Ahmed Zaki : le geste de Mme Nezha Chekrouni

2 janvier 2005 - 21h29 - France - Ecrit par :

Ne parlant pas un mot d’arabe et ne connaissant pas le Maroc, qu’il a quitté à l’âge de 12 ans, Ahmed Zaki a été refoulé de France. Il est hébergé dans une petite pièce au centre d’accueil de Kénitra pour les Marocains résidents à l’étranger. Ahmed travaille aujourd’hui. Il gagne sa vie du mieux qu’il peut.

Ahmed Zaki est abattu. Il sourit un moment et pleure l’instant d’après. “Ma femme est en train de mourir, mes enfants ont besoin de moi", explique t-il avec un soupir désespéré. “J’ai payé cher à la société française mon acte délictueux. Aujourd’hui, il est temps que cela s’arrête". À entendre ce raisonnement, on peut parier que si la France ne l’avait pas expulsé au Maroc, en juillet 2002, si elle ne l’avait pas arraché à sa femme et à ses deux enfants, Ahmed serait un bon citoyen. Ne parlant pas un mot d’arabe et ne connaissant pas le Maroc, qu’il a quitté à l’âge de 12 ans, il cherche ses repères. Il se serait senti étranger, n’eut été la solidarité qui lui est réservée. Pas de toit à son arrivée à Casablanca, sa ville natale. Les trottoirs, les parcs, les bancs et les ruelles lui ont servi de résidence même pendant le froid glacial. Une année de misère avant de s’adresser à la Fondation Hassan II.

Optimisme

Il trouve enfin un vrai soutien. Il est hébergé dans une petite pièce au centre d’accueil de Kénitra pour les Marocains résidents à l’étranger. C’est là que
Ahmed travaille aujourd’hui. Il s’essaie à une autre vie. Il gagne sa vie du mieux qu’il peut. Mais
entre ses déplacements quotidiens et ses appels fréquents pour avoir des nouvelles de sa petite famille, son petit salaire de 1800 DH suffit à peine.
“C’est mieux que rien" se console-t-il dans une note d’optimisme.
Son retour au Maroc est un souvenir encore brutal pour lui. “Vivre dans la rue, c’est comme vivre un mauvais rêve", dit-il, le regard vague. Depuis, il a reçu quelques visites de sa femme et de ses deux enfants. “C’est ce qui inspire mon combat".
Mais, il s’estime heureux. À la différence de plusieurs expulsés, il n’a pas sombré dans la délinquance pour s’en sortir. “J’ai tout essayé pour gagner honnêtement quelques sous pour rester en vie. J’ai mendié, supplié les passants..."
Ahmed avait été arrêté en France pour une affaire de drogue et purgé trois ans de prison, de 1999 à 2001. Mais dès sa sortie, le ministre de l’Intérieur prononce un arrêté d’expulsion en vertu de la loi sur la double peine. Sa conduite, jugée exemplaire par le pénitencier de Châteauroux, n’y changera rien. Pas plus que la demande de son avocat pour abroger la décision ministérielle. Il a réglé sa dette à la société, mais celle-ci ne s’est pas satisfaite d’une privation de liberté de trois ans. Elle en voulait plus. Elle ne voulait plus voir ce Maghrébin sur son territoire. Depuis, la double peine a été abolie. Mais, Ahmed Zaki, qui n’était pas en France au moment de l’adoption de ces dispositions, ne profitera pas de la mesure. Il aura droit au même traitement qu’un terroriste, pour avoir commis un délit.
Sa femme, Nora Baktaoui, de nationalité française, atteinte d’une affection très grave et incurable, est sur le lit de mort. Ses deux garçons : Marwane, 14 ans, et Sofiane, 11 ans, sont suivis par un psychologue. Ils ne comprennent pas l’absence de leur père dans des conditions aussi dramatiques.

Larmes

Ils le réclament. Mais que peuvent ces cris de détresse face à une administration sourde, appliquant plutôt les textes en ignorant l’esprit des lois ? “J’en ai le coeur déchiré de les entendre pleurer au téléphone et demander quand est ce que je reviendrai", dit-il. Cette fois, il ne peut retenir ses larmes. Il restera plus de deux minutes avant de pouvoir prononcer de nouveau une phrase. Quand le premier mot vient, c’est dans une explosion de colère. “La France s’en fout quand même"
et ne répond pas à ses deux requêtes adressées au ministre de l’Intérieur, Dominique De Villepin. La demande d’abrogation dans le cadre de la loi Sarkozy adoptée en 2003 n’a pas abouti. Et sous prétexte qu’il ne résidait pas en France au moment où la loi est votée, “la double peine continue à être appliquée à ce jour. C’est une injustice". Ahmed continue à frapper à toutes les portes. Il est finalement reçu par Nezha Chekrouni, qui lui promet de donner une suite favorable à son cas. Mais, il ne compte pas s’arrêter là. Car Ahmed multiplie les sorties médiatiques. La presse française, mais aussi marocaine, s’est largement fait échos de son malheur. Il espère être entendu. Parallèlement, il s’est adressé à nombre d’organisations non-gouvernementales. Ces dernières
sont également en train de s’activer en France. Malheureusement, la justice et l’administration continuent de faire la sourde oreille.

Chifaâ Nassir - Maroc Hebdo

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