Le jeune homme a rendu l’âme, jeudi, des suites de complications de son état de santé déjà très critique au moment de son admission à l’hôpital de Mortil dans la région de Grenade.
Tarik, son camarade de chambre et compagnon de fortune, s’est éteint, lui aussi, quelques jours auparavant.
Ils étaient 11 à s’entasser sur une petite embarcation longue d’à peine trois mètres et prendre le large dans les environs de Saïdia, près des frontières algériennes, la nuit du 29 au 30 juillet dernier. Deux semaines plus tard, un voilier espagnol a pu les repérer à 20 milles des côtes de la province de Grenade, et alerter les services de sauvetage maritime.
Ce fut sans doute, dira ultérieurement, à la presse, le chef de l’équipe d’intervention d’urgence, le sauvetage le plus tragique de sa vie. Des 11 compagnons de départ, les secouristes espagnols n’ont trouvé que sept survivants.
Sur leur lit d’hôpital, les deux internés aujourd’hui décédés, ont raconté aux médias espagnols le sort de leurs compagnons perdus dans la traversée. Longtemps après leur dérive, deux compagnons n’en pouvant plus ont décidé de se jeter à l’eau et tenter de regagner la côte à la nage. Leurs cadavres n’ont toujours pas été retrouvés. Les deux autres affaiblis par la fatigue, la faim et la soif ont succombé et leurs cadavres jetés à la mer. La survie des autres relève du miracle.
Forte déshydratation, des brûlures de différents degrés dans de multiples parties de leurs corps, ils ont été admis à l’hôpital de Mortil, cinq d’entre eux ont pu s’en sortir et remis aux autorités marocaines, deux dont l’état était très grave sont restés alités. Leur santé a continué à se détériorer et ont fini par succomber.
Les 11 compagnons du voyage, au début rêve devenu cauchemar, se connaissaient tous puisqu’ils étaient de la même région de Berkane. Ils ont préparé leur expédition pendant au moins un mois, chacun y a investi entre 12.000 et 15.000 dh. Les survivants raconteront plus tard qu’ils avaient opté pour un point de départ situé entre Saïdia et les frontières algériennes. Ils voulaient suivre le trajet communément connu sous le nom de « la route de l’Algérie » qui relie ce point du Nord du Maroc à Cabo de Gata dans la province d’Almería.
Leurs provisions se composaient de 30 litres d’eau et quelques sacs de fruits secs.
Tout allait bien au début. La situation a commencé à se compliquer quand ils venaient à manquer de carburant, racontera Tarik sur son lit d’hôpital.
Le moteur a fini par cesser de fonctionner et les 11 compagnons n’avaient plus que la force de leurs bras pour continuer leur périple. Ils ont ramé des heures durant. La fatigue a pris le dessus, les nerfs à fleur de la peau.
Epuisés, ils se sont laissés tanguer par les eaux du Détroit. C’est à ce moment que deux d’entre eux ont décidé de se jeter à l’eau dans l’espoir de regagner la côte à la nage. Personne ne saura plus rien d’eux. Les autres se sont laissés se consumer lentement. Les provisions ont fini par s’épuiser rapidement et pour étancher leur soif, ils ont été contraints de boire l’eau de mer.
L’équipe de sauvetage maritime espagnole affirmera après, qu’ils ont probablement dû tourner en rond durant « très longtemps ». Deux compagnons dont l’organisateur de l’expédition sont morts entre-temps. Ils ont été jetés à la mer, le corps de l’organisateur a été rejeté par la mer des jours plus tard.
Le 12 août dernier, vers 13h, un voilier les a repérés. Quatre ont quitté l’hôpital et reconduits, sur ordre de la justice, aux frontières et remis aux autorités marocaines. Trois sont restés alités, l’un d’eux dont l’état s’est amélioré a fini par quitter l’hôpital, les deux autres sont décédés des suites de complications de leur santé.
Tahar Abou El Farah - Libération