Dakhla, le nouvel eldorado du tourisme et de la glisse

18 mars 2008 - 21h54 - Maroc - Ecrit par : L.A

Odile, blonde d’une quarantaine d’années, silhouette svelte dans sa combinaison de kitesurfer, visage tanné par le soleil, sort des vagues de l’Atlantique et se dirige vers les douches, près des bivouacs. Nous sommes au sud de Dakhla, exactement au point kilométrique 30, une plage s’étendant sur plusieurs kilomètres, très prisée par les kitesurfers et les windsurfers venus d’Europe pour pratiquer leur sport favori.

D’habitude, c’est sur les plages de Normandie, de Bretagne ou de Corse, quelquefois sur celles de Djerba, en Tunisie, qu’Odile surfe, toujours accompagnée de son mari et de ses deux enfants. Depuis deux ans, elle a changé de cap, et c’est sur les vagues de Dakhla qu’elle aime à glisser en hiver, et à lancer son cerf-volant. « Je suis ici pour le soleil, les vagues et le vent. Seul hic, le prix. 900 euros par personne, c’est un peu cher. Mais on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre », commente-t-elle, sourire radieux sur les lèvres.

Des températures de 17 à 28° toute l’année

Sur le sable, face à la baie, une dizaine de bivouacs sont alignés, une équipe de 2M est en train de filmer. Il faut dire que la deuxième édition du Festival de musique de Dakhla, qui s’est déroulée du 28 février au 3 mars, a attiré une foule de journalistes des médias écrits et audiovisuels pour couvrir l’événement. Ils en profitent pour faire des reportages sur la région de Oued Eddahab-Lagouira, la perle du Sahara marocain, située à quelque 1700 kilomètres de Casablanca, et à 350 km de la frontière mauritanienne.

C’est d’ailleurs l’un des objectifs de ce festival : faire connaître la région aux Marocains de « l’intérieur » (dakhili) comme on les appelle ici, et au reste du monde. Attirer le maximum de touristes et renforcer la réputation de cette ville où la mer et le désert se côtoient, où, tout au long de l’année, la température varie entre 17 et 28°, où il y a du vent, des vagues, bref, une ville qui réunit toutes les conditions pour devenir un des coins les plus prisés au monde pour la pratique des trois sports de glisse : le surf, le windsurf et le kitesurf.

La différence entre ces trois activités ?

La réponse est donnée par Philippes Bru, champion de windsurf et organisateur, en 2007, du plus grand rassemblement de windsurfers dans le monde. Il était en effet à Dakhla pour diriger la course longue distance. « Pour le surf, explique-t-il, c’est l’énergie de la vague qui pousse la planche du glisseur. Dans le windsurf, ou planche à voile, c’est le vent qui propulse le glisseur. Quant au kitesurf, c’est également l’énergie du vent qui pousse la planche du glisseur avec cette différence que la planche est tractée par un cerf-volant ». Cette niche touristique est tellement prometteuse que plusieurs opérateurs se lancent, à Dakhla et sur les plages environnantes, dans la construction d’écoles dédiées à ce sport et d’autres infrastructures d’accueil.

Ainsi, le propriétaire des bivouacs plantés au milieu de la plage du PK30, est en train de finaliser, pour l’accueil des mordus de ces sports, la construction d’un campement original. Des unités en pisé de sable pour une capacité de 150 personnes, avec restaurant, bar et spa. Un véritable complexe pieds dans l’eau, comme il n’en existait pas à Dakhla jusqu’à ce jour. Comme il est interdit de construire en dur, on a planté sur le sable des panneaux sandwichs habillés de sable. De même qu’à l’intérieur, on a respecté scrupuleusement le décor sahraoui qui cadre avec la nature environnante. L’idée, explique Ali Hamilou, DG de Dakhla Attitude, une entreprise appartenant à l’homme d’affaires Karim Snoussi, également investisseur dans la pêche hauturière, est d’« intégrer ces constructions, fondues dans le sable, à la nature ambiante ». Les unités se superposent sur quatre niveaux pour offrir aux résidents une belle vue sur la lagune. Pas de route asphaltée pour y accéder, mais trois kilomètres d’une piste si caillouteuse que seuls des 4x4 peuvent s’y aventurer. Montant de l’investissement : 20 MDH.

A quelques encablures du PK30, un autre site entre mer et désert, d’une autre beauté. Là, une dune blanche haute d’une cinquantaine de mètres, trône au milieu du rivage mouillé lorsque la marée est basse. A marée haute, l’eau l’encercle de tous les côtés mais elle reste visible et d’une blancheur éclatante. Même s’il faut parcourir 6 kilomètres de piste pour l’atteindre, quelques promoteurs touristiques commencent à lorgner de ce côté pour bâtir des infrastructures d’accueil.

Pour ceux qui l’ont connue il y a quelques décennies, Dakhla était un patelin perdu dans le désert où ne s’aventuraient que les nomades à dos de chameaux ou des engins militaires. Notre chauffeur, Hammadi, un quadragénaire originaire de la région, qu’il connaît « pièce par pièce », comme il dit avec son accent hassani, est le plus indiqué pour nous en parler. « Il y a une dizaine d’années, personne ne venait chez nous. Vous, habitants de l’intérieur, vous êtes obnubilés par le nord et vous oubliez le sud. Ne venaient ici que les vieillards pour camper dans leurs caravanes, fuyant la rudesse de l’hiver chez eux. Depuis la visite du Roi Mohammed VI en 2001, quelque chose a changé ». Sur toute l’étendue de la baie, nous remarquons en effet par endroits, à partir du PK 15, des camping-cars occupés par des Européens en mal de soleil, torse nu, en train de bronzer.

En 2008, Dakhla est une cité en plein essor, avec hôtels, restaurants, écoles, dispensaires, que touristes et opérateurs économiques viennent explorer, certains pour déposer des dossiers d’investissement auprès du Centre régional d’investissement (CRI) de Oued Eddahab-Lagouira. Pour l’année 2007, le montant d’investissement des projets approuvés par ce dernier a atteint 1,27 milliard de dirhams, soit une augmentation de 33,18% par rapport à la même période de l’année 2006. Ces projets généreront quelque 5231 emplois. Pour la même année, le CRI a enregistré la création de 167 entreprises, soit une augmentation de 22,7% par rapport à l’année 2006. Anciennement baptisée Villa Cisneros, du nom d’un homme politique et cardinal espagnol, cette presqu’île d’une cinquantaine de kilomètres carrés (la région de oued Eddahab-Lagouira s’étend sur 142.864 km2, soit près de 20% du territoire national) compte actuellement 100.000 habitants, deux ports de pêche, et son économie est fondée principalement sur la pêche, l’agriculture sous serre et le tourisme.

Ce n’est que le 14 août 1979, après le retrait de l’armée mauritanienne sous les coups de boutoir du Polisario, que cette région a été récupérée par le Maroc. Les autorités marocaines ont fait déplacer pour la peupler des milliers de Sahraouis, dont plusieurs vivent encore sous la tente malgré les efforts de la wilaya pour les sédentariser. De nombreux chauffeurs de taxi viennent d’Agadir, de Marrakech, voire de Casablanca, de Fès et de Meknès. D’anciens militaires ont préféré, après la retraite, habiter à Dakhla. Hassan, l’un d’entre eux, lui-même originaire d’Agadir, estime que les Marocains de l’intérieur « ont tort de bouder la région, où la vie est pourtant moins chère ». Les produits alimentaires, huile, sucre, farine... y sont en effet à moitié prix, le gasoil est à peine à 4,38 DH et le super à 6,12 DH. On y trouve du poisson à profusion, à la portée de toutes les bourses. Brahim, serveur au Samarcande, restaurant du centre- ville, face à la baie, est heureux à Dakhla comme un poisson dans l’eau. Pour lui, la ville connaît un élan touristique sans précédent, et la restauration et l’hôtellerie se développent à vue d’œil. Il touche un salaire de 3000 DH, il loue un appart de deux chambres à 600 DH, le reste, il l’économise. « De toute façon, ici, il n’y a nulle part où dépenser de l’argent, et tout est bon marché ».

Le tourisme, propulsé par les sports nautiques et le Festival de Dakhla, organisé annuellement par l’association Mer et désert, a en effet le vent en poupe et de beaux jours devant lui. Malgré l’incertitude qui règne encore quant au statut politique de cette région, les habitants de Dakhla, mélange d’autochtones sahraouis et de Marocains de « l’intérieur », sont très confiants. Ils sont là, sur une terre qui ne peut être que la leur, et savent faire la fête.

Les concerts du festival sur la place Hassan II, face au Sahara Regency (le seul hôtel 5 étoiles de la ville), où se sont produites quelques stars comme Kadhem Saher, Najat Atabou, Tagadda, H-Kain et Haoussa... ont charrié des foules, femmes drapées dans leur m’lehfa sahraouie, hommes dans leur ample gandoura, et enfants excités par la perspective. Debout ou assis à même les trottoirs, ne voulant rien rater du spectacle, ils veillent jusque tard dans la nuit. La ville semble se réveiller subitement de son sempiternel engourdissement pour découvrir soudain qu’on s’intéresse à elle. Habitants de la ville et festivaliers, pris de fringale en fin de soirée, se bousculent devant des échoppes enfumées : de la viande hachée de chameau crépite sur le feu de bois. Dans un demi-pain rond, avalée avec un verre de thé sahraoui, quelle délice ! Sur la terrasse du Sahara Regency, surplombant la place qui abrite les concerts, des festivaliers, opérateurs touristiques, hommes d’affaires, cadres, journalistes... suivent le spectacle tout en sirotant un verre.

Parmi eux, l’air joyeux, un homme d’affaires français

Pour rien au monde, ce quinquagénaire ne renoncerait au plaisir de s’installer sur cette terrasse pour prendre un pot en fin de journée. La foule l’attire comme un aimant, son besoin de communication avec ceux de « l’intérieur » est irrépressible. Il s’agit de Bernard Vivien, le premier investisseur touristique français de Dakhla.

Une quinzaine d’hôtels, dont le Calipau Sahara, qui allie le style riad au confort des grands palaces

Sa relation avec le Maroc remonte à 2003. Après 25 ans dans la radio (radio Tholon), en France, une chaîne généraliste couvrant la Haute-Savoie et la Suisse romande, il vient par hasard au Maroc pour une virée touristique. Il ne le quittera plus. Deux riads achetés et rénovés à Marrakech, deux autres à Fès, un immeuble de quatre étages dans la ville ocre. En 2005, il va à Dakhla sur conseil d’une connaissance. Il tombera immédiatement sous le charme. La presqu’île au milieu de la belle lagune lui rappelle le Mont Saint-Michel. « Une merveille qui n’attend que des hommes pour la peupler, la construire. On dirait qu’elle n’existait pas avant que j’arrive, qu’on a déroulé sa baie avant que je la visite », s’enthousiasme-t-il. Flairant un avenir touristique radieux pour Dakhla, il achète un terrain de 3600 m2 et entame la construction de Calipau Sahara, un grand hôtel « pieds dans l’eau ». Il accueillera ses premiers hôtes en août prochain, exactement « le 14, anniversaire de la récupération de Oued Eddahab, dit-il, pour que l’inauguration ait un impact médiatique important ». Ce sera le plus grand hôtel jamais construit à Dakhla. Il est depuis trois ans dans cette ville magique et ne veut la quitter à aucun prix, même s’il lorgne déjà du côté mauritanien pour un autre projet touristique.

Dakhla, ville incertaine ? Sourire en coin, M. Vivien s’emballe : « Le Maroc, c’est déjà la sécurité. A Dakhla, c’est l’ultra-sécurité. Ici, tout le monde se connaît, plusieurs communautés se côtoient. Certes, il y a des discussions chaudes, comme partout ailleurs. Mais rien ne vient troubler la quiétude de la cité et la nonchalance de ses habitants ».

Le Calipau Sahara viendra s’ajouter à la quinzaine d’hôtels de la ville, dont l’hôtel Bab al Bahr, que son gérant, Karim Bakka, a choisi d’inaugurer pendant le festival. Sur une superficie de 1500 m2, il comprend 35 chambres, une salle de réunion, un spa et un restaurant au bord de la mer. Coût : 20 MDH. Notons qu’avec son acolyte José Kamal, dans Dakhla aventure, Karim Bakka développe lui-même les sports de glisse et a même créé une école, en 2001.

L’association « Touche pas à mon enfant » crée une antenne à Dakhla
Dakhili et gens de Dakhla vivent en symbiose, et des relations étroites se tissent entre les réseaux associatifs des deux parties du Maroc. La représentante de l’association de lutte contre la pédophilie « Touche pas à mon enfant », Jamila Arsalane, est venue d’Agadir le temps du festival pour implanter une antenne à Dakhla. Plusieurs plaintes pour agressions sexuelles contre des enfants, commises à Dakhla, sont en effet parvenues, via le numéro vert, à l’association à Marrakech et Agadir. Mme Arsalane est entrée en contact avec la présidente de l’Association de solidarité sociale de Dakhla, Siatou Dlimi, pour créer cette antenne. « Les gens ici, affirme Siatou, originaires de Dakhla, n’osent pas en parler, mais les agressions sexuelles existent, notamment dans le camp “Al wahda”, et nous essayons d’alerter l’opinion publique sur ce phénomène » (le camp Al wahda a été créé après 1979 pour abriter les Sahraouis d’autres régions du Sahara venus peupler Dakhla, NDLR). Bilal Samba, directeur du Croissant rouge marocain, est également très impliqué dans l’associatif, « et le wali de la région, dit-il, implique étroitement le tissu associatif de Dakhla dans tous les projets sociaux ». Lui-même est commissaire régional de la Fédération nationale de scoutisme et du comité artistique du festival.

Source : La vie éco - Jaouad Mdidech

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