Attentats à Casablanca : l’horreur du camp de la haine

21 mai 2003 - 09h06 - Maroc - Ecrit par :

Des corps déchiquetés, des enfants assassinés, tout un peuple horrifié, « Al Qaïda » a fait son œuvre. On savait que le Maroc était une cible, que la nébuleuse intégriste haïssait nos choix de tolérance, d’ouverture, de pluralisme... Les idiots qui affirmaient le contraire et expliquaient que « cet alarmisme a un but électoral évident », sont face à eux-mêmes et à la quarantaine de morts de ce vendredi noir.

La réalité tragique est donc là. Il n’y avait aucune chance que le Maroc demeure un îlot de paix dans un océan en pleine turbulence meurtrière. Toute la société marocaine doit réagir.
D’abord, en tordant le cou à la théorie du mal qui ne viendrait que de l’étranger. La bête immonde est bien des nôtres. Les jeunes kamikazes ont grandi dans nos quartiers, peut-être même à proximité de leurs victimes. Comment en sont-ils arrivés là ? Qui est responsable ? Aujourd’hui, plus que jamais, ces interrogations s’imposent. Avant que des bombes n’explosent, des illuminés ont tué au nom de la même hérésie. Or, cette hérésie n’évolue pas dans la clandestinité, elle est présente y compris au Parlement. Le camp de la haine est identifié. A l’origine de ce terrorisme-là.
Il y a le discours intégriste. Un discours totalitaire, haineux, belliqueux. L’on mesure aujourd’hui les effets des fatwas de Zemzmi sur le devoir de combattre les juifs et les chrétiens, des prêches de Kettani et Abou Hafs sur le « Jihad » et « cheikh Oussama ». La terreur du vendredi 16 trouve son origine dans les prêches des vendredis précédents. Nos mosquées et une partie de notre presse sont au service du discours de la mort. Cela, nous l’avons largement dénoncé sur ces mêmes colonnes durant des années. Aujourd’hui, il faut y mettre un hola au nom de la sécurité intérieure, premier droit des citoyens marocains.
Les pouvoirs publics et les démocrates sont interpellés. La démocratie ne peut accepter en son sein ses pires ennemis. Il n’est plus question de laisser les Abou Jahl s’exprimer. Et ce n’est pas uniquement aux sécuritaires de faire le boulot.
Il est évident que le terrorisme pose de nouveaux défis à ceux qui ont la charge d’assurer notre sécurité. Il faut leur donner les moyens de les relever. Moyens humains, matériels, logistiques, mais aussi législatifs et politiques.
Ce qui s’est passé autour de la loi anti-terroriste a donné une image peu rassurante de la classe politique. Elle s’est rangée du côté d’un cercle gaucho-médiatique qui ne représente que lui-même alors qu’il s’agissait de bien autre chose. Face à la complexité du terrorisme international, tous les pays se sont dotés de législations idoines. Les gauchistes et les intégristes assurent, eux, qu’il n’y en a pas de nécessité. Il est clair qu’on ne peut combattre efficacement le terrorisme dans les limites du respect des libertés individuelles. Ce ne sont pas de petits escrocs mais des gens capables de tuer des dizaines d’innocents.
Dès lors, pour se protéger, la société a le devoir de se donner les moyens d’assurer sa sécurité. Croire que ce genre de terroriste avoue sur simple demande est enfantin. Il n’y a pas une seule police au monde qui traite « complaisamment » ces monstres. Partout des règles strictes et très sévères sont d’usage. Il vaut mieux que ce traitement spécifique, légitime, soit légal.
Il faut aussi doter les sécuritaires d’un soutien politique. Il n’est pas normal que des fonctionnaires, mal payés, prennent des risques pour défendre la société et qu’ils se retrouvent dans une position d’accusés. La défiance vis-à-vis de la police est un héritage bien compréhensible. Il faut le dépasser et établir un contrat de confiance.
Les politiques, la presse, doivent jouer leur rôle dans cette phase critique de l’histoire du pays. Entre Abou Hafs qui prône la mort, l’assassinat et les super-flics dont l’une des missions essentielles est de maintenir la sécurité et accessoirement de nous surveiller, il n’y a pas à hésiter, il faut choisir la vie.
Car c’est de cela qu’il s’agit, deux camps s’affrontent : celui de la haine et de la désolation et celui de la vie et de la construction d’un projet national. Dans ce combat, il n’y a pas de place pour l’ambiguïté ou « la finasserie » politicienne. Le peuple ne comprendrait pas que les « Munichois » refassent des leurs. Les Munichois étant ceux qui nous proposent de dialoguer avec les intégristes, les « comprendre », ceux qui, contre l’évidence, affirment que la mouvance intégriste n’a rien à voir avec le terrorisme. Encore plus débile l’arrestation de la cellule dormante d’« Al Qaïda », elle-même avait été interprétée comme un coup tordu des flics. Ceux qui défendent le droit à l’expression des Abou Jahl sont objectivement les phalanges avancées du camp de la mort.
Ce combat, encore une fois, incombe aux démocrates et aux socialistes en premier. Droit dans nos bottes, nous avons le devoir d’extirper à la racine ce cancer, sans faiblir un seul moment. Nous avons le devoir d’organiser la résistance sociale, la défense de nos acquis et l’élargissement des libertés individuelles. Le discours de la régression barbare n’est pas une opinion comme une autre, il n’a pas sa place dans le jeu démocratique, ni dans l’encadrement de nos quartiers.
Le devoir de vigilance ne s’impose pas uniquement à l’Etat et à ses services, mais à nous tous.
En attendant, il faut mener une vie normale, ne rien concéder à la peur. Les assassins de Casablanca voulaient nous terroriser, ne leur accordons pas cette victoire.

Par Jamal Berraoui pour Lematin.ma

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