
Maroc : la sexualité hors mariage divise
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Le refus du recours au test ADN pour établir la filiation paternelle fait débat au Maroc. Entre attachement aux fondements islamiques et exigences des droits de l’enfant, la justice marocaine peine à trancher. Le cas emblématique du tribunal de Tanger en 2017 en est l’illustration.
Le débat autour de la reconnaissance des enfants nés hors mariage refait surface à l’occasion de la réforme en cours du Code de la famille. Parmi les propositions émises par les institutions démocratiques et la société civile figurait l’introduction du test ADN comme preuve légale pour établir la paternité. Une mesure vivement attendue, notamment pour défendre les droits des enfants dits “naturels”. Mais le Conseil des Oulémas s’y est opposé, au nom de la préservation des fondements de la famille islamique, lit-on sur le Policy Paper du Policy Center for the New South.
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Le droit marocain, dans sa forme actuelle, ne reconnaît la filiation paternelle (nasab) qu’à partir de trois conditions bien précises : des rapports conjugaux, un aveu du père, ou une relation sexuelle considérée comme une “erreur”. L’ADN n’y figure pas, malgré les évolutions scientifiques et les engagements internationaux du Maroc en matière de protection de l’enfance.
Cette résistance religieuse s’inscrit dans un cadre constitutionnel ambigu. L’article 32 de la Constitution de 2011 affirme que la famille est fondée sur le lien légal du mariage. Cette référence ferme au mariage comme seul socle de filiation rend difficile la reconnaissance des enfants issus de relations hors mariage.
Le cas du tribunal de Tanger, en 2017, a illustré toute la complexité du sujet. Un premier jugement avait reconnu la filiation d’une fillette à son père biologique, après expertise génétique. Une décision saluée comme historique. Mais le tribunal d’appel puis la Cour de cassation avaient annulé ce jugement, au motif qu’il ne respectait pas les règles de filiation fixées par la Moudawana.
Pour les défenseurs des droits humains, cette décision est un recul par rapport à l’intérêt supérieur de l’enfant. Elle montre aussi que la justice marocaine reste encore très marquée par une lecture conservatrice du droit islamique, au détriment de la réalité sociale : plus de 50 000 enfants naissent chaque année hors mariage, selon les chiffres avancés dans le rapport.
La réforme du Code de la famille aurait pu corriger ce déséquilibre en intégrant la preuve ADN comme une preuve légale, au même titre que les autres. Le rejet de cette proposition, malgré les attentes de la société civile, révèle une tension persistante entre référentiel religieux et référentiel universel des droits humains.
Pour les ONG et juristes mobilisés, le recours à l’expertise ADN ne remet pas en cause les fondements de l’islam, mais permettrait simplement de garantir à chaque enfant son droit à l’identité, tel que reconnu dans la Convention internationale des droits de l’enfant (article 7). Une exigence d’égalité, mais aussi de dignité.
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