Marginalisation, trafic de Drogue, Immigration clandestine… : Sebta, Le grand chaos

29 décembre 2006 - 10h45 - Espagne - Ecrit par : L.A

Sebta dans la tourmente. Une situation au bord de l’implosion où les Marocains sont les premiers à payer le lourd tribut à la politique populiste et sécuritaire de la ville occupée. Sans oublier les réseaux de trafic de drogue qui financent les terroristes et les trafics de tous genres. Le préside occupé vit dans le chaos. Retour sur un mois pas comme les autres. Après les dernières arrestations au sein de plusieurs groupuscules dits « terroristes », d’autres cartes sont mises sur la table et le gouvernement espagnol réfléchit à l’avenir de Sebta avec plus de sérieux et surtout sans cette négligence habituelle des autorités de Madrid.

La police espagnole a interpellé entre le 11 et le 12 décembre courant onze islamistes présumés dans plusieurs opérations effectuées à l’aube dans l’enclave de Sebta, ces interpellations ayant lieu aux domiciles des suspects ou durant la prière à la mosquée. Parmi les personnes interpellées figure Hamed Abderrahman Ahmed, un ressortissant espagnol qui était détenu dans la prison de la base américaine de Guantanamo à Cuba depuis février 2004 et dont la Gazette du Maroc avait publié le parcours et la vie avant son acquittement par le juge Baltazar Garzon. Deux frères d’Ahmed ont été également interpellés. Mais la police avait refusé de confirmer cette information. Les forces dépêchées depuis le continent espagnol ont effectué ces opérations dans les secteurs de la ville située le long de la côte marocaine, a précisé un responsable de la police qui a aussi souligné que l’opération se préparait depuis plusieurs semaines. Pourquoi intervenir maintenant ? Certains lient cette opération à des informations venues de Grande Bretagne sur le déplacement de plusieurs recherchés vers Sebta, via Gibraltar.

Déjà plus d’un mois auparavant, Sebta et Melilla avait fait l’objet d’un rapport de la police présenté à plusieurs magistrats. Les enclaves de Sebta et Melilla seraient devenues des objectifs du Jihad islamique, avait indiqué le 5 novembre le quotidien « El Pais », citant des sources des services de renseignement espagnols. Ces services, qui considèrent cette menace comme « la plus inquiétante pour l’Espagne depuis 2004 », ont été alertés par un communiqué diffusé sur Internet par un groupe proche d’Al-Qaïda, appelant à « la guerre contre l’Etat infidèle espagnol et à la libération des villes occupées de Sebta et Melilla ».

Marocains de Sebta

Pour comprendre ce qui se passe à Sebta, il faut aller chez les habitants dans les quartiers pauvres du préside occupé. C’est très simple. Sebta est une ville qui affiche de façon ostentatoire un double visage : la ville espagnole ou la ville des Espagnols et les quartiers marocains ou « barios de los moros ». Ce n’est pas l’apartheid, mais nous n’en sommes pas loin. Ce n’est pas le ghetto, mais cela y ressemble. On arrive avec difficulté à s’expliquer cette dichotomie géographique. Ce jeu de cassure entre deux frontières au sein de la grande frontière. D’un côté « nous, les Moros » de l’autre côté, « eux, les fils du pays ». On reprend ici, les paroles d’un jeune père de famille du quartier Principe Alfonso, à flanc de colline où l’on se croit à Hay Attakadoum à Rabat ou dans la banlieue dégueulasse de Salé ; là où les maisons s’amoncellent comme des paquets de thé, des boites de sardines collées les unes aux autres dans un paysage urbain qui fait tache dans cette ville résolument européenne. Le même père de famille nous dira plus loin dans son jargon à lui comment il en est réduit aujourd’hui à souhaiter rentrer au pays, élire domicile « même à Fnideq, juste là à la sortie de Tarajal pour ne plus supporter les mensonges de tous ces minables qui nous gouvernent ici. Ils oublient que c’est mon pays, que c’est ma terre Sebta. Ce sont eux les colons, les criminels ». Et d’ajouter : « Ne croyez pas que parce que nous sommes de l’autre côté de la frontière, nous avons oublié qui nous sommes et d’où nous venons. Non, je suis Marocain, Sebta est marocaine et un jour on finira par péter tout ce fourbi du diable. » Ahmed fulmine et finit par claquer la porte en s’excusant. Il pleurait à chaudes larmes. Dans sa rue, plusieurs jeunes ont été arrêtés et surtout presque toutes les maisons ont été fouillées de fond en comble.

Et c’est ce type d’infractions aux droits des Marocains de Sebta, qui fait monter la rage. « Le danger vient de Sebta et les Espagnols le savent » nous confie un magistrat de la ville qui a suivi plusieurs procès de Marocains accusés dans plusieurs affaires de criminalités. Et Ahmed n’est pas un cas isolé dans ce quartier paumé de la ville européenne du Maroc. Ils sont nombreux les jeunes et moins jeunes qui sont venus nous voir pour nous parler de ce qui ne va plus « à l’intérieur », car c’est comme cela qu’ils désignent l’autre bout de la frontière. Sebta, c’est le Maroc, et ce n’est pas le Maroc. Sebta, c’est déjà l’Europe, mais pas pour tous. Sebta est une ville au tissu social hybride qui mérite qu’on s’y arrête pour tenter de comprendre.

Rien ne va plus

Rien ne va plus depuis le 11 mars 2004 et les élections du 14 mars de la même année, jour des élections législatives en Espagne et à Sebta.

Les choses semblent avoir pris une tournure effrénée. Le 11 mars et les attentats de Madrid sont venus élargir le fossé qui existait entre les Marocains et les Espagnols.

A Sebta, la donne est tout autre. Au-delà des séparations claires, entre Marocains et Espagnols, nous en sommes aujourd’hui à un phénomène qui risque de devenir une réalité banale de tous les jours. Il s’agit des descentes de la police suite aux informations qui filtrent sur des projets terroristes.

Dans le tas, plusieurs prévenus se sont avérés innocents, mais après avoir passé du temps dans les locaux de la police anti-terroriste espagnole. Cette stigmatisation systématique des Marocains vient s’ajouter à une série d’autres problèmes comme la négligence par les autorités des quartiers pauvres de la ville qui sont de plus en plus sales et surtout la proie à toutes les exactions et autres dérives criminelles.

La Gazette du Maroc - Abdelhak Najib et Mouad Rhandi

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Immigration clandestine - Faits divers - Drogues - Ceuta (Sebta)

Ces articles devraient vous intéresser :

Des Marocains à la rue : la détresse d’une famille en Espagne

Un couple marocain et ses trois filles mineures âgées de 12, 8 et 5 ans sont arrivés clandestinement à Pampelune en provenance du Maroc il y a un mois, cachés dans une remorque chargée de légumes. Sans ressources ni aide, ils sont à la rue depuis...

Pufa, la "cocaïne des pauvres" qui déferle sur le Maroc

Pufa, la « cocaïne des pauvres » s’est installée progressivement dans toutes les régions du Maroc, menaçant la santé et la sécurité des jeunes. Le sujet est arrivé au Parlement.

« L’Escobar du désert » fait tomber Saïd Naciri et Abdenbi Bioui

Plusieurs personnalités connues au Maroc ont été présentées aujourd’hui devant le procureur dans le cadre de liens avec un gros trafiquant de drogue. Parmi ces individus, un président de club de football.

Forte augmentation de demandeurs d’asile marocains en Europe

L’Union européenne a enregistré en 2022 un nombre record de demandes d’asile. Parmi les demandeurs, de nombreux Marocains dont le nombre a bondi.

Des soldats marocains accusés d’avoir tiré à balles réelles sur des migrants

L’Espagne a ouvert une enquête concernant des allégations de tirs sur des migrants tentant de rejoindre les îles Canaries depuis le Maroc. Une association caritative affirme que des soldats marocains auraient ouvert le feu sur ces migrants,...

En réponse au Qatargate, le Maroc ne respecte plus les accords de renvoi des déboutés d’asile

Depuis l’éclatement du scandale de corruption connu sous le nom de « Qatargate », les difficultés pour renvoyer les Marocains déboutés de leur demande d’asile vers leur pays d’origine se sont accrues.

Ouverture exceptionnelle de la frontière entre le Maroc et l’Algérie

La frontière entre l’Algérie et le Maroc a été exceptionnellement ouverte cette semaine pour permettre de rapatrier le corps d’un jeune migrant marocain de 28 ans, décédé par noyade en Algérie.

"Lbouffa" : La cocaïne des pauvres qui inquiète le Maroc

Une nouvelle drogue appelée « Lbouffa » ou « cocaïne des pauvres », détruit les jeunes marocains en silence. Inquiétés par sa propagation rapide, les parents et acteurs de la société civile alertent sur les effets néfastes de cette drogue sur la santé...

Les Marocains parmi les plus expulsés d’Europe

Quelque 431 000 migrants, dont 31 000 Marocains, ont été expulsés du territoire de l’Union européenne (UE) en 2022, selon un récent rapport d’Eurostat intitulé « Migration et asile en Europe 2023 ».

"L’boufa", la nouvelle menace pour la société marocaine

Le Maroc pourrait faire face à une grave crise sanitaire et à une augmentation des incidents de violence et de criminalité, en raison de la propagation rapide de la drogue «  l’boufa  » qui détruit les jeunes marocains en silence.