Aides sociales en France : vers un accès restreint pour les étrangers ?

19 mars 2025 - 11h00 - France - Ecrit par : P. A

La droite pourrait réussir à inscrire la préférence nationale dans la législation française. Les sénateurs du parti Les Républicains (LR) viennent de déposer, pour la troisième fois, une proposition de loi visant à instaurer une durée minimale de résidence en situation régulière avant l’accès à certaines prestations sociales.

Après deux censures du Conseil constitutionnel en 2024, les sénateurs LR reviennent à la charge en déposant ce mardi 18 mars une nouvelle proposition de loi visant à instaurer une durée minimale de résidence en situation régulière avant l’accès à certaines prestations sociales. La mesure pourrait finalement être inscrite dans la loi française, vu la brèche ouverte par le Conseil constitutionnel dans ses dernières décisions de censure. « Les Sages se sont tiré une balle dans le pied », analyse pour Le Nouvel Observateur, Lola Isidro, maîtresse de conférences en droit à l’université Paris Nanterre.

« Le Conseil n’a pas fermé totalement la porte à l’évolution législative », note pour sa part Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes. La sénatrice Valérie Boyer (LR), initiatrice de la nouvelle proposition de loi, tente justement d’exploiter cette « brèche ». « Tirant les conséquences de cette appréciation, les auteurs de la présente proposition de loi considèrent qu’une durée minimale de résidence de deux ans, à l’exception des étrangers exerçant une activité professionnelle, constitue une conciliation équilibrée des impératifs constitutionnels de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées et de sauvegarde de l’ordre public », explique-t-il.

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« Si on suit la logique de la proportionnalité, comme c’est plus de deux fois moins qu’avant, ça pourrait rentrer dans les critères… », estime Lola Isidro, soulignant toutefois qu’« il y a un problème de raisonnement du côté du Conseil qui considère que les étrangers étant dans une situation différente, on peut les traiter différemment. Donc, il peut mobiliser le principe d’égalité, mais il y a peu de raison d’y croire. » Dans l’exposé des motifs, la sénatrice LR dit vouloir « prendre des mesures visant à limiter l’ “appel d’air” migratoire généré par un régime social dont les conditions de bénéfice généreuses peuvent contribuer à attirer les flux d’immigration illégale ». Une analyse « factuellement fausse », selon Lola Isidro.

Le Conseil peut censurer ce texte en invoquant le « principe de non-discrimination » défendu par la Cour européenne des Droits de l’Homme, ou pour non-respect du droit de l’Union européenne dont les textes prévoient un principe d’égalité et de non-discrimination en matière de protection sociale, et qui a signé des accords avec des pays comme le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, le Liban, Israël, La Turquie, etc. « Quand on applique la jurisprudence, en réalité, les marges de manœuvre sont très faibles », tranche Serge Slama. La Cour de justice de l’Union européenne pourrait être saisie en dernier ressort.

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