Le roi Mohammed VI veut assimiler les islamistes marocains

5 septembre 2007 - 18h22 - Maroc - Ecrit par : L.A

C’est l’histoire d’une longue marche. Une lente progression qui dure depuis des années. Les islamistes marocains sont partis à la conquête du pouvoir. Avec prudence et patience. Les élections législatives du 7 septembre sont pour eux une étape importante à défaut d’être déterminante.

Car elle va traduire pour la première fois dans les urnes leur véritable ancrage dans une société taraudée par le conservatisme religieux. Ils ne campent pas encore aux grilles des palais royaux mais avancent en ordre de bataille électoral. Certes ce n’est pas l’Iran d’avant la chute du chah même si des parallèles sont tentants. Le pouvoir suit à la trace leur parcours. Avec la volonté d’endiguer la progression en dressant des obstacles sur leur chemin, en balisant les routes et surtout en pesant sur les mentalités.

Longtemps considérée comme un postulat prêté à quelques esprits impertinents, la poussée islamiste que connaît la plus occidentale des terres d’islam est devenue en quelques mois une évidence pour ne pas dire un lieu commun médiatique. Durant des années pourtant le pouvoir marocain a nié le phénomène. Le Maroc était présenté comme un pays de tolérance où l’intégrisme ne pouvait pas prendre racine. Descendant du Prophète, le souverain de la dynastie alaouite n’est-il pas le commandeur des croyants ? Ne règne-t-il pas sur un islam de rite malékite aussi empreint de soufisme qu’éloigné des pratiques obscurantistes des fous d’Allah ? Mais le royaume a dû déchanter.

Une dissidence est apparue dès les années 1970 avec le mouvement piétiste Justice et bienfaisance d’Abdessalam Yacine. Le cheikh écrivit en 1974 au roi pour lui indiquer qu’il « est sur un volcan prêt à faire irruption ». Hassan II enferma l’importun dans un asile d’aliénés. C’est aujourd’hui un vieillard très malade. Dénuée de statut politique, sa mouvance se porte en revanche comme un charme. Elle rêve de renvoyer le roi à ses loisirs et d’instaurer « pacifiquement » une république islamique. La monarchie parviendra- t-elle à la faire rentrer dans le rang ? Il n’est pas exclu que Justice et bienfaisance, qui se présente comme la seule véritable force d’opposition, intègre le jeu politique institutionnel après la mort du vieux cheikh.

C’est dans les années 1970 aussi que s’est développée l’influence insidieuse des salafistes. Aveuglées par les pétrodollars saoudiens, les autorités n’ont pris conscience du désastre qu’après les attaques du 11 septembre 2001. Le 16 mai 2003, onze kamikazes issus d’un bidonville de Casablanca frappaient dans le centre-ville de la capitale économique du royaume (45 morts). L’État, dominé par le Maghzen, ce réseau de serviteurs de la monarchie chargé de gérer le pays, apparut soudainement fragile. Des grandes rafles suivirent le coup de tonnerre. Depuis, des poseurs de bombes se font sauter ici où là et menacent l’industrie touristique. Quant à al-Qaida pour un Maghreb islamique, une organisation transnationale apparue l’an dernier sur les décombres de l’insurrection islamiste algérienne des années 1990, elle active des réseaux djihadistes.

C’est dans les années 1980 enfin que certains militants de l’actuel Parti de la justice et du développement (PJD) ont fourbi leurs premières armes dans des groupuscules extrémistes. Revenus à des conceptions plus modérées de l’islamisme, ils furent incités à former leur propre parti en 1998. L’idée d’Hassan II et de son homme lige, son ministre de l’Intérieur, Driss Basri, était de créer un contrepoids aux incontrôlables partisans d’Abdessalam Yacine.

Favorable à la monarchie, le PJD est désormais un parti soutenu par les classes moyennes ou populaires arabisantes qui se sentent tenues à l’écart des centres de décision détenus par les élites francophones. Sa mutation est comparable à celle de son homologue turc. Le PJD aura s’il arrive en tête des législatives une marge de manoeuvre très réduite. Le découpage électoral et le mode de scrutin brident ses ambitions. Les islamistes n’ont aucune chance de gouverner seuls. Leur présence dans une coalition est conditionnée par un accord de Mohammed VI. Les militants peu enclins à voir leurs leaders confinés à des rôles de figuration dans des ministères de seconde zone auront eux aussi leur mot à dire.

Après avoir absorbé, à la fin du règne d’Hassan II, l’opposition de gauche et les révolutionnaires d’extrême gauche, la monarchie alaouite entend sous Mohammed VI assimiler les islamistes sans brûler les étapes. La Constitution, qui donne le pouvoir absolu au monarque, garantit la survie du système. En embuscade, d’autres islamistes moins commodes se préparent à entrer dans la danse.

Figaro - Thierry Oberlé

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