Corse : Les Marocains fuient le racisme

19 novembre 2004 - 16h16 - Maroc - Ecrit par :

Fuyant le racisme en Corse, de nombreux Marocains ont trouvé refuge en France et particulièrement dans le sud, dans le département du Gard, où réside une importante communauté maghrébine et où ils espèrent recommencer une nouvelle vie.

Cet exode a commencé il y a environ cinq ans et semble s’être accéléré au cours des derniers mois. Près de trois cents familles ont quitté l’Île pour s’installer dans ce département, dont une centaine à Nîmes, selon des estimations des services sociaux.
Beaucoup d’entre eux ont rejoint des proches dans deux cités dont les 18.000 habitants sont, pour les deux tiers, originaires du Maghreb. "Ces gens sont à la fois effondrés et soulagés. On leur conseille de porter plainte, mais ils craignent des représailles.
La loi du silence continue", explique à l’AFP Ali Karim, responsable de l’association locale "Amitié franco-marocaine". Arrivé en Corse à l’âge de 10 ans en 1979, Sidi, un boulanger d’origine berbère, raconte, sous couvert de l’anonymat, le "calvaire infernal" qui l’a récemment conduit à s’exiler : "Tant que je n’étais qu’un petit employé, ça pouvait aller. Mais quand j’ai voulu monter ma propre affaire pour vendre des gâteaux orientaux, les ennuis ont commencé". "Des gens, dit-il, m’ont agressé en me disant de partir si je tenais à la vie", confie ce père de famille, qui a gardé comme seul "souvenir" une carte de l’Île en coquillage fabriquée par son fils. Rhanite Jilali, un chauffeur de 49 ans, a vécu un parcours similaire, deux ans plus tôt, alors qu’il travaillait dans les champs, près de Bastia. "On n’a pas le droit d’avoir une belle maison, une belle voiture. Pour eux, on est comme des sauvages. Dans certains cafés, ils ne nous servent pas", témoigne cet homme originaire de Marrakech, dont tous les enfants, de 3 à 15 ans, sont nés en Corse. Quand le fils a succédé au père, le nouveau patron l’a chassé "à coups de pieds", affirme-t-il, sans illusion sur son recours à la justice pour licenciement abusif : "Là-bas, la loi, c’est les coups de pistolet. Nous n’avons aucun droit. Les policiers, les gendarmes ne font rien pour nous". Dans l’immeuble où il vit, son voisin Mohamed El Brika, 50 ans, est arrivé à Nîmes voici une semaine, en provenance d’Ajaccio, dans le nord de la Corse. Sa famille l’avait à peine rejoint, en 2003, qu’il a fallu déménager dans l’urgence. "Après une bagarre entre mon fils et des Corses, quatre personnes sont venues avec des couteaux menacer ma femme. Puis, mon fils a été jeté en prison.
Là, c’était trop", dit ce maçon dont le travail n’a été déclaré que dix ans sur les trente passés sur l’Île. Sa fille de 21 ans, Naoual, admet avoir du mal à oublier les inscriptions "Arabi Fora" ("Arabes Dehors") peintes sur les murs. "Même les enfants à l’école se font insulter", murmure-t-elle. Aucune plainte n’étant parvenue au tribunal de Nîmes, le procureur de la République, Robert Gelli, a exhorté les immigrés à déposer plainte ou effectuer un simple signalement pour déclencher une action publique. "Ils ne doivent pas avoir peur mais se manifester auprès de la police", a-t-il indiqué, estimant qu’un éventuel regroupement des plaintes pourrait atténuer les réticences. Trente actes racistes violents ont été recensés en Corse contre des Maghrébins ou des Français issus de l’immigration maghrébine au premier semestre 2004, soit le tiers des actes de ce type commis en France.
Selon l’Institut national français de statistiques (Insee), la Corse compterait environ 26.000 personnes immigrées, essentiellement des Marocains, soit 10% des quelque 260.000 habitants.

[b > Philippe Zygel - AFP - Aujourd’hui le Maroc }}

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Racisme - Immigration - Corse

Ces articles devraient vous intéresser :

Agression sauvage d’une femme voilée dans un magasin LiDL à Marignane

Le Conseil français du culte musulman (CFCM) réagit à « l’agression raciste et antimusulmane dont a été victime une femme de 42 ans en situation de handicap, portant un voile et récemment affaiblie par un traitement de chimiothérapie. » L’organisation...

Expulsions de France : autrefois protégés, ils sont désormais visés

Depuis la promulgation de la nouvelle loi « asile et immigration » en France, les expulsions sous OQTF visent désormais plusieurs catégories d’étrangers autrefois protégées par la loi.

Des Marocains réduits à l’esclavage dans le Lot-et-Garonne

Vingt travailleurs marocains ont été exploités dans des conditions indignes par une agricultrice du Lot-et-Garonne. Attirés par la promesse d’un contrat de travail et d’une vie meilleure, ils ont déboursé 10 000 euros chacun pour rejoindre la France.

Un réseau familial marocain démantelé dans le Lot-et-Garonne

Les gendarmes de la Brigade de recherches de Bouliac ont démantelé un réseau d’exploitation d’ouvriers agricoles. Six personnes ont été mises en examen jeudi 12 décembre, dont un couple de Marocains placé en détention provisoire.

Poupette Kenza : compte Instagram désactivé après des propos « antisémites »

L’influenceuse aux plus d’un million d’abonnés sur Instagram, Poupette Kenza, se retrouve au cœur d’une vive controverse après avoir tenu des propos jugés antisémites. Dans une story publiée le 15 mai 2024, elle affirmait sans équivoque son soutien à...

Le racisme gangrène les stades marocains

Lors du match contre le Hassania d’Agadir au Maroc tenu au complexe sportif Mohammed V le 23 avril dernier, en championnat national, des supporters du Raja de Casablanca ont proféré des slogans jugés anti Amazighs par dix-huit associations.

France : les étrangers en règle désormais fichés

Un durcissement du traitement administratif des étrangers, même en règle, se dessine à Nantes. Une note interne de la police dévoile une procédure inédite qui fait grincer des dents.

Médecins maghrébins en France : l’exil comme solution ?

Après une percée au premier tour des législatives françaises, la perspective de voir le Rassemblement national (RN) présidé par Jordan Bardella, qui place l’immigration au cœur de la campagne électorale, remporter la majorité absolue le 7 juillet,...

Haine envers les Marocains : prison ferme prononcée par la justice

Le parquet de Valence spécialisé dans les délits de haine a requis trois ans de détention contre un homme accusé de diffusion d’informations mensongères sur les réseaux sociaux ciblant les musulmans, notamment Marocains.

Agression de MRE en Europe : le parlement marocain interpellé

Un parlementaire du parti de l’Istiqlal vient d’appeler Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération africaine, à agir pour combattre les attaques racistes répétées ciblant les Marocains résidant à l’étranger (MRE).