Immigration choisie ou co-développement ?

18 décembre 2007 - 22h49 - Monde - Ecrit par : L.A

La question des migrations des pays du sud vers le nord est un phénomène avec lequel il faudra compter encore longtemps. Le problème des relations entre les deux rives n’est donc plus, s’il l’a jamais été, celui de substituer des échanges de biens et services ou même de transfert de capitaux à l’immigration. D’où la nécessité de développer une politique appropriée et mutuellement acceptée à cet effet dans une vision permettant de définir des engagements communs pour la régulation des flux migratoires et la protection des droits économiques, sociaux et culturels des travailleurs migrants.

Le débat est ouvert. Il est difficile, mais nécessaire. Difficile car la France et les Etats européens sont très réticents à accéder à la quatrième liberté, celle des mouvements de personnes -citée dans la « politique européenne de voisinage »- alors qu’ils sont pressés de réaliser les autres libertés comme le commerce des biens et services et des capitaux. Les réactions compréhensibles suscitées au sud de la Méditerranée sur la politique de la migration choisie soulignent également la sensibilité du sujet. Nécessaire parce qu’il est impératif d’anticiper les conséquences d’une attitude rigide, frileuse de la fermeture des frontières aux échanges humains sur les autres aspects et dimensions des relations bilatérales ou multilatérales.

La politique migratoire pratiquée par certains pays de l’Union européenne en matière d’immigration économique est relativement diversifiée : les procédés de sélection des travailleurs (système de points...) et les politiques des quotas ou de limitations numériques menées par l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni ou l’Autriche sont aussi riches d’enseignement. La France doit profiter de l’expérience de ses partenaires même si l’on convient que les « meilleures pratiques » ne peuvent être simplement transposées, car l’efficacité d’une politique migratoire donnée dépend largement de son contexte économique, social, historique.

La politique de l’immigration choisie nous interpelle sur quatre questions essentielles. La France a-t-elle besoin de recourir aux migrations économiques pour faire face à ses besoins de main-d’œuvre ? Oui ! le vieillissement démographique accroît les difficultés de recrutement d’ores et déjà observées dans certains secteurs et pas des moindres : les indicateurs de tensions sont particulièrement élevés dans des activités comme l’informatique, les banques, les assurances, les ingénieurs de l’industrie, l’hôtellerie, l’agriculture.... Ces difficultés exigent un assouplissement de la restriction à la liberté de circulation.

Les politiques de l’immigration choisie ou des quotas sont-elles appropriées et souhaitables ? Non ! parce qu’elles sont discriminatoires et ne servent que les intérêts des pays du Nord. La France est bien placée pour attirer ou conserver la main-d’œuvre qualifiée et les compétences des pays du sud dans des filières diverses. Le nombre d’étudiants étrangers en France augmente rapidement. L’impact de cette tendance sur les pays d’origine est discutable.

Faut-il traiter le dossier de l’immigration dans les enceintes de l’UE ? Oui et non ! Certes, une harmonisation de la politique communautaire dans ce domaine est nécessaire. Mais nous savons que la compétence de l’UE dans ce domaine est limitée et qu’un accord est difficile compte tenu de la règles de l’unanimité. L’harmonisation s’impose mais on ne peut espérer l’adoption d’un texte positif dans un proche avenir.

Comment redéfinir la coopération entre la France et le Maroc es pays d’origine et de transit en matière de migration ? Deux réponses, l’une à court terme et l’autre en profondeur pour gérer de façon souple et efficace la migration de travail entre les deux pays. En urgence, il est nécessaire d’accélérer et rendre plus transparente l’instruction des demandes de travail pour les ressortissants marocains, de simplifier les démarches de visa pour les séjours des professionnels (que de dirigeants d’entreprises marocaines, d’universitaires, de cadres se plaignent du mode de traitement de leur demande des contrôles fastidieux), de mettre en place des structures bilatérales pour organiser le séjour de migrants temporaires.

En profondeur, il faudrait agir pour promouvoir une politique de co-développement. Les émigrés représentent un potentiel qui peut être valorisé en vue du développement des pays d’origine. Deux objectifs. Le premier serait de permettre aux membres qualifiés des diasporas de circuler librement entre les deux pays et de nouer des partenariats avec les institutions qui les emploient en France et des institutions homologues dans leur pays d’origine. Il s’agit non seulement de compenser en partie les effets négatifs de la « fuite des cerveaux » mais aussi de déboucher sur un nouveau mode de relation, orientée vers le bénéfice mutuel. Le second serait de définir un cadre d’éthique favorisant les échanges de cerveaux (brain circulation), le traitement avec discernement des recrutements des ressources humaines qualifiées limitées et le couplage de la politique migratoire à celle de la formation notamment dans les secteurs et qualifications recherchées dans la France. Le co-développement ainsi conçu peut contribuer à organiser la « circulation des cerveaux » et des personnes et permettre de renouveler de manière positive la problématique habituelle de la migration.

La vie éco - Larabi Jaïdi

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Immigration clandestine - Intégration - Fuite des cerveaux - Immigration - Développement

Ces articles devraient vous intéresser :

Les Marocains parmi les plus expulsés d’Europe

Quelque 431 000 migrants, dont 31 000 Marocains, ont été expulsés du territoire de l’Union européenne (UE) en 2022, selon un récent rapport d’Eurostat intitulé « Migration et asile en Europe 2023 ».

Aéronautique : le Maroc décolle et concurrence les géants européens

À l’heure où les constructeurs aéronautiques de l’Europe peinent à répondre à la demande, le Maroc travaille à devenir une plaque tournante de l’aérospatiale.

Maroc : Trop de centres commerciaux ?

Au Maroc, la multiplication des malls soulève des inquiétudes. Les fermetures de plusieurs franchises enregistrées ces derniers temps amènent à s’interroger sur la viabilité de ce modèle commercial.

France : les étrangers en règle désormais fichés

Un durcissement du traitement administratif des étrangers, même en règle, se dessine à Nantes. Une note interne de la police dévoile une procédure inédite qui fait grincer des dents.

Maroc : la construction se porte bien, mais...

Au Maroc, la construction connaît une embellie qui n’est pas près de s’arrêter. Les perspectives sont certes globalement positives, mais le secteur reste confronté à des défis majeurs.

L’ONCF séduit les investisseurs et prépare l’avenir du rail au Maroc

Le plan d’expansion ferroviaire séduit les investisseurs qui sont prêts à financer les projets marocains. En témoigne la réussite par l’Office national des Chemins de fer (ONCF) d’une levée de fonds.

Expulsions de France : autrefois protégés, ils sont désormais visés

Depuis la promulgation de la nouvelle loi « asile et immigration » en France, les expulsions sous OQTF visent désormais plusieurs catégories d’étrangers autrefois protégées par la loi.

Bientôt une plateforme pour aider les MRE à investir au Maroc

Karim Zidane, ministre délégué chargé de l’investissement, de la convergence et de l’évaluation des politiques publiques, encourage les Marocains résidant à l’étranger (MRE) à davantage investir au Maroc, soulignant la nécessité pour le royaume...

Comment les transferts des MRE dopent l’économie marocaine

Depuis 2003, le Maroc célèbre chaque 10 août la Journée nationale des migrants. Instaurée par le roi Mohammed VI, elle offre l’occasion de mettre en lumière la contribution des Marocains résidant à l’étranger (MRE) au développement économique, social...

Un réseau familial marocain démantelé dans le Lot-et-Garonne

Les gendarmes de la Brigade de recherches de Bouliac ont démantelé un réseau d’exploitation d’ouvriers agricoles. Six personnes ont été mises en examen jeudi 12 décembre, dont un couple de Marocains placé en détention provisoire.