Le citoyen marocain Ahmed Tommouhi, qui purgeait une peine de 18 ans de réclusion en Espagne, pour un crime de viol que les enquêteurs ne sont jamais parvenus à prouver, vient d’être remis en liberté provisoire après 15 ans passés derrière les barreaux, a appris vendredi la MAP auprès de sa famille.
Tommouhi, natif de Nador, avait quarante ans lorsqu’il était arrivé en Espagne, en 1988. Il a travaillé, dans un premier temps, comme saisonnier dans la récolte de fruits dans la région de Girona, dans le nord-est du pays, puis comme maçon dans la localité de Terrassa, dans la même région.
Le ressortissant marocain, marié et père de trois enfants, a été arrêté suite à une série de viols et d’agressions commis en 1991 dans la localité de Terrasa, contre des femmes et des jeunes filles qui ont déclaré à la police que leurs agresseurs sont deux hommes d’aspect maghrébin et parlant une "langue étrangère".
Malgré une importante mobilisation, la police était incapable de mettre la main sur les agresseurs qui ont poursuivi leur forfait, ne trouvant que Tommouhi comme coupable idéal, puis un ami à lui, Abderrazak Mounib, qui vivait à l’époque à Barcelone.
Poursuivis au début pour onze viols, les deux Marocains ont été jugés seulement pour quatre affaires, des preuves matérielles de leur innocence dans les sept autres affaires ont obligé les enquêteurs à alléger les charges.
Les deux Marocains n’ont eu de cesse de clamer leur innocence, exigeant des preuves sur leur culpabilité. Ils ont été condamnés à 18 ans de réclusion criminelle, dans un procès jugé par plusieurs défenseurs des droits de l’homme comme "une flagrante erreur de la justice espagnole".
Une série de viols et d’agressions contre des femmes a de nouveau secoué la même région en 1995, ce qui a confirmé les défenseurs de Tommouhi dans leurs convictions.
Les agresseurs, deux hommes "parlant entre eux une langue étrangères", perpétraient leurs forfaits avec le même modus opérandi employé lors des agressions pour lesquelles les deux Marocains ont été condamnés.
Après une enquête sérieuse, la police a mis la main cette fois sur les véritables coupables, un espagnol de l’ethnie gitane, Garcia Carbonell, qui a une grande ressemblance physique avec Tommouhi, et qui parlait avec son complice le "calo", un dialecte utilisé par les Gitans.
Garcia Carbonell, un habitué des bancs des accusés poursuivis à plusieurs reprises pour viols et agressions sexuelles, a reconnu toutes les charges retenues contre lui, mais la police n’a pas daigné l’interroger sur les viols en série de 1991 et pour laquelle Tommouhi et son compatriote ont été condamné.
Un test d’ADN a même prouvé que le citoyen espagnol est l’auteur de l’un des viols pour lesquels Tommouhi a été condamné. Malgré cela, le ressortissant marocain "devait" rester derrière les barreaux.
En dépit d’une mobilisation internationale en faveur de Tommouhi et des demandes d’amnistie introduites par des députés socialistes (lorsque la Gauche était à l’opposition), le Défenseur du peuple et même par le Procureur général espagnol, le ressortissant marocain est resté en prison.
Tommouhi, qui a toujours refusé de demander une grâce - une possibilité qu’offre le système judiciaire espagnol - parce que convaincu de son innocence, a été remis en liberté provisoire.
"Nous allons poursuivre le combat avec M. Tommouhi pour qu’il soit indemnisé pour ces années de sa vie passées injustement derrière les barreaux", a confié à la MAP le député catalan d’origine marocaine, Mohamed Chaib, membre actif du comité de soutien à Tommouhi.(MAP).
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