Les expulsions des sans-papiers en nette augmentation en France

13 juillet 2008 - 12h26 - France - Ecrit par : L.A

Hausse du nombre de reconduites à la frontière, accélération des départs volontaires d’étrangers sans papier, augmentation de l’immigration de travail par rapport à l’immigration familiale et réduction du nombre de sans-papiers. Tel est le bilan dressé, vendredi 20 juin 2008, par le ministre français de l’Immigration et de l’Identité nationale, Brice Hortefeux, au terme d’un an d’action et alors que la France entamait sa présidence de l’Union européenne, dont l’une des priorités sera l’immigration.

Vantant un « rééquilibrage très net en faveur de l’immigration professionnelle », annonçant que sur la période du 1er juin 2007 au 31 mai 2008, le nombre d’étrangers venus travailler en France se serait élevé à 30.170, soit une progression de 36,7%, et qu’en parallèle l’immigration familiale aurait baissé de 12,6%, le ministre s’est réjoui du nombre des reconduites à la frontière, qui auraient augmenté de 31% en 2007 et de 80% pour les cinq premiers mois de 2008, ce qui représente 14.660 sans-papiers expulsés du sol français depuis le 1er janvier, et 29.729 de mai 2007 à mai 2008, dont 3300 de Marocains. Un bilan qui illustre pour lui une réussite digne de faire « école en Europe », alors que Paris s’apprête à prendre la présidence de l’UE, avec en prévision l’adoption d’un pacte européen de l’immigration préparé depuis des mois par le gouvernement français.

Un premier pas dans ce sens a d’ailleurs déjà été franchi. Le Parlement européen a adopté, mercredi 18 juin, la très controversée “directive du retour”, surnommée « directive de la honte », qui vise à harmoniser les règles d’expulsions dans les vingt-sept Etats membres de l’Union européenne et dont la principale mesure concerne la durée de rétention des immigrés sans-papiers, fixée désormais à dix-huit mois, si le retour est compliqué par manque de coopération de l’intéressé ou de son pays d’origine. En outre, la loi, qui avait déjà été approuvée par les chefs de gouvernements, valide l’expulsion des mineurs. A noter par ailleurs, qu’à l’heure de la présentation par Hortefeux du premier bilan annuel de son ministère, le débat sur les centres de rétention est relancé après l’incendie qui s’est déclaré, dimanche 22 juin, dans le centre de Vincennes, le plus grand, où sont parqués les sans-papiers de France, après la mort d’un Tunisien de 41 ans, qui a succombé à un arrêt cardiaque après avoir demandé des soins sans les obtenir, selon Réseau Educations Sans Frontières (RESF).

Le fil des évènements de Vincennes ressemble à d’autres scénarios survenus dans d’autres lieux d’enfermement : les prisons, où chaque mois des hommes (sans -papiers) décèdent en cellule, ce qui contribue à attiser les tensions parmi les détenus. Les déclarations de Hortefeux ont certainement joué un rôle. Les chiffres de la honte affichés dans son bilan, ont, sans nul doute, contribué à jeter de l’huile sur le feu dans un contexte de course aux chiffres en matière d’expulsions contestées par une grande majorité des Français.

Combien de fois a-t-on entendu dire à gauche comme à droite que « c’est le peuple qui ne veut pas d’une régularisation globale des sans papiers ». Cette majorité gouvernante qui se défausse sur le peuple pour échapper à sa responsabilité politique est maintenant confrontée aux résultats sans appel du dernier sondage publié par Le Parisien : 73% des français sont pour une régularisation de tous les sans papiers qui ont des enfants scolarisés, 12% sont pour la régularisation de tous les sans papiers, 10% sont pour aucune régularisation, 5% ne se prononcent pas. En fait 85% des sondés sont pour une régularisation massive.

Ce chiffre dépasse de 3 points le pourcentage de Français qui ont voté Chirac contre Le Pen au second tour de l’élection présidentielle du 5 mai 2002. Les sondés condamnent aussi catégoriquement à 64% la restriction du regroupement familial par la loi de Hortefeux, et soutiennent majoritairement les actions d’intégration des immigrés avec ou sans-papiers. Intégration qui s’avère, à juste titre, difficile à concrétiser tant que les forces politiques françaises continuent de désigner la communauté étrangère et plus particulièrement maghrébine, comme source principale de tous les maux de la France. Certains le disent à haute voix. D’autres approuvent en silence. Et aucune action (hormis quelques timides gestes tendant à redorer l’image combien erronée sur les conditions de l’immigration), n’a été entamée, jusqu’à présent, en vue de rassurer ces immigrés qui ne se reconnaissent plus dans le regard des autres. Ils y voient plus de suspicion que de compréhension, plus de rejet que de générosité.

Les associations des droits de l’Homme, alliées à certains partis de gauche, ont beau dénoncer, condamner cette politique du chiffre dans le traitement des humains, qui porte atteinte à l’image et aux valeurs qui font la force de la France. Le gouvernement de droite continuer, quant à lui, de vanter les chiffres d’expulsions en croissance : 25.000 en 2007, 26.000 en 2008, 28.000 en 2009, dans le but d’atteindre, si Sarkozy est réélu, le nombre de 400.000 expulsés, un nombre qui fait la population d’un pays comme le Qatar.

Invitée pour un entretien en tête à tête avec Hortefeux, RESF a décliné l’offre en soulignant dans une lettre adressée au ministre qu’une « telle entrevue nous semble autant inutile que votre ministère. Vous avez fait voter une loi destinée à empêcher les parents et les enfants de vivre ensemble. Vous avez imposé les tests ADN pour le regroupement familial, pratique jusqu’alors réservée aux affaires criminelles. Vous avez assigné à vos services l’objectif d’expulsions massives, précisant à l’unité près, les quotas dus par chaque préfecture, comme s’il s’agissait de fret. Une expulsion, c’est une humiliation totale dont on ne se remet pas. Le pays dans lequel on avait placé son espoir d’une existence nouvelle, qu’on avait parfois bataillé des années pour rejoindre, vous rejette, vous expulse et vous dépose comme un déchet, sans bagage, sur un tarmac où personne ne vous attend. Nombre d’expulsés finissent désespérés, désocialisés, à la rue, mendiants, fous ou suicidés (…) Ces raisons, entre autres, nous font décliner votre proposition d’audience. Nous vous prions, Monsieur le ministre, d’agréer l’expression de la considération que mérite votre politique’’.

Ces ravages dont parle RESF ne sont ni des accidents, ni des faux frais de la politique de Sarkozy. Ils sont son essence même puisque inspirés d’un seul thème : l’insécurité qui devient une expression “monstrueuse” pour désigner l’immigration et pour justifier le refoulement et le rejet. A suivre sur cette voie, un manuel d’histoire consacrera un jour quelques lignes à l’action Hortefeux. Il ne lui fera certainement pas honneur.

Source : Maroc Hebdo - Ahmed Elmidaoui

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