Migration/Euromed : l’Europe à la sauce « sarkozienne » ?

30 janvier 2007 - 00h22 - Maroc - Ecrit par : L.A

Depuis le 1er janvier 2007, il revient à la République fédérale d’Allemagne d’exercer la présidence du Conseil européen. Les attentes sont importantes, en particulier le « déblocage » du dossier constitutionnel (après l’échec des référendums en France et au Pays-Bas où le ‘non à l’UE’ s’est imposé). Pour y faire face, la présidence allemande a intitulé son programme d’actions « Ensemble, nous réussirons l’Europe » et trois axes majeurs ont été dégagés : sortir l’Europe de la crise, la faire parler d’une seule voix sur la scène mondiale et définir une politique garantissant son avenir.

Défis de taille pour Angela Merkel, Chancelière de la République d’Allemagne. « La Chancelière se réfère beaucoup aux valeurs. Son parcours de vie, les prémices de sa carrière politique dans l’ancienne République démocratique d’Allemagne (RDA), le montrent avec force. Elle réfute toute forme de violence et d’intolérance », indique l’Ambassadeur d’Allemagne au Maroc, le Dr Gottfried Hass.

Ce dernier, associé à son homologue du Portugal, Joào Rosa Là, a souhaité créer l’événement au Maroc, avec comme support la présidence tripartite de l’UE où l’Allemagne assurera la présidence durant le premier semestre, le Portugal prendra le relais pour les six derniers mois de 2007 avant que la Slovénie ne prenne le flambeau, le 1er janvier 2008. « Pour la première fois dans l’histoire de l’Union européenne, un programme commun a été établi et qui sera conduit durant 18 mois. Nous avons pris cette décision afin d’assurer une continuité dans la conduite des affaires politiques et avec le souci de garantir efficacité et pérennité », déclare l’Ambassadeur d’Allemagne.

Il rappelle que le « gros » chantier sera de tracer une feuille de route pour un traité constitutionnel qui permettra à l’UE de mener une politique à la hauteur de son ambition. Après l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, le 1er janvier dernier, est-ce qu’il sera plus facile d’atteindre cet objectif à 27 Etats membres qu’à 25 ? Les pays du Sud ne seront-ils pas « négligés » ? « Ce sera plus difficile à 27 mais nous gardons espoir. Quant aux pays du Sud, je tiens à préciser que l’UE poursuivra son action et son engagement au profit de la rive Sud. Nous entendons même renforcer notre place. Pour preuve, la contribution de la commission européenne pour le Maroc, sans les Etats membres, actuellement de 140 millions d’euros, et qui passera à 200 millions d’euros à l’horizon 2010. Nous précisons que cela se fera sous forme de dons et non d’emprunts », annoncent les représentants diplomatiques. Autres thèmes, sujets, auquel le binôme a promis de s’attaquer, l’énergie et l’approvisionnement (la position ambiguë de Vladimir Poutine inquiète d’où le récent voyage d’Angela Merkel en Russie), l’environnement et les défis climatiques, la sécurité interne, la lutte contre le terrorisme et la criminalité frontalière, le processus de paix au Proche Orient,… Bref, que des dossiers chauds et brûlants au menu. S’il est (malheureusement) acquis que seules des avancées notoires pourraient être enregistrées durant ce mandat, il n’en reste pas moins que la volonté de contribuer de manière significative est bien présente.

Les desiderata de pays membres de l’UE

Et l’adhésion de la Turquie ? Avec plus d’1,7 million de ressortissants Turcs vivant en Allemagne (pour 80 000 personnes d’origines marocaines), l’interrogation est légitime. Si Nicolas Sarkozy, candidat à l’élection présidentielle française, est catégoriquement opposé à l’intégration de la Turquie, l’Allemagne, par la voix de son Ambassadeur au Royaume, a une position beaucoup moins tranchée. Selon lui, si la Turquie répond au cahier des charges fixées par l’Union européenne, il n’y a pas de raison que ce pays ne rejoigne pas l’UE. Premier bémol entre Etats membres.

Autre point de discorde, le taux de fiscalité des entreprises au sein des pays de l’Union où le débat sur une harmonisation ou une concurrence fiscale fait rage, car, entre l’Irlande où le taux d’imposition pour les sociétés est d’environ 12% , fait figure de « paradis fiscal » devant l’Allemagne et son taux de 40%.

Troisième « couac », semble être l’approche politique unilatérale des flux migratoires. Selon certains discours officiels de responsables politiques, on serait tenté de penser que la gestion politique des flux migratoires donne lieu à une approche commune. Qu’en est-il en réalité ? On se souvient du « feuilleton printanier » de 2006, avec comme acteurs principaux le tandem Sarkozy/Zapatero. Le Chef de l’exécutif espagnol annonça en grande pompe son désir de procéder à une opération de régularisation massive de migrants pour répondre à des besoins économiques. Alors, le ministre de l’Intérieur français monta au créneau et demanda officiellement au Premier ministre espagnol de ne pas mener à terme cette opération. Dans un premier temps, José Luis Zapatero déclara qu’il n’avait pas de conseils à recevoir de « Sarko » et de la France (s’appuyant sur l’explosion dans les banlieues françaises et l’échec révélé des politiques d’intégration des populations d’origines étrangères) mais, il fit volte face peu après et il s’exécuta à une approche beaucoup moins généreuse. Parallèlement, son voisin Italien, Romano Prodi, fraîchement élu en qualité de Premier ministre, se montra plus « discret » sur sa « campagne de recrutement de migrants » qui s’élève à près de 500 000 personnes.

La politique n’échappe pas à la règle qui impose « que l’on fait souvent comme on peut et non comme on veut ». Les idéologies politiques semblent obéir à des critères parfois troublants…

Migration ou patate chaude au goût du jour

Ceci nous amène à soulever le couvercle de la marmite. En effet, au-delà des discours officiels de certains responsables politiques de premier plan, qu’en est-il dans les faits ? Les images de migrants subsahariens traqués aux portes de Sebta et Melilla ont fait le tour de la planète et le Maroc a été pointé du doigt. Si, depuis les relations « euro marocaines » ont été renforcées, l’UE, promettant de soutenir le Maroc dans son rôle de garde-fou des frontières, lui a confié l’organisation d’une conférence internationale sur la migration à Rabat (un deuxième rendez-vous se déroulera à Lisbonne à l’automne prochain), est-ce suffisant pour en déduire que les portes de l’Europe sont ouvertes à tous ceux qui désirent la rejoindre légalement ? Pour Nicolas Sarkozy, et le parti UMP, c’est « l’immigration choisie et non subie » alors que pour le parti socialiste et sa candidate Ségolène Royal, on milite pour une « immigration partagée ». Blanc bonnet, bonnet blanc. En clair, nous voulons choisir nos migrants. Un choix qui s’opèrera en fonction des carences en matière de ressources humaines dans le pays. A noter que dans les années 1960/1970, période où la migration marocaine était en pleine effervescence avec comme but de rejoindre l’El Dorado européen, les autorités françaises « choisissaient » leurs migrants en fonction de critères établis (paumes de mains râpeuse, analphabète, …). Les temps ont changé et personne ne s’en plaindra.

Pour le Dr Gottfried Hass, « Tout d’abord, une approche globale s’impose. Les problèmes socio-économiques existants dans les pays émetteurs doivent impérativement être pris en compte au même titre que la mise en place d’une politique de contrôle sévère au niveau des frontières ». Une position « partagée » par « Sarko » ! Quant à Joào Rosa Là, l’Ambassadeur portugais, « nous partageons la même vision que l’Allemagne. Il faut tenir compte des raisons qui poussent des personnes à quitter leur territoire et la pauvreté en est la cause principale. Nous devons donc participer à l’amélioration des conditions de vie dans les pays émetteurs. L’instauration de contrôles renforcés aux frontières figure également au programme afin de lutter efficacement face à l’immigration illégale. De plus, nous devons agir au sein de nos pays respectifs pour que les politiques publiques en matière d’accueil, d’accompagnement et d’encadrement des membres de l’immigration légale soient efficientes », précise-t-il.

Que peut-on lire entre les lignes ? Que fondamentalement, le discours et la position tranchée « Sarkozienne » est peu, ou pas, éloignée de celles de ses homologues allemands et portugais, et ce, contrairement à l’idée, à l’opinion, que certains citoyens d’ici et d’ailleurs peuvent se faire. A l’heure où l’Union européenne ne peut établir une politique migratoire commune car, pour cela, il lui faut l’adhésion de tous les Etats membres sans exception. La France et l’Allemagne, pays moteurs pour la construction du continent Europe, semblent être sur la même longueur d’onde. Le Portugal aussi…

Un sondage qui fait « boum » !

Qu’elle ne fut pas la surprise des dirigeants de l’Union européenne à la lecture d’un sondage (dont elle est l’initiatrice) réalisé au Maroc en 2006 auprès d’un échantillon de 600 personnes issues de la société civile ? En effet, à la question, « selon vous, quel le premier pays bailleur de fonds (dons et emprunts confondus) au Maroc ? La majorité des sondés ont répondu…les Etats-Unis d’Amérique ! Ce qui est largement contraire à la réalité. Dans les faits, la participation financière des USA représente 5% de la totalité des fonds dont bénéficient le Royaume alors que la contribution de l’UE est de l’ordre de 70%.

Inutile de préciser que ces résultats ont provoqué une remise en question de fond au sein des rangs de l’Union européenne qui vient de décider de mettre en place une communication plus agressive.

L’agenda de la présidence allemande

Conférence euro méditerranéenne, le 16 mars 2007 sur le thème « Coopération sur l’emploi et le dialogue social dans l’espace Euromed », séminaire de formation à Malte au profit des diplomates de l’Euromed (mars 2007). Du 19 au 20 mars 2007, conférence à Berlin sur l’efficacité de l’énergie et sur les énergies renouvelables et du 26 mai au 3 juin, place aux jeunes avec le premier Parlement des jeunes de l’Euromed. A ce titre, plus de 100 jeunes, âgés de 18 à 25 ans, se rencontreront à Berlin dont 4 Marocains, choisis par l’Institut Goethe de Casablanca. Le 31 mai 2007, conférence sur le thème « Bonne gouvernance, réforme, droits de l’homme dans la région Euromed », les 10, 11 et 12 juin 2007, tenue du premier forum universitaire de l’Euromed à Alexandrie et les 11/12 juin, conférence à Berlin sur les médias. Deux séminaires sur l’échange d’expériences lors d’élections et sur le rôle des médias pour empêcher l’incitation au terrorisme sont prévus mais, pas encore programmés.

Néanmoins l’événement majeur aura lieu les 24 et 25 mars 2007, les Chefs d ‘Etats et de gouvernements célèbreront le 50ème anniversaire de la signature des traités de Rome qui ont institué la communauté économique européenne (CEE) et Euratom.

La Nouvelle Tribune - Rachid Hallaouy

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Sujets associés : Immigration clandestine - Allemagne - Nicolas Sarkozy

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