La résistance au double protectorat espagnol et français instaurée au Maroc en 1912 prend un tournant majeur en 1921. Depuis huit ans, l’Espagne, tente tant bien que mal d’administrer la région nord du Maroc, particulièrement dans le Rif, placée sous son autorité, rappelle Jeune Afrique. En 1920, le roi d’Espagne Alphonse XIII nomme le général Manuel Fernandez Silvestre, aide de camp favori du roi et héros de la guerre hispano-marocaine, qui parle parfaitement la langue arabe, commandant général de Ceuta et Melilla. Sa mission : soumettre pour de bon le Rif. Un autre haut-gradé, Damaso Berenguer, sera, lui aussi, nommé haut-commissaire du protectorat espagnol. Il venait tout juste de soumettre Chefchaouen.
À lire :Le CNDH réclame à la France les « papiers » d’Abdelkrim El Khattabi
Aux yeux de Manuel Fernandez Silvestre, cette mission n’est qu’une « simple formalité ». « Il est certain que l’indigène, dont la vie misérable ne se maintient péniblement que par la faim et l’abstinence dans un état voisin de l’agonie, n’entend les appels au combat qu’avec indifférence ou même indignation contre les tyrans féodaux et les impitoyables usuriers que sont pour lui les chefs dans son régime traditionnel », déclare-t-il ainsi à ses supérieurs. Illusion ! La tribu des Beni Ouriaghel, installée dans la région d’Alhoceima, entre en rébellion ouverte sous la conduite de Mohamed Ben Abdelkrim El-Khattabi (30 ans), jeune chef charismatique et intelligent. Celui-ci a étudié à Fès et fait son droit à Salamanque (Espagne) avant de devenir journaliste et fonctionnaire de l’administration espagnole. La résistance rifaine se forme et s’affirme. Mais l’armée espagnole banalise. En décembre 1920, elle établit déjà une base de 6 000 hommes à Anoual, une ville montagneuse reliant l’enclave de Melilla à Ajdir, fief de la tribu d’Abdelkrim, les Beni Ouriaghel.
À lire :Il y a 100 ans, Abdelkrim el-Khattabi libérait 328 prisonniers espagnols contre rançon
Le 1ᵉʳ juin, l’armée espagnole essuie un échec à Dar Ouberrane – une position située juste en face d’el-Qama. Les Rifains attaquent un contingent de l’armée colonial et tuent plus de 125 soldats espagnols sur les 250. De quoi saper le moral au général Manuel Fernandez Silvestre. 20 juillet : l’armée essuie une lourde défaite à Anoual. Le lendemain, les Rifains attaquent le camp d’Anoual. Manuel Fernández Silvestre ordonne alors ses 15 000 hommes de quitter la base et de se replier à Melilla. Les Regulares – des Rifains enrôlés dans l’armée coloniale – qui représentent un tiers des soldats se rangent du côté d’Abdelkrim. L’immense majorité des soldats espagnols sont tués, blessés ou portés disparus, parfois réduits en esclavage par les rebelles rifains. Le général Silvestre lui-même se serait suicidé ou porté disparu. Le 29 juillet, le général Navarro le remplace. Il sera capturé.
À lire : Espagne : un timbre marocain sur la bataille d’Anoual crée la polémique
Après ses victoires face aux Espagnols, Abdelkrim proclame le 1ᵉʳ février 1922, la République confédérée des tribus du Rif. 1925 : retournement de situation. Grâce à l’aide des Français et des Britanniques, la région se soumet pour de bon.