La mendicité au Maroc : Une activité florissante

26 mai 2003 - 16h28 - Maroc - Ecrit par :

On les retrouve à proximité des mosquées, des centres commerciaux, des boulangeries. Parfois, ils sont en horde et font du porte-à-porte dans les quartiers résidentiels. Ils, ce sont les mendiants. Leurs lieux de rendez-vous hebdomadaire, les vendredis, devant la maison d’un homme d’affaires ou une personnalité charitable.

La mendicité est un réseau bien organisé. On ne peut pas mendier n’importe où sans payer une somme d’argent aux propriétaires des concessions. Pour chaque zone, il y a un proriétaire auquel les mendiants doivent verser un droit d’occupation. Donc de mendier”.

À l’entrée de la gare Rabat-ville, je suis abordée par un jeune homme, d’une trentaine d’années, portant un costume couleur sombre, une chemise blanche et fraîchement rasé. D’une manière très polie, il me demande si je pourrais lui donner dix dirhams pour qu’il puisse prendre son ticket. Il m’a raconté qu’il était de Casablanca, qu’il est venu à Rabat pour régler des affaires administratives et qu’il a perdu son porte-feuilles. Je lui ai donné les dix dirhams et je suis partie en pensant que ce genre d’incident arrive. Comme dit l’adage marocain "moule taj ou kayehataje" (personne n’est à l’abri du besoin). À aucun moment, je ne me suis posé la question sur l’authenticité de récit. Il avait l’air sérieux, parlait d’une voix basse et semblait gêné de demander de l’argent à une inconnue.
Néanmoins, le temps me prouvera que les apparences sont souvent trompeuses et que ce jeune homme que j’ai croisé n’est autre qu’un mendiant. La providence m’a mené à Rabat. En descendant du train, je vois le même homme.

Apparences

Il était à l’œuvre. Une autre victime l’écoutait attentivement. Je l’ai vu lui donner les dix dirhams. À ce moment-là, j’ai compris son stratagème et je décide de lui jouer un tour. Je me dirige vers lui. J’étais certaine qu’il n’allait pas me reconnaître. Effectivement, le même scénario se répète. "Excusez-moi, ma sœur, je suis très gêné de vous demander cela, mais je suis dans le besoin. J’ai égaré mon porte-feuille et je n’ai plus d’argent pour rentrer chez moi, à Casablanca. Si vous pouvez m’aider en me donnant une pièce de cinq ou dix dirhams pour acheter mon ticket", raconte le jeune homme. Je lui ai répondu que je pouvais mieux faire et que je lui propose de payer son ticket directement au guichet. Il m’a regardé, perplexe, et a accepté en me remerciant de ma générosité.
À peine, ai-je eu le dos tourné qu’il a disparu. Je l’ai cherché partout, en vain. Je me suis décidée de rester sur place car j’étais sûre qu’il allait revenir. Ma pensée se confirme. Après une demi-heure, il est de retour et reprend sa place. Je l’approche encore une fois, je lui suggère gentiment de discuter de son histoire autour d’un café. Il accepte tout en restant sceptique. Son secret est celui-ci.

Tactiques

Ce jeune homme se prénomme Abdelkader, il est issu d’une famille modeste habitant au quartier Yacoub El Mansour, à Rabat. Niveau Baccalauréat, Abdelkader n’a pas trouvé de travail. Il a envoyé des demandes d’emploi partout, sans réponse. Son âge avancé ne pouvait pas lui permettre d’intégrer un atelier pour apprendre un métier, il est resté oisif. Ses parents ne peuvent le prendre en charge -son père est retraité et sa mère femme au foyer-, il devait subvenir à ses besoins.
Abdelkader a opté pour la facilité. Il a pensé que le seul moyen pour se tirer de sa situation est de mendier, mais pas de n’importe quelle manière. Profitant de son physique avantageux et sa belle carrure, ce jeune homme rusé pense à une stratégie pour soutirer de l’argent aux gens sans tendre la main. "Je ne voyais pas une autre issue à ma situation. À chaque fois que ma mère me grondait et m’insultait, c’était une blessure qui s’ouvrait. Chaque jour, je me réveillais sur le même discours. Il faut que tu travailles et que tu ramènes de l’argent. Je répondais : est-ce que tu veux que j’aille mendier ? Un jour, je me dis et pourquoi pas ? Je vais commencer à le faire. C’etait très difficile au départ. Je me suis entraîné face au miroir pendant quelques jours et je me suis lancé sans hésitation", déclare Abdelkader. En effet, son idée est bien étudiée. Il a pensé à tout, même aux accessoires. Il a acheté son costume et sa chemise de Souk El Ghezl à Rabat. Il est tout le temps bien rasé et bien coiffé. De

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