Les Marocains paient-ils trop d’impôt ?

30 octobre 2007 - 00h37 - Economie - Ecrit par : L.A

Les contribuables marocains, personnes physiques et morales, paient-ils trop d’impôt ? Voilà une question qui, décidément, ne supporte pas de réponses tranchées. Si l’on utilise la mesure, universelle, de la pression fiscale, on constate alors que les recettes fiscales rapportées au PIB ne sont pas si élevées que cela : une moyenne de 22 % entre 2000 et 2006. Pour 2007, la pression fiscale devrait se situer à 22,8 %, selon les prévisions du ministère des finances. Dans les pays de l’OCDE (Organisation de la coopération et du développement économique), la pression fiscale était en moyenne de 36,2 % en 2005 (chiffre disponible).

Mais, comme dit l’adage, comparaison n’est pas raison. Pourquoi ? Pour deux raisons essentielles. Dans les pays occidentaux développés, la hausse du niveau des recettes fiscales dans le PIB n’est pas forcément le résultat d’un surcroît de pression fiscale mais d’une progression spontanée (à législation constante) des impôts, dopés par la croissance. Ceci d’une part.

L’étroitesse de l’assiette fiscale dénature le niveau de la pression

D’autre part, même lorsque le niveau des prélèvements est effectivement élevé, comme c’est le cas dans les pays nordiques ou encore au Canada, le citoyen perçoit directement et indirectement la contrepartie de l’impôt dont il s’est acquitté : équipements collectifs développés et gratuits, environnement sain, sécurité, transport collectif de qualité, etc.

Quid du Maroc ? Le problème de la fiscalité au Maroc, et le constat a été fait y compris par l’administration fiscale, réside fondamentalement dans l’étroitesse de son assiette. Plus simplement, cela veut dire que seule une minorité paye vraiment l’impôt. De ce point de vue, le taux de 22 % du PIB de la pression fiscale, quoi que pas trop élevé dans l’absolu, est en réalité trop pesant puisque supporté par un nombre de contribuables réduit par rapport au potentiel. Environ 3 millions de contribuables paient l’impôt sur le revenu (l’IR).

En 2006, 50 sociétés seulement ont contribué à hauteur de 56% aux recettes totales de l’impôt sur les sociétés (l’IS). Et sur ces 56% des recettes, la part du secteur public représente 17,5% et celle du secteur des télécommunications 17,4%. Idem pour la TVA à l’intérieur : en 2006, sur les 50 sociétés qui ont versé 56% des recettes totales de l’IS, 32 seulement ont effectué des versements représentant 48% des recettes totales de la TVA ; les 18 sociétés restantes n’ayant effectué aucun versement. Ce sont là des chiffres fournis par Noureddine Bensouda, directeur général des impôts, lors d’un récent colloque sur la réforme des finances publiques tenu à Rabat. A tout cela, il faut ajouter les dépenses fiscales découlant de l’importance des exonérations et qui occasionnent un manque à gagner estimé, en 2006, à 21,5 milliards de dirhams (et encore, ce montant serait sans doute plus élevé si les 405 mesures dérogatoires avaient été toutes évaluées).

La progression des recettes, une opportunité pour baisser les taux
D’une certaine manière, c’est cette étroitesse de l’assiette fiscale au Maroc qui explique, en grande partie, les progressions assez élevées des recettes fiscales ces dernières années. Car si, en 2006, à titre d’exemple, l’IS a progressé de 28%, la TVA de 30% et les droits d’enregistrement de 13,7%, c’est principalement en raison de l’action de l’administration fiscale (qui dissuade de plus en plus les assujettis de se soustraire au fisc), en sus, bien sûr, des mesures législatives adoptées dans les dernières Lois de finances. Cela explique le manque de corrélation entre la progression des recettes fiscales et celle du PIB.

Il est significatif en effet que, même en période de sécheresse comme en 2006/2007, alors que la valeur ajoutée agricole a été négative et que la croissance globale ne dépasserait pas 2% cette année, le taux d’accroissement de la TVA a atteint 23,3% à fin août 2007 (dont 18,8% pour la TVA à l’intérieur et 27% à l’importation), tandis que l’IS a, lui, progressé de 20% et l’IR de 16%. Donc, cette marge de progression des recettes, due à l’importance de l’évasion fiscale, est à la fois une opportunité, puisque la réduction progressive de ce phénomène offre des possibilités de baisser les taux d’imposition, et une source d’inquiétude dans la mesure où l’évolution des recettes paraît déconnectée de la croissance économique. Mais ce qui inquiète certains observateurs, c’est le renversement de la structure fiscale : depuis 2004, en effet, les recettes des impôts indirects dépassent celles des impôts directs. Bien que ce soit là l’objectif poursuivi par les pouvoirs publics, en raison, disent-ils, de la neutralité économique de la fiscalité indirecte, pour d’autres, en revanche, ce renversement n’est pas de nature à préserver les plus vulnérables. Tout un débat !

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