« Allez Yallah ! » fait un carton

5 avril 2007 - 00h00 - France - Ecrit par : L.A

Produit par Jean-Jacques Beineix et réalisé par Jean-Pierre Thorn, un film sur les femmes maghrébines de France connaît, sans pub ni presse, un succès étonnant. Récit

C’est l’histoire d’un film qui devait mourir. Un film qui, finalement, s’est fait une vie hors piste commerciale. « Allez Yallah ! » raconte des femmes venues du Maroc en tournée dans les cités de France. Elles ont le regard fier, aucune appréhension devant le silence qu’on leur oppose, même pas peur quand des cailloux leur tombent sur la tête du haut des immeubles. Les caravanières vont à la rencontre des autres, ces mères qui vivent derrière le voile et dans le bitume français, pour leur dire combien compte leur condition, pour leur rappeler que la liberté est un combat, qu’elles ont des droits. Et c’est ici, en France, qu’une adolescente clame fièrement à la caméra que les femmes adultères, oui, doivent être « corrigées ».

« Allez Yallah ! » est donc une balade au bord de l’intégrisme, dans le vertige des précarités. Bref, un truc ni rigolo ni mélo qui dure près de deux heures, qui ne s’exclame pas mais interroge, et dont, évidemment, les télévisions n’ont pas voulu. Tant pis. Jean-Pierre Thorn, le réalisateur, et l’équipe de Jean-Jacques Beineix, le producteur, ont fait sans rien.

Sauf l’unique soutien de la région Ile-de-France. Beineix a pris le risque d’aller au bout, il a distribué le film. Une gageure, « puisque le film a été réalisé en numérique, explique Nolwenn Thivault, programmatrice du film. Nous n’avions pas les 40000 à 50000euros nécessaires au transfert sur pellicule ». Seules les salles équipées en numérique pouvaient donc diffuser le film, soit à peine 200 sur 1 300. Et malgré tout, vendu partout avec débat à la clé, « Allez Yallah ! » a fait un petit carton. Sans pub ni presse. Plus de 10 000 spectateurs depuis le mois de novembre dernier, grâce à un gros buzz, un bouche-à-oreille parti des associations de femmes, et allant même jusqu’à intéresser l’« association des travailleurs miniers maghrébins du bassin houiller lorrain »...

Du coup, de Vénissieux à Vitrolles en passant par Le Havre, Saint-Avold, Montpellier ou Argenteuil, voilà le film programmé en mars dans 120 lieux, dont les deux tiers sont des salles art et essai et le reste des médiathèques, des MJC. Pour Nolwenn Thivault, qui travaille exclusivement sur des documentaires, « il existe une véritable demande de cinéma engagé du côté du public, et des salles qui se sentent de plus en plus étouffées par les volontés commerciales ». Le réalisateur d’« Allez Yallah ! » confirme : « Notre film est porté par les associations, qui s’en emparent parce que le cinéma, c’est aussi ça : répondre à des questions de société. » Alors Jean-Pierre Thorn court d’une projo l’autre, heureux de voir son travail validé par ces débats agités qui réunissent femmes voilées et jeunesse des quartiers. Mais bon, l’affaire prend du temps, est coûteuse pour tout le monde et ne rapporte en fait rien à personne. Et alors ? Comme dirait Beineix : « Quand on fait du cinéma militant, on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Depuis quand s’imagine-t-on que l’engagement paie ? » Depuis, peut-être, qu’on ne sait plus ce que ça veut dire.

Le Nouvel Observateur - Elsa Vigoureux

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : France - Cinéma

Ces articles devraient vous intéresser :

Buzz, fric et clashs : La (mauvaise) recette des artistes marocains

De plus en plus d’artistes marocains se tournent vers les réseaux sociaux, notamment Instagram et TikTok, pour interagir avec leur public et générer des revenus. Cette tendance suscite toutefois des critiques, certains pointant du doigt le recours à...

Sur Al Oula, une scène jugée humiliante pour l’homme marocain

L’actrice Sahar Seddiki essuie des critiques de la part des internautes à cause d’une scène de la série dramatique et sociale « Jarah Qadim » (“Une ancienne blessure”), diffusée sur la chaîne Al Aoula pendant le ramadan, la montrant en train de...

Jamel Debbouze lance "Terminal", 25 ans après "H"

L’humoriste franco-marocain Jamel Debbouze retrouve son confrère Ramzy Bedia dans le cadre d’un nouveau projet pour Canal+. Le duo est connu pour son rôle dans la série à succès H (1998-2002).

Emmanuelle Chriqui : Une voix marocaine contre l’antisémitisme

À l’heure où la guerre fait rage entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza, l’actrice canadienne d’origine marocaine Emmanuelle Chriqui dénonce le déferlement d’antisémitisme.

Dounia Boutazout sous le feu des critiques : sa réponse cinglante

Critiquée par ses collègues pour son apparition dans plusieurs séries et films programmés durant ce mois de ramadan, l’actrice marocaine Dounia Boutazout répond via un post sur son compte Instagram.

Farah El Fassi et Omar Lotfi : le couple star du cinéma marocain divorce

Le couple emblématique du cinéma marocain, Farah El Fassi et Omar Lotfi, a officiellement divorcé. La nouvelle, largement relayée sur les réseaux sociaux, a été confirmée par une source proche de l’actrice.

L’actrice marocaine Fadila Benmoussa annoncée morte

Sur la toile, des rumeurs font état du décès de la célèbre actrice marocaine Fadila Benmoussa. Qu’en est-il réellement ?

"Terminal" : Jamel Debbouze et Ramzy Bedia réunis 25 ans après "H"

Canal+ a dévoilé la date de sortie de « Terminal – Bienvenue à l’aéroport », la sitcom produite, écrite, réalisée et interprétée par Jamel Debbouze. Une nouvelle collaboration entre la chaîne cryptée et l’humoriste franco-marocain 25 ans après la série...

Rachida Brakni n’a pas forcément apprécié son tournage au Maroc

Rachida Brakni a partagé son expérience mitigée sur le tournage du film « Lonely Planet » (Netflix) au Maroc. Ce projet, qui l’a vue donner la réplique à des stars internationales comme Laura Dern et Liam Hemsworth, s’est révélé en demi-teinte pour la...

L’acteur marocain Mustapha Zaari en mauvaise passe

L’acteur marocain Mustapha Zaari traverse une passe difficile en ce moment. Diagnostiqué d’un cancer de la prostate, il a été hospitalisé récemment à l’hôpital militaire de Rabat pour recevoir un traitement adéquat.