Les juifs ont-ils le droit d’être solidaires du peuple irakien ?

28 mars 2003 - 13h01 - Monde - Ecrit par :

Al Asar du 10 Mouharram (14 mars 2003) publie un article signé Fouzia Hajbi, elle y proclame sa colère. Pourquoi ? Parce que la présence juive dans la manifestation de soutien à l’Iraq du 2 mars à Casablanca l’a empêchée de maudire les juifs à son aise.

Le Comité de soutien au peuple irakien avait bien fixé la liste des slogans, tous exclusivement en faveur de l’Iraq et de son peuple, contre la guerre. Mais cela n’avait pas empêché les amis d’Al Asr de commencer la manifestation avec des "Khaybar Khaybar y a Yahoud, jaich Mohammed Sayaoud" et des "Allah akbar asifa lilyahoud nassifa" sans doute pour s’échauffer les cordes vocales. Deux slogans dont le programme n’est rien moins que menaces de mort violente pour "les juifs", sans faire de détail

Ce que voyant, "un juif" le fit remarquer aux organisateurs qui en firent la remarque à qui de droit. C’est pourquoi, durant la seconde moitié du défilé, les slogans anti-juifs disparurent.

Mais notre "chroniqueuse" est restée sur sa faim du coup on se défoule contre le "maghzen" et "les juifs infiltrés dans les manifestations pour orienter l’opinion publique contre sa spontanéité".

Le peuple marocain n’est pas "spontanément raciste". Il sait cohabiter depuis 2000 ans. Mais cela ne fait pas l’affaire des intégristes, auxquels il faut un punchingball facile non pour manifester leur solidarité avec qui que ce soit, mais pour s’auto-éduquer dans la haine de tout ce qui n’est pas eux-mêmes ou sous leur influence. Les "juifs" deviennent ainsi le "mal-absolu". "Allahouma arzoqni adawat al yahud", écrivait Attajdid, cet été

Mais il se trouve qu’il y a des juifs au Maroc, qu’ils y sont depuis deux millénaires ; que c’est leur pays, leur terre, comme celle de leurs voisins et amis musulmans, avec lesquels ils forment la nation marocaine. Les uns sont de droite, d’autres de gauche, d’autres ne font pas de politique, ou gardent leurs opinions pour eux. C’est leur droit de citoyens. Et parmi ces droits, celui de manifester leur soutien au peuple irakien.

Car la solidarité ne saurait être une affaire de religion. Et heureusement, elle ne l’est pas : Chirac n’est pas musulman, le Pape non plus, les millions d’Italiens, Espagnols, Français, Anglais, Américains et autres qui manifestent contre la guerre impérialiste le font en dehors de toute considération de religion, au nom de l’humanisme, de l’internationalisme, de la solidarité entre tout le genre humain, et non pas dans un sens étriqué, restrictif étroitement communautaire.

Et c’est cette solidarité avec L’AUTRE qu’il soit de son propre pays ou d’ailleurs, qui a un poids politique vrai.

L’histoire l’a démontré.

Simon Lévy pour libération

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