Dans ce premier ouvrage, Marouane Bakhti raconte l’histoire d’un jeune homme qui a quitté la campagne pour une vie tourmentée à Paris et qui écrit pour livrer « une chasse aux hontes et aux fantômes sylvestres ». S’agirait-il d’une autobiographie ? « Je n’ai jamais cherché à définir mon récit sous ces termes-là. Justement, cette tension permanente entre les faits advenus et la fiction nourrit mon écriture. Pour commencer ce que j’ai décidé d’appeler « roman », j’ai sauté dans cet inconnu, cette zone floue, ce marécage qui existe entre la littérature et la vie réelle. […] Mes souvenirs sont une matière comme une autre pour faire un livre », clarifie Bakhti dans un entretien à Diacritik.
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Le roman exprime un désamour du rural et la difficulté d’un adolescent à vivre à la campagne dans ce 21ᵉ siècle. « C’est vrai, le roman raconte une rupture avec la campagne. Le narrateur formule un refus adolescent et en ce sens, catégorique, de ses origines rurales. Il grandit entouré par des gens qui ne comprennent rien à sa double culture, à sa masculinité bizarre, à son désir pour les autres garçons… Il fait donc le choix radical du départ. Il rompt, dans le même temps, avec sa famille aux cultures mélangées. C’est évidemment un échec. On ne devient pas soi-même en abandonnant les siens. Encore plus lorsque l’on est membre d’une diaspora, rompre avec sa famille signifie perdre tout accès à sa culture d’origine », détaille-t-il.
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Dans l’ouvrage, l’auteur développe aussi une thématique d’actualité : l’homosexualité et la difficulté à la vivre. Il parle de « la peur d’être pris en flagrant délit de désir, d’être démasqué, au fond du ventre, de faire un faux pas qui nous plongerait dans l’embarras. Dans sa famille, le personnage connaît surtout le silence et la honte. Les siens sont dans l’impossibilité d’imaginer sa différence, de la caractériser, de poser des mots sur son désir… Les jeunes garçons qui s’ennuient peuvent être redoutables. Comment sortir du monde, c’est aussi comment s’émanciper de la hshouma. J’aime imaginer que c’est un sentiment possible à éradiquer ».
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Comment faire son coming out de l’homosexualité, de ses origines et du religieux ? C’est, au fond, la trame de « comment sortir du monde ? ». « C’est un titre qui m’est venu comme ça parce qu’il recouvre tous les questionnements du personnage. Finalement, c’est une phrase très ironique, car le personnage ne fait pas de coming-out à proprement parler », déclare l’auteur. Et d’ajouter : « Qu’est-ce qu’une masculinité « arabe » ? Voilà les grandes questions auxquelles se heurte le personnage du père. En fait, beaucoup de parents issus de l’immigration tentent de préserver leur culture d’origine. Ils racontent à leurs enfants des cultures stéréotypées à partir de leurs souvenirs ou de leurs fantasmes. Le père craint d’élever un fils trop français, déconnecté de sa culture d’origine ».