Industrie de la nuit : un business qui rapporte gros !

10 avril 2007 - 00h00 - Maroc - Ecrit par : L.A

9% des Marocains sortent le soir et dépensent entre 200 et 500 DH par sortie et par personne. Les marges dans ce business peuvent aller jusqu’à 400%. L’essentiel des gains est réalisé dans les ventes d’alcool.

Vendredi soir, dans un pub branché de Casablanca. Musique à fond, alcool à gogo, jeunes cadres dynamiques au comptoir, aux tables et même debout entre les deux. L’affluence est à son comble et le gérant ne cache pas sa satisfaction. « Les bonnes affaires reprennent après la période de baisse d’affluence qui a suivi l’attentat du 11 mars », commente-t-il. En effet, l’annonce que plusieurs hauts lieux de la nuit casablancaise étaient des cibles potentielles de ces actes terroristes avait auparavant refroidi plus d’un client. « Après une dizaine de jours de tassement, l’activité reprend petit à petit », souligne ce gérant. La Bodega, à Casablanca, par exemple, qui a été citée par plusieurs articles de journaux comme destination finale des kamikazes de Sidi Moumen, a connu une baisse de 10 % de son chiffre d’affaires.

« Mais ce n’étaient que des rumeurs infondées », s’indigne son directeur général adjoint Abdelkarim Faouzi. Ces événements, et donc cette baisse de fréquentation, ne changent rien à une réalité de plus en plus évidente : le business de la nuit au Maroc est une aubaine pour ceux qui s’y sont lancés. Et pour cause, les marges tournent en moyenne autour de 400 % !

Des petites combines pour gonfler les recettes

Prenons l’exemple d’une consommation d’alcool fort. Le verre de whisky de qualité moyenne est proposé à près de 100 DH. La bouteille de 750 ml permet de servir 14 doses. Sachant que le prix moyen est de 200 DH par bouteille, on peut facilement faire le calcul et trouver la marge bénéficiaire de l’établissement, un petit calcul d’autant plus édifiant quand on sait que près de 80 % du chiffre d’affaires de ces lieux de fêtes nocturnes provient de la vente de boissons alcoolisées. Bars, pubs, restaurants, lounges et discothèques ne dérogent pas à la règle. Dire que le texte de loi régissant le commerce de boissons alcoolisées au Maroc interdit la vente aux non-musulmans (voir encadré) ! Malgré ces marges importantes, de nombreuses pratiques se rapportant essentiellement à la qualité des boissons offertes aux clients sont monnaie courante : une bière périmée par-ci, une vodka de piètre qualité qu’on fait passer pour excellente par-là, ou encore un whisky ou gin de contrebande. « Au-delà d’une certaine dose d’alcool ingurgitée, difficile de faire la différence entre les qualités », explique le barman de cette discothèque branchée d’Aïn Diab.

Ce dernier avoue avoir lui-même servi à ses clients, au moment où il officiait dans un bar « traditionnel », des fonds de bouteille de bière qu’il re-versait dans une bouteille re-capsulée et qu’il faisait passer pour une bouteille neuve. « Mais ces pratiques sont plus fréquentes dans des établissements qui n’ont pas le souci de fidéliser leur clientèle ou alors en haute saison, l’été par exemple, où l’on a droit à une fréquentation plus cosmopolite que le reste de l’année ». Ces pratiques ont cours en dépit du fait que le secteur est très surveillé par les autorités locales. Ces sont les Renseignements généraux (RG) qui s’en chargent et qui passent au peigne fin chaque détail de la licence d’alcool. La plus fréquente, et la plus souvent accordée, est la formule alliant alcool et nourriture servis sur place. « Les RG n’hésitent pas à inspecter les tables pour voir si l’on sert des plats cuisinés ou uniquement de l’alcool à nos clients », souligne le propriétaire d’un pub qui, en quelques années d’existence à Rabat, est devenu un rendez-vous incontournable des fêtards de la capitale.

« 60 à 70% de notre clientèle est marocaine »

Cette bonne santé confirme une tendance reconnue taxant les Marocains de « définitivement fêtards », comme le souligne Saâd Kabbaj, propriétaire du Pacha, à Marrakech. « 60 à 70 % de notre clientèle est marocaine », ajoute-t-il. C’est ce qui l’a d’abord poussé à investir près de 80 MDH dans ce projet d’animation nocturne. Tendance confirmée par les propriétaires de la Bodega, qui fait partie du même groupe que la Bavaroise, la Scala et le restaurant du Port, à Mohammédia. Une étude de marché qu’ils ont réalisée indique que 9 % de la population marocaine sort régulièrement. La dépense moyenne d’une personne par sortie varie entre 200 et 500 DH selon le revenu de l’interessé et le standing des établissements fréquentés. Cette population de fêtards se divise en deux catégories distinctes. « Il y a d’abord les très jeunes, dont l’âge varie entre 18 et 25 ans. Ceux-là fréquentent le plus souvent des discothèques où l’ambiance est des plus branchées.

La seconde catégorie de fêtards se compose de jeunes cadres âgés de 25 à 40 ans qui préfèrent se rendre dans des pubs ou des lounges où l’ambiance est plus intime », explique Saâd Kabbaj. « Je ne sais pas si l’on peut parler d’industrie », précise pour sa part le DJ d’un restaurant branché de la capitale économique. « Tout ce que je peux dire du haut de mes dix années d’expérience, c’est que le secteur rapporte beaucoup d’argent », ajoute-t-il, en donnant comme exemple les lubies de certains patrons de boîtes ou pubs qui n’hésitent pas à investir de grosses sommes pour attirer les grands noms de l’animation nocturne à l’échelle internationale.

David Guetta a par exemple l’habitude de faire grincer ses platines à Marrakech. Et il n’est pas le seul. Le 1er juin prochain, une discothèque qui a pignon sur rue dans la région de Casablanca recevra Erick Morillo, DJ de renommée mondiale. Ce dernier ne fera pas le déplacement au Maroc pour rien. Il touchera la somme de 400 000 DH !.

La vie éco - Fadoua Ghannam

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