deux ans, de Maroc-Marrakech, un ensemble imposant de 50 ha, financé par Jamel Debbouze et Alain Chabat. Encore plus impressionnant, l’émergence d’une ville du cinéma, aux portes de Marrakech, qui s’étendra sur 400 ha, et coûtant la bagatelle de 475 millions de dollars. L’initiative vient de l’homme d’affaires, Ahmed Benkirane. Autant de projets qui révèlent la bonne santé de l’industrie cinématographique marocaine. Et le meilleur est à venir, sauf coups bas de l’Histoire.

La vie éco - Et-Tayeb Houdaïfa

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