L’incroyable destin de Saïd Mohamed, un enfant marocain de la Ddass

11 août 2025 - 09h00 - Culture - Ecrit par : P. A

Saïd Mohamed vient de publier « Sur la Tête de ma Mère », le septième tome de sa saga familiale, aux éditions Lunatique. L’écrivain et poète marocain, qui a reçu le Grand prix international de l’Académie Charles Cros à plusieurs reprises, revient dans ce livre sur ses origines.

« Mon père, Aït M’hamed, était un terrassier marocain, un Berbère chassé de chez lui par la famine vers l’Algérie. Vichy et les Allemands cherchaient alors de la main-d’œuvre gratuite. Il ne savait ni lire, ni écrire, il ne s’est pas méfié. Au final, il s’est retrouvé à faire le Mur de l’Atlantique puis à déblayer les villes détruites. “La guerre, c’est simple, mon fils… Les Américains nous ont fait boucher les trous que les Allemands nous ont fait creuser” : il résumait ça comme ça, entre deux bouteilles », confie l’auteur dans un entretien accordé à MiDi.

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Il poursuivra : « La Mère, Solange, elle, était de Touraine. Son père la détestait jusqu’à essayer de la tuer. Enceinte à 16 ans, elle a fui sa ferme. Asociale, illettrée, pendant la guerre, elle s’est fait bûcheronne, charbonnière, braconnière, lavandière… Au final, huit enfants de cinq pères différents sans compter les avortements. Des quatre qu’elle a eus avec mon père avant de nous abandonner, je suis celui de 1957, né au Mans. Bref, “c’est du Zola”… Mais moi, j’ai préféré la “réalitture” pour écrire cette France-là, oubliée des “Trente Glorieuses”, une littérature du réel, picaresque. L’aventure quotidienne qu’est la survie des marginaux, des gueux, des immigrés, des réfugiés, de tous les assignés à résidence par leurs origines, bref, le tragique de leur existence, ça se comprend mieux avec du rire que des larmes. »

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Ecrivain et poète, Saïd Mohamed a déjà à son actif sept romans et quinze recueils de poésie, et des CD. Il a remporté le Grand prix international de l’Académie Charles Cros en 2022 pour « Délits de faciès » et en 2018 pour « Un Toit d’Étoiles ». « La chance de ma vie a été d’être placé… Mon enfance, mon adolescence, c’est donc la Ddass. Et c’est alors lire dans les yeux des autres qu’on est un paria, un relégué… mais ça m’a aussi sauvé. En foyer, il y a une bibliothèque : je lis. Jules Verne, L’Île mystérieuse, Daniel Defoë avec Robinson Crusoé… Quand tu es toi-même un naufragé, ça te permet de reconstruire un univers. En 3ᵉ d’adaptation, j’avais 16 ans et je tombe sur cette prof de français qui nous demande la traditionnelle rédaction “racontez vos vacances”. J’écris mon voyage au Maroc avec mon père et elle me dit “c’est bien”. Ça change tout… »

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L’auteur de « Délits de faciès », publié en 1989, explique avoir choisi de publier ce texte en version CD « parce que depuis 1989, rien n’a changé. Police aux frontières, chasse aux exilés, rejet… “Refoule au camp de rétention les lueurs étouffées des poussières de vie, ces arbres poussés dans la nuit” : ces mots d’alors restent d’actualité quand des milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, meurent en Méditerranée dans l’indifférence du Nord à l’égard du Sud et qu’on enferme les autres. Délits de faciès, c’est le langage de l’opprimé. » Dans son nouvel ouvrage « Sur la Tête de ma Mère », Saïd Mohamed revendique aussi son identité française. « Je suis redevable de tout à la République française. Grâce à la Ddass, à l’époque, on a eu droit à une société qui nous a protégés, nourris, blanchis, éduqués et élevés au rang d’hommes. Je suis redevable de tout cela à la République, et notamment d’avoir pu m’extraire de ma condition grâce à l’art. »

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