Investir au Maroc, oui, mais les MRE veulent des garanties

26 juin 2025 - 20h00 - Maroc - Ecrit par : Bladi.net

Avec 117,7 milliards de dirhams transférés en 2024, les MRE sont un pilier de l’économie marocaine. Mais cet argent irrigue peu l’investissement. L’immobilier capte la majorité des fonds. Pourquoi cette frilosité à investir ailleurs ?

Chaque année, les Marocains résidant à l’étranger (MRE) transfèrent des sommes colossales vers leur pays d’origine, un véritable ballon d’oxygène pour l’économie nationale. En 2024, ces envois ont atteint le chiffre impressionnant de 117,7 milliards de dirhams, soit 7,7 % du produit intérieur brut du royaume. Pourtant, derrière cette manne financière se cache une réalité plus complexe : l’argent de la diaspora irrigue très peu l’économie productive. Une grande partie de cette épargne ne franchit jamais le pas de l’investissement, et les raisons de cette frilosité sont désormais bien identifiées.

C’est là que le bât blesse. Selon l’avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) en 2022, seul un infime pourcentage de ces fonds, à peine 1,3 %, est orienté vers l’investissement. Et lorsque les MRE décident de mettre la main à la poche, c’est avant tout pour la pierre. Près de 40,7 % de ces investissements se concentrent en effet dans le secteur immobilier, laissant l’industrie, les services ou l’innovation sur le bas-côté. Une situation qui détonne quand on la compare à d’autres nations du continent, où les transferts de la diaspora financent massivement l’économie réelle, à hauteur de 45 % au Nigeria ou 35 % au Kenya.

A lire : Le Maroc cherche à transformer les MRE en investisseurs

L’envie, pourtant, ne manque pas. Plus de la moitié des expatriés marocains interrogés par le CESE se disent prêts à sauter le pas et à investir au pays. Mais pas à n’importe quel prix. Pour eux, le chemin de l’investissement s’apparente souvent à un parcours du combattant. Ils dénoncent en chœur « la complexité des procédures », « le manque d’incitations et d’appui », ou encore « la corruption et le favoritisme ». Ces freins, loin d’être de simples ressentis, sont consignés noir sur blanc dans les résultats d’une consultation menée fin 2022.

Le constat est d’autant plus amer que les dispositifs d’accompagnement peinent à convaincre. Le programme MDM Invest, censé justement encourager ces initiatives, n’a validé que 48 dossiers en vingt ans, entre 2002 et 2022. Un chiffre famélique qui illustre les lacunes des structures d’aide existantes. Le système bancaire est lui aussi montré du doigt, jugé trop concentré sur les produits classiques comme les transferts ou le crédit immobilier, et passant à côté des besoins spécifiques des investisseurs potentiels en matière d’épargne longue ou de fonds d’amorçage.

À ces obstacles s’ajoute une communication institutionnelle jugée défaillante et un manque de clarté fiscale. Les porteurs de projets de la diaspora se plaignent de l’absence d’un guichet unique qui centraliserait les informations et simplifierait leurs démarches. Ils se retrouvent souvent seuls, naviguant à vue entre de multiples interlocuteurs administratifs, sans feuille de route claire. Cette désorganisation se ressent jusque dans les territoires, où les transferts se concentrent dans quatre grandes régions, tandis que les projets de développement local peinent à attirer les capitaux.

Face à cette situation, le CESE met plusieurs pistes sur la table. L’institution préconise notamment d’ouvrir le Fonds Mohammed VI pour l’investissement aux contributions de la diaspora, de créer un fonds spécifique pour les projets à fort impact social et environnemental et de concevoir enfin des produits bancaires adaptés et attractifs. L’enjeu est de taille : transformer cette épargne dormante en un véritable levier de développement. Le message des Marocains du monde est clair : leur volonté de contribuer à l’essor du pays est bien réelle, mais elle ne pourra se concrétiser sans des réformes structurelles profondes et des garanties de transparence.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Investissement - Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) - MRE

Aller plus loin

Bientôt une plateforme pour aider les MRE à investir au Maroc

Karim Zidane, ministre délégué chargé de l’investissement, de la convergence et de l’évaluation des politiques publiques, encourage les Marocains résidant à l’étranger (MRE) à...

Le Maroc cherche à transformer les MRE en investisseurs

Le Maroc entend mettre en place une série de programmes visant à « encourager et motiver les Marocains du monde à investir dans leur pays d’origine », a récemment déclaré Nasser...

Investissements des MRE : l’État serre la vis et sanctionne

Suite à une multiplication des plaintes signalant des obstacles d’ordre administratif et judiciaire, le ministère de l’Intérieur a instruit les walis et les gouverneurs de...

Le Maroc déroule le tapis rouge aux investisseurs MRE

Karim Zidane, le ministre délégué chargé de l’Investissement, a annoncé la décision du gouvernement de créer une cellule dédiée aux Marocains résidant à l’étranger (MRE) qui...

Ces articles devraient vous intéresser :

Importation de devises par les Marocains résidant à l’étranger : Ce qu’il faut savoir

Pour les Marocains résidant à l’étranger (MRE), l’importation de devises au Maroc nécessite certaines formalités essentielles qu’il faut absolument connaître. Que vous rentriez avec des devises sous forme de billets de banque ou d’instruments...

Le programme d’aide au logement séduit les MRE

Des Marocains résidant à l’étranger (MRE) figurent parmi les 15 194 bénéficiaires du nouveau programme d’aide au logement lancé par le roi Mohammed VI en octobre dernier, fait savoir Fatima Zahra Mansouri, ministre de l’Aménagement du Territoire, de...

Accord entre le Maroc et la France sur les transferts des MRE

Le Maroc a trouvé une alternative pour diminuer l’impact de la directive européenne encadrant la présence des banques étrangères sur le sol de l’Union européenne (UE) sur les flux des transferts des MRE.

Le Maroc veut le retour des MRE

Le Maroc met les moyens pour faire revenir ses cerveaux. Une enveloppe budgétaire conséquente, et inédite, vient d’être spécifiquement allouée pour inciter les compétences marocaines expatriées à contribuer à l’effort national de recherche et...

Les Marocains de France battent des records de transfert

Les Marocains du monde ont transféré au Maroc près de 115,15 milliards de dirhams (MMDH) à fin décembre 2023, soit une hausse de 4 % par rapport à la même période de 2022 (110,72 MMDH), révèle l’Office des changes.

Les transferts des MRE mal utilisés ?

Les transferts de fonds des Marocains de la diaspora contribuent à la stabilité macroéconomique du Maroc, relève une récente note d’orientation publiée par le Bureau sous-régional pour l’Afrique du Nord de la Commission économique des Nations Unies...

Les MRE très attendus cet été pour booster l’immobilier

Les initiatives gouvernementales et le retour massif des Marocains résidant à l’étranger (MRE) contribuent à la relance du marché de l’immobilier marocain.

Baisse des transferts des MRE, faut-il s’inquiéter ?

C’est une baisse surprise des transferts des Marocains résidant à l’étranger qui a été constatée par l’Office des changes dans son dernier rapport.

L’Office des changes aux petits soins des MRE

L’Office des changes s’engage à réserver un bon accueil aux Marocains résidant à l’étranger (MRE) cet été et à leur accorder une attention particulière dans le cadre de son plan d’action stratégique 2022-2026. C’est du moins ce qu’a affirmé Driss...

Le Maroc courtise l’argent des MRE, mais ignore leurs revendications politiques

Le récent remaniement ministériel a confirmé le peu d’intérêt du gouvernement pour les revendications de la communauté marocaine établie à l’étranger. Malgré les appels à la création d’un ministère dédié, le gouvernement n’a pas jugé bon de répondre à...